Le président de la Ftav considère que l'heure a sonné pour l'intelligence touristique tunisienne de rompre le jeûne du silence, de l'absence d'imagination et faire preuve de courage et d'anticipation. En cas de troubles, de guerre, de catastrophe naturelle, d'actes terroristes ou encore de crise économique, le tourisme est le premier secteur à souffrir mais aussi le premier à rebondir dès que la situation se stabilise. Et le tourisme tunisien ne déroge pas à cette règle. Il n'empêche, les deux derniers attentats terroristes aux conséquences dramatiques commandent, selon Mohamed Ali Toumi, président de la Fédération tunisienne des agences de voyages, de faire le constat pour savoir combattre le mal. Le président de la Ftav, qui a participé au nom de la corporation aux réunions de crise tenues notamment avec le chef du gouvernement, le président de l'ARP, le ministre de l'Intérieur, la ministre du Tourisme et de l'Artisanat, considère que la catastrophe est incommensurable et qu'il ne sert à rien d'en minimiser l'ampleur. « Après l'attentat du Bardo, on a beau expliquer à nos partenaires qu'il s'agit d'un acte isolé qui ne risque plus de se reproduire. Aujourd'hui, nous sommes à court d'arguments », explique-t-il. Se félicitant des décisions fermes prises pour protéger les hôtes du pays, le président de la Ftav estime que d'autres mesures devraient être prises en partenariat avec les structures professionnelles. « La voie du salut passe par une stratégie commune et des mesures appropriées pour soutenir le secteur dans cette crise », assure-t-il. Relance du marché algérien C'est que « le tourisme tunisien va évoluer dans un contexte de consommation en berne, non seulement pour cette saison mais aussi pour les années à venir », explique-t-il. D'où l'importance de prêter ouïe aux professionnels et de noter leurs doléances dans cette phase délicate. Il s'agit d'abord, selon Mohamed Ali Toumi, de poser la question du maintien des postes d'emploi dans le secteur malgré la grisaille et le trou d'air qui risque d'emporter dans son élan des milliers d'emplois directs et indirects. « Il faut maintenir les emplois. Comment ? Il faut se mettre à table pour étudier les moyens à même de le permettre. Des mesures urgentes d'ordre social (fiscales, financières, patronales...) sont à prendre », assure-t-il. Mais ces mesures ne devraient pas être assimilées à une forme d'assistance gouvernementale à tour de bras. « Certes, le secteur du tourisme est aujourd'hui sinistré, mais en réalité c'est toute l'économie du pays qui a été touchée de plein fouet. Sauver les acteurs du secteur, c'est sauver l'économie du pays », ajoute-t-il. Toutefois, Mohamed Ali Toumi ne se fait pas d'illusions. « Pour que la machine ne se grippe pas, il faut continuer à travailler », assène-t-il. Comment ? « Pour sauver la saison, nous devons focaliser nos efforts sur le marché algérien et sur le tourisme local » souligne-t-il. Pour la relance du marché algérien, Mohamed Ali Toumi préconise une action immédiate pour mettre à niveau les postes de passages frontaliers. « Ces points de passages constituent des points noirs. Même les agents qui y travaillent exercent dans des conditions difficiles. Il faut engager rapidement une action de lifting pour doter ces postes d'aires de repos avec des blocs sanitaires, climatisation et autres commodités », renchérit-il. « Il faut également prévoir un renfort pour réduire le temps de passage, source de désagréments pour les Algériens », ajoute-t-il. Sur un autre plan, le président de la Ftav recommande d'officialiser les canaux de paiement via les agences de voyages en envisageant l'acceptation des virements en dinar algérien. « Le paiement par cash ne laisse aucune traçabilité sur des transactions parfois douteuses. L'acceptation des virements en dinar algérien peut encourager les Algériens à venir en masse passer des vacances en Tunisie », justifie-t-il. Quant à l'épineux dossier du tourisme local, M. Toumi suggère de tenir compte du pouvoir d'achat des Tunisiens, qui s'est érodé de façon spectaculaire. Il recommande à cet effet aux hôteliers de concéder des baisses conséquentes sous forme de tarifs préférentiels à travers un canal de distribution constitué d'agences de voyages moyennant une commission de vente qui ne dépasse pas 10%. Ceci dit, M.Toumi estime que les banques devraient soutenir cet effort en développant un nouveau produit « crédit loisir » sur présentation d'une facture hôtelière ou d'agence de voyages. « Une telle mesure pourrait rallumer les moteurs et dynamiser le marché », avoue-t-il. Il n'empêche, à ces mesures conjoncturelles, des mesures structurelles devraient être envisagées. A titre d'exemple, M.Toumi fait allusion à la possible création d'une agence de certification des sociétés de sécurité actives dans le secteur touristique. L'urgence d'un diagnostic sur la sécurité touristique figure également à l'agenda du voyagiste. Enfin, l'idée d'une commission spéciale au sein de l'ARP chargée du tourisme pour le suivi et la gestion de la crise actuelle ainsi que pour la réflexion sur une vision à long terme a d'ores et déjà été proposée au président de l'ARP qui a promu de la soumettre aux députés, apprend-on. C'est que pour faire sauter les verrous qui risquent de plomber davantage la relance, il est indispensable de se serrer les coudes pour passer la ligne d'arrivée groupés en vainqueurs.