Deux tiers des enfants réfugiés syriens n'ont pas été scolarisés, alors que seulement un tiers d'entre eux ont pu intégrer les écoles publiques. 1.000 enfants vivent dans la précarité absolue Au lendemain de la révolution en Libye et en Syrie, des milliers de Syriens et de Libyens ont quitté leur pays et pris le chemin de l'exil, laissant derrière eux leurs proches, leurs amis et la vie stable qu'ils y menaient. Ce sont les enfants qui ont le plus souffert de ce déracinement. Arrachés à leur milieu naturel, ils se retrouvent parachutés du jour au lendemain au sein d'une société dont ils ignorent la culture, la langue et les coutumes. L'Association tunisienne des droits de l'enfant et Sigma Conseil on réalisé une enquête sur la situation des réfugiés libyens et syriens en Tunisie. Les résultats de ce travail financé par l'Unicef ont été présentés, hier, dans le cadre d'une conférence de presse. D'après les conclusions de cette enquête, la vulnérabilité des enfants et leur manque de maturité ont rendu difficiles leur intégration et leur adaptation dans un environnement qui leur est étranger. Le déracinement brutal de leur milieu naturel a généré des traumatismes psychologiques chez nombre de ces jeunes victimes collatérales de la guerre qui ont réussi tant bien que mal à s'adapter à leur nouveau cadre de vie. L'enquête par sondage qui a été menée auprès de deux échantillons représentatifs des communautés libyenne et syrienne comportant 115 réfugiés syriens et 327 réfugiés libyens a abouti à des résultats différents pour ces deux populations. Ne disposant pas de ressources suffisantes, les deux tiers des familles syriennes, arrivées de manière légale (113.000 réfugiés syriens sont installés en Tunisie) mais qui ont dépassé la durée de séjour autorisée, se sont installées dans des bidonvilles. C'est grâce aux dons des associations et à l'argent qu'ils ont pu mettre de côté que près de la moitié des familles syriennes réfugiées arrivent à vivre. Seulement 28% sont arrivés à trouver un emploi dans le secteur informel. Interrogés sur les conditions dans lesquelles ils vivent et s'ils arrivent à subvenir à leurs besoins, la majorité des réfugiés syriens questionnés ont répondu qu'ils trouvent des difficultés pour financer les dépenses liées aux frais des soins et de la scolarité des enfants, ce qui explique que deux tiers des enfants appartenant à ces familles n'aient pas été scolarisés, alors que seulement un tiers d'entre eux ont pu intégrer les écoles publiques. Il ne s'agirait pas de la seule cause. En effet, des enfants n'ont pu être scolarisés car certains n'avaient pas l'âge légal pour l'être, alors que d'autres sont arrivés bien après la fin des délais d'inscription. Conséquence: les deux tiers des enfants syriens, qui n'ont pu être scolarisés, se sont retrouvés à la rue, exposés à la violence, au harcèlement, à la drogue et à la délinquance. «Ils sont 1.000 enfants syriens à vivre dans la précarité absolue, a observé, à ce propos, Hassan Zargouni, le président de Sigma Conseil. Des associations internationales doivent intervenir afin de trouver des mécanismes permettant de faciliter leur scolarisation». A cause d'un modèle éducatif différent de celui de leur pays, le tiers des enfants réfugiés restant qui ont eu la chance d'être scolarisés ont tant bien que mal obtenu des résultats scolaires satisfaisants. Contrairement aux migrants libyens (250.000 réfugiés) qui se sont facilement adaptés et intégrés grâce aux ressources financières suffisantes dont ils disposaient à leur entrée sur le territoire tunisien (épargne et allocation mensuelle versée par le gouvernement aux ressortissants libyens). Selon les conclusions de l'enquête, beaucoup se sont installés, dès leur arrivée, dans des quartiers résidentiels huppés dont les plus connus sont les cités El Wahat et Ennasr. Questionnées sur les raisons de leur choix, les familles libyennes répondent qu'elles avaient choisi la Tunisie pour des raisons de proximité et parce que plusieurs membres de leurs familles y séjournaient déjà. Pour d'autres, la Tunisie représente un pays de transit, via lequel ils peuvent se rendre soit à Malte ou en Turquie. S'agissant de l'accès à l'éducation, les résultats présentés par Sigma Conseil révèlent, en outre, que 79,3 % des enfants libyens n'ont pas été inscrits à l'école tandis que 20,7% des enfants appartenant aux familles de réfugiés libyens installés en Tunisie ont pu être inscrits dans des écoles privées étrangères et tunisiennes. Un projet de loi sur l'asile et la protection des réfugiés en Tunisie vient d'être élaboré par une commission siégeant au sein du ministère de la Justice. Le projet de loi en question comporte des dispositions sur la protection des enfants migrants, conformément aux dispositions de la convention de Genève 51 et au protocole additionnel ainsi qu'au code national de protection de l'enfance. Il sera soumis à un Conseil ministériel restreint avant d'être débattu au sein de l'Assemblée des représentants du peuple.