Seuls trois prévenus sur trente ont accepté de se rendre au Palais de Justice. Le procès reporté au 30 octobre prochain C'est sous haute vigilance policière et en présence de plusieurs médias nationaux et internationaux que le procès du meurtre de l'ex-leader du Parti des patriotes démocrates unifié, Chokri Belaïd, s'est ouvert hier à la cinquième chambre d'accusation du Tribunal de première instance de Tunis, plus précisément dans la salle des pas perdus. Fait marquant de cette première journée d'audience, l'absence de la plupart des 30 accusés dans cette affaire. Ils n'étaient en effet que trois prévenus à se présenter à la barre. Les autres ont semble-t-il refusé de se rendre au Palais de Justice (la loi ne peut pas les contraindre). Selon l'avocate de la partie civile, Nadia Guirat, qui fait partie d'une véritable armée d'avocats — on parle de quelque 1.800 avocats venus défendre le martyr —, «les accusés n'ont peut-être pas cru qu'ils bénéficieraient d'un procès équitable». Pour l'avocat et député du Front populaire Ahmed Seddik, ces gens usent d'une «vieille manœuvre» à laquelle ils sont habitués et qui consiste à «remettre en cause la légitimité de la cour» pour fuir la confrontation avec la réalité et les faits. Tout diffuser ou pas ? Le premier round dans le combat qui oppose les avocats dans ce procès est celui de la retransmission ou non du procès à la télévision. Si les avocats des héritiers de Chokri Belaïd tiennent à ce que le procès soit filmé pour que «l'opinion publique sache tout», les avocats des accusés, eux, refusent catégoriquement qu'une telle demande soit acceptée par la cour. Pour ces derniers, cela porterait atteinte aux droits de leurs clients. Toujours est-il que défense et accusation ont demandé le report de l'affaire. L'un pour préparer sa stratégie de défense, l'autre pour mieux préparer les plaidoyers d'accusation. L'ambiance devant le tribunal de première instance en cette chaleur estivale témoigne qu'il s'agit d'un procès politique au plus au point. Tout au long du procès qui durera au moins plusieurs mois, la cour travaillera sous pression médiatique et politique. Déjà, la partie civile doute de la volonté « politique » du gouvernement d'aller jusqu'au bout de la vérité. «Nous craignons que la coalition entre Nida Tounès et Ennahdha n'entrave le bon déroulement du procès». Responsabilité morale et politique Ennahdha, le parti toujours sous les feux des accusations de la part d'une bonne partie de la gauche tunisienne, est accusé d'être «responsable moralement et politiquement» de l'assassinat de Chokri Belaïd. Et ce n'est pas tout : les manifestants de Bab Bnat demandent «la tête» d'au moins trois ministres nahdhaouis, à savoir Hamadi Jebali, chef du gouvernement au moment des faits, Ali Laârayedh, ministre de l'Intérieur à l'époque, et Noureddine Bhiri, ancien ministre de la Justice à qui l'opposition reproche l'entrave de l'instruction dans les jours qui ont suivi le meurtre. De son côté, le porte-parole de Nida Tounès, Boujomaâ Remili, a assuré à La Presse que l'alliance avec Ennahdha n'était que politique et qu'elle «ne saurait être une raison pour tourner la page de l'assassinat de Chokri Belaïd». Il a rappelé que le président de la République Béji Caïd Essebsi s'était engagé avant et après les élections à pousser vers la découverte de toute la vérité sur ce crime qui avait créé un séisme politique le 6 février 2013. «M. le président peut dire cela, mais les cartes ne sont pas à sa disposition, c'est à la justice de faire son travail», réplique Samir Ettaïeb, le chef du parti Al Massar. La justice, c'est aussi le droit de la défense, mais là aussi, le climat est encore tendu. Hors du tribunal, on a du mal à comprendre que certains avocats ont accepté de défendre les tueurs présumés. La colère est perceptible et tous réclament que « justice soit faite ». La tension explique entre autres que l'accès au Palais de Justice soit très contrôlé. Samir Ben Amor, l'avocat CPRiste, et Mounir Ben Salha, devenu célèbre après avoir réussi à faire acquitter des accusés dans l'affaire des martyrs, ont été insultés par la foule. «Menteurs, vous blanchissez le terrorisme», pouvait-on entendre ici et là. En fin de séance, le Tribunal de première instance de Tunis a décidé le report de l'audience au 30 octobre prochain. Par ailleurs, il a refusé les demandes de libération des accusés et reporté la décision concernant la possibilité pour le Ppdu et l'Ugtt de se porter partie civile. Le CPR se désolidarise de Samir Ben Amor Le Congrès pour la République (CPR) s'est dit étonné de voir Samir Ben Amor assurer la défense de l'un des accusés dans l'affaire Chokri Belaïd. A noter que Samir Ben Amor ne fait plus partie du bureau politique du CPR, rappelle le parti. Il précise dans un communiqué publié hier que l'avocat Samir Ben Amor n'a pas informé les structures du parti de sa décision de se charger de l'affaire, malgré son caractère politique. Le CPR exprime le souhait que toute la vérité soit révélée sur ceux qui ont participé à l'assassinat du martyr Chokri Belaïd, soit par l'exécution, soit par la planification ou encore par le financement et que les sanctions les plus sévères leur soient infligées. La première audience publique dans l'affaire Chokri Belaïd s'est ouverte hier matin au Tribunal de première instance de Tunis, en présence d'un grand nombre d'avocats et d'hommes politiques. Le leader de gauche Chokri Belaïd, secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié, a été assassiné le 6 février 2013 devant son domicile. Il s'agit du premier assassinat politique en Tunisie après la Révolution.