L'Utica veut «une gestion consensuelle des conflits sociaux». Sa feuille de route tendant à réaliser la paix sociale prévoit même la criminalisation de l'obstruction au travail «Le secteur qui va sauver le pays, c'est le secteur privé», a fièrement déclaré, hier, la présidente de l'organisation patronale devant les membres du bureau exécutif de l'Utica, les représentants des organisations et corporations professionnelles et les journalistes, suite à la lecture de la déclaration dite du secteur privé, qui a été signée par plusieurs organisations, mais dont la finalisation dans le détail est prévue pour la prochaine rentrée. L'initiative baptisée «Une année pour sauver l'économie du pays» et dûment appuyée par plusieurs organisations professionnelles a été déclinée en huit axes, allant de la sécurisation de l'environnement des affaires jusqu'à l'inclusion du secteur informel (qui touche 54% de l'économie), tout en passant par la remise du pays au travail et la nécessité de redonner espoir aux jeunes et aux régions par des actions concrètes et responsables. La déclaration en soi ne porte pas de dates précises, mais elle énumère les principes d'une feuille de route dont les détails et le planning de réalisation seront élaborés par un comité spécifique à chaque secteur d'ici le mois de septembre. Un contexte spécifique Mme Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica, a souligné à cette occasion que «l'initiative de l'Utica intervient après le parachèvement avec succès du processus politique par l'organisation d'élections législatives et présidentielle dans un climat de paix et de liberté, ce qui a permis de réaliser l'une des principales revendications de la révolution », ajoutant que l'heure est maintenant venue pour réaliser une revendication non moins importante, le droit à une vie digne, qui ne peut se faire sans emploi. D'où la nécessité de relancer l'économie et d'assainir le climat des affaires. La présidente de l'Utica a insisté sur les préalables à la prospérité économique et la redynamisation des affaires, dont notamment la sécurité et la paix sociale. A cet effet, Mme Bouchamaoui a appelé à « doter les forces de sécurité de tous les moyens humains et matériels dans l'exercice du combat contre le terrorisme et de mettre en place un mécanisme permettant aux entreprises de participer au financement du déploiement sécuritaire de l'Etat ». Dans cet ordre d'idées, Hichem Elloumi, membre du bureau exécutif, a souligné l'importance de sécuriser les entreprises de l'intérieur de sorte qu'elles soient moins vulnérables et difficilement attaquables. Parmi les préalables, Bouchamaoui a évoqué aussi l'importance du climat social. Un axe à part entière a été consacré à la remise du pays au travail où il est fait mention de « déclarer, en vertu des articles 36 et 49 de la Constitution, un moratoire d'une année sur les grèves et d'assurer en parallèle une gestion consensuelle des conflits sociaux ». Mais en contrepartie, « garantir l'amélioration, au terme de l'année, du pouvoir d'achat des travailleurs selon le taux de croissance réalisé ». Pour réaliser la paix sociale, la feuille de route prévoit même la criminalisation de l'obstruction au travail. Redonner espoir La situation économique et sociale étant morose et délicate, l'accent a été mis sur l'urgence de rétablir l'espoir aussi bien aux jeunes, dont un certain nombre sont d'ores et déjà tentés par les organisations terroristes. L'action prévue par la feuille de route consiste à identifier les niches d'emplois et prévoir les mesures d'accompagnement nécessaires pour une insertion effective de ces jeunes dans ces niches. Programmes de formation, facilitation de la mobilité et encouragement des entreprises à créer des emplois durables, sont les maîtres-mots de cette démarche. Il en est de même pour les régions défavorisées, en l'occurrence l'ouest et le sud du pays. Dans la feuille de route du secteur privé, il a été reconnu que ces régions doivent connaître rapidement un changement positif que ce soit en matière de création d'emplois ou d'amélioration du service public. Au total, 14 gouvernorats sont concernés. Il s'agit pour ces régions de déclarer d'abord que les projets programmés sont des « projets d'intérêt national », de réduire le taux d'intérêt à zéro pour tous les investissements dans ces zones et d'autoriser, conformément à l'article 80 de la Constitution, la mise en œuvre de projets de partenariat dans les services publics, dans les centres de vie, et dans la valorisation du patrimoine et des ressources naturelles, en attendant la promulgation de la loi sur les PPP. L'Utica, qui veut favoriser, par là, une meilleure inclusion des jeunes et des régions, mais également du secteur informel, a appelé à la création d'une haute instance de l'inclusion économique et sociale, qui sera chargée du pilotage et de la mise en cohérence des dispositifs réglementaires, normatifs et juridiques dans le domaine économique. Cela étant, l'organisation patronale, considérant que la Tunisie a besoin aujourd'hui d'un sursaut énergique pour sauver son économie et inverser la tendance, compte beaucoup sur l'implication de tous les intervenants du secteur privé pour mener à bien cette initiative, et ce, compte tenu des risques réels que court le pays.