La construction du mur sur la frontière tuniso-libyenne est légitime. «Mais, un mur, seul, ne sécurisera personne», estime le député de Montreuil et Bagnolet d'origine tunisienne qui a décidé de braver les terroristes et de célébrer son mariage à Bizerte en y conviant 160 personnalités du monde «J'ai décidé de célébrer mon mariage à Bizerte, ma ville d'origine, avec ma femme française. J'ai invité cent vingt personnalités parmi mes amis pour assister à ma fête. Elles ont toutes répondu à mon invitation pour dire, haut et fort, leur soutien à la Tunisie en ces temps difficiles et leur détermination à faire front uni avec les Tunisiens dans leur guerre contre les terroristes. Tout simplement parce que nous sommes convaincus que la sécurité de la Tunisie et la sécurité de la France sont interdépendantes». Ghazi Hamadi, député du Parti socialiste à l'Assemblée nationale française, secrétaire national au PS chargé de la communication et des réseaux sociaux et vice-président du groupe d'amitié tuniso-française, parle avec passion des projets de coopération tuniso-française et interpelle la jeunesse des deux pays appelée à s'impliquer pour assurer sa part de responsabilité dans la construction d'un avenir réellement commun, loin des slogans creux et des agendas électoralistes. «Il faut que le PS aille plus vite, plus fort et plus haut» Ghazi Hamadi n'oublie pas ses origines tunisiennes et commence par insister sur la nécessaire reconversion de la dette que la Tunisie doit à la France en projets de développement. «Jusqu'ici, soixante millions d'euros de dettes ont été reconvertis en projets d'infrastructure : électrification et assainissement dans les régions dites prioritaires. En juin dernier, la commission parlementaire des finances où je siège a validé l'accord auquel les gouvernements français sont parvenus lors de la dernière visite effectuée par le président Caïd Essebsi à Paris». Et le député du PS de répondre à la question que beaucoup de Tunisiens se posent : «Quand le PS va-t-il saisir que la sécurité de la France est interdépendante de celle de la Tunisie ?» «Beaucoup est déjà fait sur le plan sécuritaire et économique. Pourtant, il y a un sentiment partagé d'insuffisance. Ma conviction est qu'il faut que le PS aille plus vite, plus fort et plus haut. Concrètement, il faut mettre sur pied une coopération visant la jeunesse et la culture. Nous voulons travailler avec tous les partis républicains», explique-t-il. Il ajoute : «Lors de mes entretiens avec mes collègues Khaoula Ben Aicha (Nida Tounès) et Saïda Lounissi (Ennahdha), j'ai senti qu'il existe des clivages que nous devons dépasser ensemble et nous accorder sur l'essentiel : la sécurité, la liberté et le développement économique. En un mot, je suis convaincu que notre avenir ne peut être que commun. Tant que la Tunisie est sous la menace, la France est sous la menace. Dans la région arabe, la Tunisie incarne le seul modèle alternatif, et ce sera la démocratie». Que peut offrir le Parti socialiste français aux jeunes tunisiens ? «Personnellement, j'ai soumis, de par mon statut du plus jeune député socialiste, trois propositions concrètes au président François Hollande. D'abord, compenser les pertes touristiques tunisiennes estimées à 0,5 milliard d'euros en lançant un fonds d'aide d'urgence européen. Et si l'Europe a réussi à mobiliser 80 milliards pour la Grèce, elle peut le faire facilement pour la Tunisie. Ensuite, il existe actuellement un office franco-allemand et un office franco-québécois pour la jeunesse. Ma proposition est de créer un office franco-tunisien pour la jeunesse qui permettra à 25.000 jeunes des deux pays d'avoir des échanges culturels, universitaires et économiques. Mais à condition que les bénéficiaires de ces programmes parmi les jeunes tunisiens ne s'installent pas en France. Nous n'avons nullement l'intention d'encourager la fuite des compétences tunisiennes. Elles ont beaucoup à faire dans leur pays qui a besoin de leur expertise et de leur savoir-faire. «Nous accompagnerons la concorde nationale en Tunisie» Enfin, la France et l'Europe doivent se porter garantes financièrement des grands projets d'infrastructures». Les rapports Nida Tounès-Parti socialiste français pourraient-ils être affectés par la dernière visite de Sarkozy en Tunisie et ses déclarations qui ont suscité la colère de beaucoup de Tunisiens ? «Nida Tounès, relève notre interlocuteur, est libre de recevoir qui il veut. Cela ne change en rien notre volonté de travailler avec lui. C'est un parti républicain, laïque et progressiste comptant dans ses rangs beaucoup de personnalités de gauche. Je vais rencontrer aujourd'hui les principaux dirigeants des partis tunisiens et nous débattrons des mesures à prendre d'urgence pour faire face à la situation aux plans sécuritaire et économique. J'ai pris connaissance de l'initiative de l'Utica, en vue de la relance économique, de la réaction de l'Ugtt et du projet de loi sur la réconciliation économique. Le rôle du Parti socialiste et du gouvernement français est d'accompagner ce mouvement de concorde». Et la loi antiterroriste qui vient d'être adoptée par le Parlement suscitant l'opposition de certaines parties pour ce qui est de la peine de mort et du prolongement des délais de la garde à vue, comment le député socialiste (originaire de Tunisie) y réagit-il en faisant la comparaison avec la loi française adoptée récemment pour contrer les terroristes ? Ghazi Hamadi n'y va pas par quatre chemins pour faire part de son appréciation. «Avec toutes les réserves auxquelles m'oblige mon statut de député français, je dis que cette loi était urgente et nécessaire. Les débats qui l'ont accompagnée sont identiques à ceux qui ont eu lieu en France. Il s'agit d'assurer l'équilibre entre la sécurité collective et les libertés individuelles. Je crois que cet équilibre est préservé au sein de la loi antiterroriste tunisienne. Quant à la peine de mort, je m'y oppose, de par ma formation et les idéaux qui guident mon engagement politique. Pour ce qui est de la garde à vue, dans les crimes terroristes, elle doit être prolongée autant que l'enquête l'exige, mais sous le contrôle du juge», note-t-il. Et la situation en Libye où les jihadistes font ce que bon leur semble? «Si nous avons peur, précise Ghazi Hamadi, ils auront gagné. Malgré l'attentat de Sousse, j'ai choisi de célébrer mon mariage en Tunisie, à Bizerte plus précisément. J'ai invité 160 personnalités parmi mes amis et elles sont venues de tous les pays du monde. Sur le plan officiel, il est urgent d'approfondir la coopération sécuritaire et militaire, notamment la sécurisation de la frontière tuniso-libyenne. Nous considérons que la Tunisie a pleinement le droit d'ériger le fameux mur sur sa frontière. Mais il ne faut pas réduire la sécurisation à un mur. Seul, un mur ne sécurisera personne». Pour conclure, notre jeune député promet de revenir en Tunisie en septembre prochain. «Je serai porteur de nouvelles initiatives que je proposerai à mes collègues tunisiens et aussi aux créateurs et jeunes tunisiens. Je pense à la création d'un festival méditerranéen de la jeunesse dont la première session se tiendra en septembre 2016, au lancement d'un forum de jeunes leaders, à l'image de ce qu'on a fait au Maroc, et enfin la mise au point d'un programme de mobilisation destiné aux binationaux», insiste-t-il.