C'en sera, a priori, fini des schémas quinquennaux de développement qui se concevaient à la lumière tamisée des bureaux feutrés des hauts commis de l'Etat et des experts de la Kasbah et qui devaient obligatoirement être la fidèle traduction et expression d'une politique dictée par Carthage. C'est du moins dans cet esprit que le gouvernement entend et ambitionne d'élaborer le premier plan de développement de la jeune IIe République. Démarche participative et inclusive de toutes les composantes de la société à la définition des priorités au double niveau régional et sectoriel, telles seront les étapes clés devant concourir et aboutir à la mise au point du projet final du schéma de développement pour les cinq prochaines années. Il est évident que ces étapes qui démarreront aujourd'hui seront étalées sur six mois et seront pour le gouvernement et tous les acteurs du développement le premier grand exercice d'apprentissage de la décentralisation. Une décentralisation qui ferait enfin écho aux valeurs fondatrices de la révolution : équilibre régional, justice sociale et emploi. La région va parler sans qu'il y ait encore de structures représentatives élues. Ce qui est à mettre d'ores et déjà à l'actif du gouvernement. Le gouvernement a prévu trois scénarios dans le plan de développement 2016-2020 qui est en cours de préparation. Le premier scénario est pessimiste tenant compte d'éventuels phénomènes climatiques graves et des attentats terroristes. Quant au deuxième scénario, il est modéré dans la mesure où il prévoit une croissance moyenne avec certains résultats positifs dans les différents secteurs. Enfin, le dernier scénario, le plus optimiste, tient compte d'une relance réelle de l'économie grâce à des facteurs favorables à tous les niveaux. Lors de son point de presse tenu hier à Tunis, M. Yassine Brahim, ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale, a donné plus de précisions sur le plan de développement 2016-2020. Il a rappelé que les réunions relatives à ce plan ont démarré dans toutes les régions en présence des ministres et des gouverneurs. M. Brahim, lui, va tenir une réunion similaire à Mahdia, lundi prochain. Raccourcir les délais des travaux Le gouvernement compte accélérer les travaux de préparation de ce plan afin qu'il soit prêt au cours du mois de janvier 2016. Par ailleurs, une conférence internationale sur les orientations futures de la Tunisie sera organisée à Tunis au cours du mois de février ou mars prochain pour présenter aux décideurs et financiers internationaux la nouvelle vision du pays au sujet du développement socioéconomique. L'investissement sera un thème de choix dans cette conférence. Au lieu de prendre deux ans pour son élaboration —comme ce fut le cas par le passé —, le plan de développement prendra six mois compte tenu des pressions exercées au triple niveau social, économique et politique. La préparation du plan comporte plusieurs étapes, à commencer par l'identification d'un modèle de développement intégré visant, entre autres, à réduire le taux de chômage, relancer la croissance, atténuer les disparités entre les régions en tenant compte des indicateurs sociaux et économiques. Le ministre a indiqué que depuis 2011, on a gagné des points en matière de libertés et de démocratie. Une institution internationale allemande a d'ailleurs classé la Tunisie en première position en termes de démocratie et d'économie de marché dans la région, malgré des indicateurs inquiétants au niveau du chômage, des équilibres financiers, du déficit en général. Par ailleurs, divers projets publics n'ont pas pu être concrétisés à cause de plusieurs problèmes, notamment fonciers. Le retard de réalisation rend, en outre, le projet plus coûteux. Certains bailleurs de fonds ne sont pas très motivés pour octroyer de nouveaux crédits puisque les financements déjà débloqués ne sont pas encore utilisés. L'investissement privé reste également faible. Des acquis à préserver La Tunisie a enregistré des acquis au cours des dernières années, entre autres dans les domaines de la sécurité sociale et de la solidarité. « Des réformes sont devenues nécessaires pour assurer une meilleure croissance, estime le ministre. Parmi ces réformes, celles qui concernent la sécurité sociale et la fiscalité». Par ailleurs, l'économie demeure encore centralisée puisque 75% de la valeur ajoutée est soumise soit aux cahiers des charges soit aux autorisations. La vision future du développement se base sur une démarche participative impliquant toutes les composantes de la société civile, y compris les structures syndicales. « Il faut revaloriser davantage le travail qui a diminué sensiblement », a assuré M. Brahim. L'Etat ne doit plus participer à des secteurs compétitifs, mais se concentrer sur d'autres secteurs stratégiques comme l'éducation, la santé, l'infrastructure de base. Une approche intégrée au double niveau territorial et humain sera également consacrée pour renforcer l'économie compétitive, l'équité sociale, le développement durable. De même que le système de compensation devra bénéficier aux seules personnes qui en ont besoin et ne pas profiter surtout à l'économie parallèle. Par ailleurs, les ressources naturelles seront utilisées d'une façon rationnelle en évitant de compromettre les nappes phréatiques qui sont déjà fragilisées. La sécurité, le climat des affaires et la décentralisation constituent également des éléments importants dans le plan de développement. Chaque secteur économique va définir ses priorités en prenant en considération les spécificités et les besoins de chaque région. Ce travail sera effectué en coordination avec les structures concernées, la société civile, le secteur privé et les services administratifs techniques. Ils s'agit de mettre en place un programme d'exécution des projets et un programme de réforme des différents secteurs dont l'industrie, l'agriculture, la formation, l'éducation, l'enseignement supérieur. Sur le plan social, un identifiant unique sera institué pour connaître les besoins de chaque famille tunisienne. D'importants travaux et efforts sont attendus au cours de la prochaine période en vue de baliser la voie à la relance économique, à l'équité sociale et à l'équilibre entre les régions. Dernier point: l'élaboration concrète de ce nouveau modèle de développement quinquennal passera par des consultations régionales et sectorielles qui mèneront les membres du gouvernement dans chacune des régions de l'intérieur. Ces consultations, qui ont effectivement démarré jeudi 30 juillet obéissent à un programme clair aux objectifs définis et étalé sur trois périodes. Entre le 31 juillet et le 30 septembre 2015, les consultations porteront sur la délimitation des besoins de chaque région et de chaque secteur avec la fixation des grands équilibres économiques. La période du 1er octobre au 30 novembre 2015 sera consacrée à la définition des approches et la fixation des choix et des priorités. Celle allant du 1er décembre 2015 au 31 janvier 2016 verra la mise au point de la stratégie de développement et des projets ainsi que l'élaboration du document final du Plan.