La crise des boulangeries persiste    Intempéries : L'aéroport de Dubaï transformé en piscine... Plus de 100 vols détournés    Comment et quand se fera la riposte israélienne à l'attaque iranienne ?    Météo Tunisie - Ciel nuageux et pluies éparses    Conseil national des régions et des districts : Plénière inaugurale, vendredi prochain    La Slovénie et l'Espagne d'accord pour reconnaître formellement l'Etat de Palestine    Tunisie – Triplement du plafond de financement des entreprises communautaires    Affaire du complot contre la sûreté de l'Etat : le Pôle judiciaire antiterroriste dément toute violation de procédures    Avec un résultat de 5,3 MD en 2023 : La BTKL enregistre des performances satisfaisantes    Ligue 1 : L'Espérance sportive de Tunis défie le CSS    Nos enfants sont la première cible    Intelligence artificielle : Un institut tunisien devra voir le jour à la prochaine rentrée universitaire    Par Amine Ben Gamra : La BFPME doit rapidement élaborer un nouveau modèle économique pour sauver le tissu tunisien des PME    Essentielle . Novatrice . Harmonieuse : Une nouvelle identité de conception pour Samsung Electronics en 2030    G-a-z-a: Plus de 200 enfants dans les geôles!    La Tunisie, 5e pays au monde le plus vulnérable au risque de sécheresses et de déficit hydrique    Carnaval International Yasmine Hammamet 2024 : Une célébration multiculturelle avec 700 artistes attendus    Perte de postes judiciaires des magistrats : L'AMT demande l'ouverture d'une enquête    Plus de 21 000 migrants interceptés en mer cette année    Quatrième visite de Giorgia Meloni en Tunisie en un an    Découvrez les prix au marché de Béja [Photos+Vidéo]    Entité sioniste – Nouvelle réunion du cabinet de guerre après l'attaque de l'Iran    Foire internationale du livre de Tunis (FILT 2024) : L'Italie invitée d'honneur, La Palestine au cœur de la foire    Jamel Eddine Boughalleb à Kaïs Saïed : durant ton règne, personne ne devrait faire l'objet d'une injustice    DECES : Abdelhakim El MUFTI    Le CSS se fait de nouveau accrocher à Sfax : Des choix déplacés...    Daily brief national du 16 avril 2024: Tunisie: La Banque mondiale revoit ses prévisions de croissance à la baisse    Clôture bientôt du programme PMES : Place à l'évaluation    Kiosque international    Les Merveilles de Disney à Tunis : une comédie musicale féérique à ne pas manquer !    Vient de paraître: À la recherche d'un humanisme perdu de Abdelaziz Kacem    Sortir    Ce jeudi, accès gratuit aux musées    38e édition de la Foire Internationale du Livre de Tunis : La Palestine dans nos cœurs et l'Italie invitée d'honneur    Bizerte : 380 millions de dinars pour rendre l'eau potable accessible aux zones rurales    Foire internationale du livre de Tunis : 314 exposants de 25 pays    Le CAB perd de nouveau en déplacement à Tataouine : Une mauvaise habitude !    L'ESM gagne dans la douleur devant l'AS Soliman – Kaïs Yaâcoubi : «Il faut être réaliste pour gagner des points »    Invitation officielle à Nabil Ammar pour une visite diplomatique en Serbie    Kais Saied lance un appel à l'action contre la violence et le trafic de drogue en Tunisie    Kaïs Saïed : la guerre contre les essaims de criquets se poursuit    Ons Jabeur 9ème au classement mondial WTA, s'apprête à entamer le tournoi ATP de Stuttgart    Gaza, mon amour    COMMENTAIRE | La vengeance est un plat qui se mange froid, mais pas tiède !    La Tunisie préoccupée par l'évolution de la situation au Moyen-Orient    Play-out Ligue 1 pro : premiers résultats et classement provisoire de la J7    Stade d'El Menzah : une équipe d'architectes et d'ingénieurs chinois en Tunisie    Pari Sportif: La société Sisal attend l'aval du ministère du Commerce pour démarrer ses activités en Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le terrorisme : la lutte introuvable
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 07 - 2015


Par Jamil SAYAH *
Combien faut-il encore de morts et de blessés pour s'attaquer sérieusement à cette gangrène qui semble, sans discontinuité, ronger notre société: le terrorisme? Dans une récente analyse, nous avons fait l'hypothèse que derrière la surface des incertitudes et des perturbations très réelles, deux sentiments profondément ancrés commandant l'incapacité actuelle de la Tunisie face à ce qu'il est convenu désormais d'appeler le défi futur: premièrement, la société tunisienne est en désarroi, elle n'apparaît plus aussi robuste, aussi capable de résister à l'influence et à l'affluence d'autant d'idées et de criminels potentiels en son sein. Deuxièmement, l'Etat comme garant de l'ordre, de la sécurité et des valeurs collectives a perdu une part de sa légitimité, et son affaiblissement moral (l'incarnation de l'intérêt général) crée un vide qui n'a pas encore été comblé.
Cette crise civique ne peut être comprise qu'en la restituant dans l'histoire récente de notre pays. Le projet politique de la Troïka a certes été démocratiquement défait, mais il n'a, malheureusement, pas été remplacé. En absence d'un mode d'action collectif admis par tous, l'adaptation reste passive, les obstacles à franchir paraissent insurmontables. Le rétablissement d'une croyance en la possibilité d'agir efficacement est décisif pour que les Tunisiens n'aient plus le sentiment d'être ballottés par l'histoire.
1- Un appareil de sécurité concurrencé et affaibli
La police républicaine, qui a normalement pour mission d'organiser la réponse à de tels défis, doit de son côté affronter des turbulences. Selon une logique organisationnelle (traditionnelle), les forces de sécurité doivent obéir à «un sommet régulateur et organisateur d'une hiérarchie articulée...». De ce fait, elles constituent une institution au service de la société. Elles incarnent la part transcendante des individus, ce par quoi ils sont libres et égaux. Point de liberté sans sécurité. Ce monopole de légitimité politique, notre appareil sécuritaire est en train de le perdre en quelque sorte par les deux bouts: un désordre structurel et une inefficacité opérationnelle.
Il ne faut pas être grand expert en matière de police pour constater que notre appareil de sécurité agit sans «sommet organisateur». Toutes les polices du monde ont besoin, pour lutter efficacement contre le terrorisme, d'une ligne d'action claire et de décisions compréhensibles. Point d'ambiguïté, ni de déclaration à l'emporte-pièce. Bref, une stratégie d'action rationnellement établie. Or au regard de l'ampleur des récents événements, nos forces de sécurité ne semblent pas en avoir une. Elles naviguent à vue. Comment s'en étonner d'ailleurs ? Leur mode d'action apparaît comme séparé de toute stratégie, de toute démarche de vaincre où elle pourrait s'incarner. Tout au contraire, et sauf rarissime cas de lucidité, le dernier attentat démontre bien qu'elles ont été totalement surprises. Ni alerte, ni anticipation, personne en son sein n'a rien vu venir.
Quand une force de sécurité ignore le réel, prend sa propre propagande pour la réalité, quand au moment de combattre, elle confond un déjeûneur avec un terroriste ; quand donc cette force de sécurité invente un ennemi de « confort » plutôt que de le connaître pour mieux le neutraliser, elle commet une tragique, car irréparable méprise. Ce désastre est d'autant plus complet et durable dans ses conséquences que l'appareil a perdu toute confiance en lui. Cette fois, les atouts et les signes d'efficacité ne sont plus de ses côtés, sans que pour autant l'actuel ministre de l'Intérieur donne l'impression de s'en occuper.
Deux colossales fautes ont été commises. La première est connue, mais mérite néanmoins d'être rappelée. En matière de sécurité, il est un péché contre l'esprit à ne jamais commettre : l'infiltration politique de l'appareil. Ennahdha la voulait, M. Ghannouchi l'a annoncé et M. Ali Laârayedh, sans vergogne, l'a fait. Des nominations inattendues, des départs forcés (au sein des services de renseignements notamment), des colonisations des postes de responsabilité et des grands secteurs dominants (chef de district de Monastir), des mises en lumière des options partisanes, ont été constatés. Voilà alors la solidarité d'antan rompue à jamais. Le pire est que cette perte est irréparable.
La deuxième faute est bien pire encore et totalement méconnue. Elle est formidablement et durablement grave qu'il faut ici l'analyser par le menu. Qui est l'ennemi ? Qui est notre ennemi ? La Tunisie semble subir un terrorisme mutant alliant sauvagerie moyenâgeuse et usage d'internet. Une criminalité tout terrain, portée par des hybrides, mi-étudiants, mi-terroristes, naviguant sans surveillance et passant ainsi sans crainte entre les mailles des services de renseignements empêtrés dans leur impuissance. Seifeddine Rezgui valide par son acte le constat de la radicalisation d'une partie de la jeunesse qui semble avoir trouvé dans la violence et la terreur son mode d'expression.
Mais ce que ces crimes disent de leurs auteurs importe moins que ce qu'ils disent de l'impuissance de notre politique de sécurité à les prévenir et à les contenir. Ce ne sont point des actes sans cause. Au contraire, ils sont des actes avec une véritable cause politique. Ils répondent en miroir à la haine que portent ces criminels à leur société et à leur pays. Ainsi donc, le foyer d'infection, le marigot exsudant l'épidémie de la terreur est la radicalisation d'une jeunesse perdue par la République. Un continuum criminalo-terroriste a émergé dans notre pays, des criminels passent à l'acte, sans que les services de sécurité donnent l'impression qu'ils disposent d'une méthode, d'un programme fiable pour les empêcher d'agir.
Pour dire vrai, notre appareil de sécurité, dans sa structuration actuelle, n'est absolument pas préparée à la guerre de guérilla ou guerre terroriste, qu'elle doit mener. Voilà un témoignage d'un officier de la police : « Pendant ma formation, me disait-il, je n'ai reçu aucun enseignement en matière de contre-insurrection et pas plus qu'actuellement.. ». Face à cet appareil inexpérimenté, mal structuré, les terroristes qui, pendant trois ans, ont pris le temps de mesurer, de s'organiser, d'étudier l'ennemi, sont passés à l'acte. Et sur le terrain, nulle stratégie, tactique ou technique, n'est pour le moment clairement avancée pour les contrer.
2- Le plan de lutte contre le terrorisme : un goût de déjà- entendu
Quand « la maison brûle », il ne faut pas regarder ailleurs. Ce que le chef de gouvernement a fait. Le soir même de l'attentat, dans une conférence de presse, il a égrené un plan composé de plusieurs points, qu'il faut « mettre d'urgence en application sans tarder ». Que faut-il penser de cet acte qui se veut fort en politique ? Ce programme restera, malheureusement, dans l'histoire comme la réponse du médecin de Molière qui, quelles que soient les pathologies, recommandait toujours le même remède : la saignée. Dans son contenu, ce programme a le goût du déjà-vu et du déjà-entendu. Il est presque la copie conforme de celui présenté, il y a quelques mois, par le gouvernement de M. Mehdi Jomâa. Question : pourquoi alors ce plan n'a-t-il pas été mis en œuvre ? Quels ont été les obstacles à sa réalisation ? La volonté politique.
En effet, la sainte alliance contre les terroristes n'est qu'une fiction. Fort commode et sympathique, investi des attributs de la solidarité où se cache pourtant un formidable défi aux valeurs les plus profondes de la démocratie née de la révolution, cette guerre totale contre le terrorisme ne fait point l'unanimité. Le nœud du problème a trait au rapport qu'on a avec la matrice idéologique véhiculée par les terroristes : l'Islam politique. Au cœur même de l'Etat, de la classe politique et de la société, certains continuent à soutenir, par l'action ou par les idées, ces terroristes. Certains continuent même à penser que leur combat est juste, mais la méthode est à revoir. Ces attitudes éclairent bien l'espèce de déprime civique qui intervient quand la valeur de la Nation fait défaut et n'est plus relayée. L'impression se répand alors que la politique n'est qu'impuissance dissimulée. Elle donne le sentiment d'une crise grave dans la citoyenneté.
Dans une démocratie, on peut avoir toutes sortes d'opinions et les exprimer. Cette liberté de dire, de penser et de faire, représente le noyau dur de l'Etat de droit. Pour rien au monde on ne devrait interdire ou limiter l'expression d'une opinion, sauf bien entendu quand elle se transforme en acte violent. Ceux qui exhibent le drapeau noir, symbole de l'Etat islamique, n'exercent point une liberté politique, mais ils adressent aux autres une invitation à faire comme eux. Dans le contexte actuel, où la tendance est à la radicalisation et à l'instrumentalisation religieuse de la souffrance sociale et économique, l'apologie de ce bout de tissu ne peut pas être entièrement déconnectée de la propagande terroriste. Ces refus aussi minoritaires soient-ils, de s'engager aussi nettement aux côtés de l'Etat dans sa lutte totale contre le terrorisme, paraissent renforcer encore plus cette crise dans la citoyenneté.
* Professeur de droit public


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.