Etant donné le vide juridique dans lequel se trouvent les clubs de football (le décret de septembre 2011 ne sera jamais un cadre qui répond à toutes les problématiques), le financement demeure un casse-tête chinois. On ne connaît pas précisément les vrais comptes de chaque club (les états financiers présentés le jour des assemblées ne sont pas explicites et restent disproportionnés par rapport aux flux réels et à la nature de l'activité qui est le football). D'où vient tout cet argent pour financer les charges des sections, d'autant que les sources de revenus deviennent limitées ? Est-on en train de gaspiller de l'argent public ? Qu'est-ce qui peut arrêter cette déferlante inflationniste qui s'abat sur tous les clubs ? Quel est l'intérêt de ces présidents qui versent de leur propre argent des millions de dinars ? Tant de questions qui demeurent sans réponse. On essayera de poser les problématiques, de guetter les hypothèses et vous verrez qu'il y aura de tout dans notre système football où l'on devra attendre encore pour voir les règles de la transparence et de l'équité. Tous les présidents de clubs tunisiens se lamentent de la crise financière aiguë qui frappe le football et le championnat. On assiste, en silence, à l'agonie des clubs qui n'ont plus de quoi terminer le mois. Qui n'ont plus de quoi assurer une reprise dans les règles de l'art. Qui n'ont plus la possibilité d'investir ou de financer des projets à moyen terme. Les dépenses augmentent terriblement entre salaires de joueurs, primes, salaires des entraîneurs, frais de fonctionnement quotidien, charges des sections des jeunes, hébergement et transport. En même temps, les recettes (les revenus) se font de plus en plus rares : Plus ou peu de concours et de financement public (aide de la tutelle, des municipalités...), huis clos et revenus dérisoires de la billetterie, sponsors de plus en plus rares à soutenir un club, droits décalés et pas très élevés et revenus du Promosports moyens et qui ne sont pas fixes... Ce déséquilibre financier de fait, associé à l'inflation des salaires et la folie de certains dirigeants et à la conjoncture économique difficile, nous mènent directement à un «modèle» de gestion et de financement un peu spécial. La plupart des clubs tunisiens vivent de déficits cumulés, c'est-à-dire qu'ils financent en accumulant les dettes vis-à-vis des fournisseurs et de tous les partenaires. Plus de solvabilité et vu les revenus qui se font rares, la maintenance d'un déficit raisonnable ou même de comptes équilibrés passe par la contribution financière des présidents de clubs eux-mêmes. Ces présidents versent de leur propre argent (premier cas de figure), ramènent de l'argent grâce à leur relationnel (deuxième cas de figure-, ou contractent des prêts et investissent sur les jeunes pour créer des plus-values plus tard. A chaque président de club sa façon d'agir. Tous les moyens sont bons avec aussi des dérapages et une présomption d'abus de pouvoir et de pratiques financières illicites. Présidents généreux On a des clubs qui dépendent aujourd'hui complètement de leurs présidents milliardaires ou millionnaires. Ça ne concerne pas seulement les clubs riches, mais on a aussi des clubs de milieu de tableau qui sont financés par leurs présidents. Ça se fait ou par l'injection de fonds cash sous forme d'avance ou de facilités de caisse à récupérer ou pas plus tard, soit en ramenant des contrats de sponsoring et de publicité. Il y a même des présidents de clubs qui rattachent des membres du club (staff technique, joueurs ou administratifs) à leurs sociétés et sont rémunérés directement par ces sociétés. Ces «présidents-bailleurs» font la mainmise sur le club en étant la seule et la plus importante source de financement. Cette catégorie de présidents gagne, en contre partie, des facilités fiscales (montants versés en sponsoring par exemple déduits de la base imposable), en énorme relationnel et lobbying auprès de l'Etat, beaucoup de notoriété qui peut même les aider à réussir en politique. Ces présidents mettent la barre si haut qu'aucun concurrent ne peut les inquiéter. Ils décident de tout et aucun membre du club (y compris les adhérents) ne peut leur demander des comptes. Parfois, les montants astronomiques dépensés font penser à un blanchiment d'argent. Présidents au relationnel terrible Il y a aussi des présidents qui, pour faire face aux besoins financiers de plus en plus importants, font monnayer leurs agendas. Ils ont un bon relationnel avec les collectivités locales, avec des sponsors et des bailleurs de fonds qui préfèrent être occultés. Et ce relationnel, ils le gèrent avec intelligence pour ramener des contrats intéressants avec des sponsors qui veulent communiquer via le football et le championnat. Ces contrats permettent de financer une bonne partie des charges. Avec un apport propre, des aides étatiques ramassées ici et là, et des sommes versées par les mécènes du club (hommes d'affaires ou ex-présidents qui forment un comité des sages), le club arrive plus ou moins à surmonter ses difficultés et à financer ses activités. Là encore, on a des présidents influents, mais cette fois, leur savoir-financer l'emporte sur leur carnet de chèques. Et même quand ils avancent des sommes pour leurs clubs, ça restera comme étant une dette qui va être acquittée lors d'un transfert onéreux d'un joueur en Tunisie ou vers l'étranger. Combien de présidents de clubs ont pu récupérer leur argent à travers les revenus de transfert. Ils ont même créé un créneau rentable, celui de former de bons joueurs puis de les vendre et créer une plus-value. Et l'argent public ? Aujourd'hui et hormis les deux profils de présidents qu'on vous a expliqué, les autres, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas les moyens de financer leurs clubs ou de ramener de gros contrats de sponsoring, font du surplace et attendent toujours quelque chose de l'extérieur. Ils vivent essentiellement des subventions de l'Etat qui se matérialisent par diverses formes : aides de la municipalité et du gouvernorat, subventions du ministère des Sports et bien sûr les rentrées Promosports et droits TV, qui ne sont pas des subventions mais qui proviennent de l'extérieur. Dans ce cas, le financement public pose problème. Et la polémique actuelle à propos de ce sujet entre le ministère des Finances et la FTF vous en dit long sur ce dossier épineux. Qui dit subvention étatique, dit argent du contribuable et surtout l'obligation d'en faire bon usage. Percevoir des centaines de milliers de dinars et puis les dépenser pour payer des joueurs de second choix, et leurs agents, c'est une véritable arnaque. Cet argent public doit être utilisé pour la formation, pour diriger la première équipe avec des règles de bon sens (surtout pour ce qui est des salaires), pour payer le staff administratif. Sinon, c'est un «détournement de fonds» qui ne fait qu'aggraver la situation de ces clubs. En l'absence de modèles de management rationnel et de dirigeants qui évoluent dans un cadre clair et avec des partenaires disponibles, les présidents de clubs, quels que soient leurs profils, font ce qu'ils veulent. Les uns sont là pour injecter des fonds, d'autres cherchent ailleurs, d'autres encore calent et enfoncent leurs clubs dans de graves gouffres financiers. En attendant que notre championnat y voie plus clair !