Le traditionnel reprend de plus belle, à travers le «tarayoun» et la «tabdila». La période des mariages et des cérémonies joyeuses semble se restreindre au seul mois d'août et à la première quinzaine de septembre, tout au plus. Un véritable ultimatum pour les commerçantes spécialisées dans la location des robes de mariée et de soirée qui n'ont d'autres choix que de se retrousser les manches et profiter de ce laps de temps pour dynamiser leur activité. Elles mettent ainsi le paquet pour enrichir, au mieux, leurs vitrines de costumes fashion et autres, traditionnels, dans l'espoir de satisfaire une clientèle de plus en plus exigeante et économe. Voulant à tous les coups résister à la concurrence, elles s'imitent souvent les unes les autres en s'adaptant à la tendance, tout en veillant à se distinguer par des modèles originaux, sinon par des prix imbattables. A Bab Souika, le lieu de référence d'un commerce de paillettes et de somptuosité, se trouve la boutique de Mme Faten. Assise sur un fauteuil style baroque, cette commerçante et spécialiste de la coiffure et du maquillage pour mariée sait d'avance que son forfait tenue-coiffe ne dépassera aucunement 1.200dt. «Nous proposons des tenues qui s'adaptent aux revenus moyens. Ce n'est pas le cas des autres commerçants qui peuvent hausser le prix, au plus grand plaisir de la classe aisée», avoue-t-elle. Cela dit, les commerçantes tiennent à renouveler leurs collections en faisant l'acquisition de robes dont le prix est, souvent, exorbitant. Cette année, Mme Faten table sur des robes en dentelle et en guipure, parsemées de perles. Selon elle, les robes dites barbies, celles dont le bustier est fait en tulle ou celles à manches trois quarts, sont en vogue. Rivalisant avec le fashion, le traditionnel reste indémodable, telle une valeur sûre, une identité vestimentaire qui nous tient à cœur. «Les keswas en kontil continuent à être sollicitées par des clientes connaisseuses, qui accordent de l'intérêt aux costumes de valeur», renchérit-elle. Fini le temps des brodeuses ? Mme Sonia, une commerçante de carrière, éprouve beaucoup de nostalgie pour l'époque où le commerce marchait comme sur des roulettes, quatre mois durant. Depuis quelques années, son activité et celle de ses consœurs se limitent à six semaines. Une période-limite durant laquelle elle doit résister à la concurrence et s'imposer sur le marché. «La concurrence est devenue telle que nous sommes dans l'obligation de garantir le plus grand choix possible afin de séduire la clientèle. Cette année, par exemple, nous avons introduit le velours de soie dans les keswas spécial outia. Le tarayoun ou la tenue traditionnelle kairouanaise refait surface dans une version moins chargée, moins lourde à porter, tout en étant typiquement traditionnelle», souligne-t-elle. Cette commerçante se réjouit de voir le traditionnel refaire surface à travers le tarayoun mais aussi à travers la reprise de la « tabdila» ou la fouta w blouza. Elle regrette, par contre, le recours timide aux broderies faites à la main. «La broderie nécessite beaucoup de temps. C'est pour cela que la plupart des commerçantes optent, désormais, pour les tissus brodés tout prêts. Et c'est à partir de ces tissus que nous confectionnons des keswas et des robes de mariée qui coûtent plus cher mais qui sont fin prêtes au bout d'une semaine. Les brodeuses en souffrent. J'en connais beaucoup qui sont au chômage », note-t-elle, désolée. Côté prix, Mme Sonia propose les keswas et les robes de mariée à des prix allant de 800 à 1.200dt. Les keswas spécial outia valent entre 600 et 800dt. Offrir un grand choix, c'est capital ! Outre Bab Souika, certains quartiers populaires du Grand-Tunis regorgent de boutiques spécialisées dans la location des robes de mariée. Mme Gesmi travaille comme gérante dans une boutique située à la cité Ibn-Khaldoun. Inaugurée en janvier 2015, cette boutique est à sa première saison d'activité. «Nous venons tout juste d'accueillir les premières clientes pour les robes de mariée. Il est important de gagner la confiance des clientes en leur proposant un grand choix de costumes à même de satisfaire tous les goûts. En ce qui concerne les keswas spécial outia, par exemple, nous proposons différentes dégradations d'une même couleur, des dégradations qui peuvent se marier avec différents teints. Quant aux robes de mariés, nous avons axé sur les perles et les petits strass shwarovski ; un mariage de matières chic pour des robes uniques », note-t-elle. Si certaines commerçantes parviennent à résister à la concurrence, d'autres semblent contraintes à s'en retirer. C'est le cas de Mme Saloua qui a choisi de limiter ses costumes à quelques tenues classiques. «Je suis dans le domaine depuis 25 ans. C'est un domaine qui nécessite beaucoup d'argent. La mode change, chaque année. De nouveaux modèles et tendances impliquent le renouvellement perpétuel de la collection. Et le prix minimal d'une nouvelle robe de mariée s'élève à trois mille dinars. Il m'est impossible de relever le défi et de tenir le coup», indique-t-elle, frustrée. Aussi, son gagne-pain s'est-il transformé, depuis quelques années, en un gagne-argent-de-poche. Seule la fête nationale de l'habit traditionnel fait son bonheur annuel grâce aux costumes pour enfants, qu'elle loue à 10 ou 15dt la journée...