Un riche patrimoine en déperdition, des œuvres livrées à elles-mêmes. Il est temps que les autorités interviennent... Après six heures de train, partant de Tunis, nous voilà arrivés à la 28e édition du festival international des arts plastiques de Mahrès. La bourgade longe une côte à la mer plutôt belle mais impropre à la baignade. Aux heures zénithales, la chaleur est cassante, le soir est doux et il semble y régner une certaine paix mais aussi, sûrement, un grand ennui. «Ennui...!, crie-t-il... Sûrement pas puisqu'il y a le festival international des arts plastiques tous les ans à la même date! Il est fier de son événement et à juste titre». Mais malheureusement c'est le Désastre ! Devant les locaux du festival, face à la mer, se trouve une plage aménagée et sur plus de 500 mètres y chemine un «jardin de sculpture» mi-promenade, mi-terrain vague. L'homme «beignet» de Mahrez, superbe sculpture monumentale en béton du Suisse « chépaki», trône au milieu d'un cimetière de sculptures. Une vingtaine au moins. Toutes là, sans aucune mise en valeur, ni entretien ! -Une œuvre de «chépasson-nom», une découpe métallique d'une femme scrutant l'horizon, a le bras disloqué. -Le bras de l'homme «beignet» sert de poteau électrique soutenant les fils alimentant les paillotes à gazouz (...thaoura, thaoura !) Le travail de «Marzouk» où la voile métallique de plus de 6 mètres de haut est brisée au sol. Poubelles et détritus en tout genre jalonnent tout le parcours, agrémenté de «socles» à sculptures en ruine ne soutenant plus rien. Quelques œuvres tiennent encore le coup : «les engrenages» de «chépacomment» ou le cheval monumental de «chépachkoun», œuvre sûrement la plus «facile» mais imposante par sa stature... Bien sûr aucune référence ou plaque n'est placée sur les œuvres. Quel village dans notre pays détient un patrimoine culturel aussi conséquent et unique en matière de sculptures modernes et contemporaines monumentales ? Pourquoi cet événement culturel international va si mal ? Après avoir connu des jours bien meilleurs, d'après le témoignage de nos pairs. Est-ce que ce sont des luttes intestines et des rivalités individuelles au sein de l'organisation du festival, après le «départ» de son fondateur Youssef Rekik, qui «plomberaient» l'essence et l'esprit même de cet événement? Est-ce une volonté politique locale, ou même nationale, d'enterrer cet événement en l'écrasant petit à petit par le mépris, le dédain et par des coupes substantielles du budget alloué par décision locale et partisane? Où est Madame la ministre de la Culture ? Où est la direction des arts plastiques ? Où sont les autorités locales et régionales ? Comment peut-on laisser passer ça quand on est aux responsabilités ? Les esprits doivent s'ouvrir à de nouvelles perspectives ! De nouvelles façons de penser notre monde sont indispensables! L'art contemporain est indispensable à ce processus! L'art contemporain proposé à un large public doit être la priorité au sein du ministère de la Culture ainsi que de mettre l'art «actuel» au cœur de nos cités. Par exemple, proposer aux artistes plasticiens de réaliser des œuvres pour ornementer nos places et nos rues. Cela aura bien plus de sens que d'y implanter d'affreux bassins ou autre croûte en 3D et surtout bien moins coûteux. Malgré ce désastre, le Festival international des Arts Plastiques de Mahrès peut s'enorgueillir d'avoir forgé une génération de citoyens ouverts à l'autre et surtout interpellés par le passage des artistes et de leurs œuvres, contribuant fortement à une réflexion indispensable à une pensée «progressiste». Mais cet acquis risque de disparaître au même rythme que les œuvres abandonnées à leurs tristes sorts. Si les médias, dégoulinant de complaisance, et les responsables politiques ne se réveillent pas et ne cessent de privilégier le superficiel au durable. Omar Bey (Artiste plasticien)