Il revient là avec cette nouvelle exposition personnelle qui reflète son envie de chanter son amour pour son pays. Sa manière à lui de contribuer à l'édifice de notre identité collective La galerie du Petit Carnot de l'Institut français de Tunis abrite, depuis le 11 août, l'exposition «Ma Tunisianité» du photographe Slown. Une occasion de (re)découvrir le travail de ce jeune artiste que certains doivent déjà connaître grâce à sa série d'expositions : «Réalisateurs en portraits » présentées lors des trois éditions des Rencontres des réalisateurs tunisiens. Un travail très personnel qui opte pour la mise en espace et en scène dans une veine pop. On a découvert Slown en 2009 à l'occasion de sa première exposition personnelle «Tunice, une autre vision de Tunis » présentée à l'espace «La Parenthèse» à la médina de Tunis. Depuis, il a fait son bout de chemin. Après des études au Canada, en rentrant, il enchaîne les expositions et prend part, entre autres, au Salon d'automne de Tunis et aux Rencontres internationales de la photographie de Ghar El Melh. Grand amoureux du cinéma, il est l'auteur d'un court métrage intitulé «Le Temps, la Mort et Moi» nominé dans plusieurs festivals entre Tunis, Alger, Nice et Paris. Il revient avec cette nouvelle exposition personnelle «Ma tunisianité» qui, comme il le note, reflète son envie de chanter son amour pour son pays. Sa manière à lui de contribuer à l'édifice de notre identité collective. «On vit une époque trouble où la mondialisation arrivée à maturation perd petit à petit ses ambitions humanistes et progressistes. On vit le retour des nationalismes, du repli identitaire et, par conséquent, l'avènement d'un nouveau fascisme modéré ». En Tunisie, l'identité fut le débat houleux de la Révolution. Au moment où on devait écrire ensemble la Tunisie de demain, on s'est rendu compte qu'on ne l'imaginait pas tous de la même manière.Alors, qu'est-ce que la tunisianité ? Une sous-branche de l'arbre arabo-musulman ? Un fantasme bourguibien ? Le cœur du Maghreb ? Ou un pays occidental d'Afrique ?», s'interroge Slown. Et cette identité est, pour lui, multiple, en mouvement et métissée à l'infini. Elle évolue et change au gré des clichés rencontrés dans cette promenade photographique à laquelle il nous convie. Elle est ouverte à un autre imaginaire collectif qui l'inspire et fait que «Blanche Neige» des frères Grimm devient «Samra Samra». Toujours dans des mises en scène Jha et Ommi Sissi, deux personnages de la culture enfantine traditionnelle, deviennent nos contemporains et sont présentés dans un contexte actuel. Ici, l'artiste se joue des codes, une manière de dire que le patrimoine collectif est en mouvement, en progression. Il ne s'annule jamais mais se renouvelle. Slown s'attaque aussi à la variété tunisienne en détournant et interprétant en photographie des chansons du patrimoine national à l'instar de «Tih el tali», «Taht el yasmina fellil». Cela donne lieu à des jeux de mots photographiques. Loin de ce côté ludique et parodique, Slown a eu envie de parler de l'asphyxie sociale régnante. «Après avoir vécu l'attentat de Charlie Hebdo à Paris ensuite celui du Bardo... l'attaque de Sousse était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.J'ai ressenti une asphyxie aiguë et là, je me suis rendu compte que cet état était permanent et c'est peut-être cela qui nous fait tenir debout car depuis la révolution et la libération de la presse, l'actualité a changé de couleur. Optimiste aux premières heures du départ de Ben Ali, elle est devenue anxiogène, comme si le devoir de la presse était de nous maintenir dans un état de défiance et d'amertume», explique le jeune photographe. Et c'est là que tire son sens sa série «Khanga» où le sang vient maculer la vie quotidienne des Tunisiens et l'actualité médiatique. L'exposition s'attarde aussi sur l'oppression sociale des jeunes avec la symbolique d' «El Ayn», cet œil social qui juge et scrute. Sa tunisianité, Slown la définit, aussi, à travers son regard porté sur la femme tunisienne: «C'est dans leurs luttes que les femmes tunisiennes ont pris vie car oui, il n'y a pas de modèle unique et moi je me suis attardé sur ceux qui me fascinent le plus, en commençant par le plus récent, celui de cette femme qui brille par sa visibilité tout en restant invisible, celle qui porte sur elle le voile du monde. Ensuite, je suis allé du côté de celle qui ôtera la barbe à la Tunisie de demain. Je me suis baladé par la suite pour décrire la militante de gauche en avant-poste de l'armée des droits et des libertés et, pour finir, la Tunisienne ancrée dans ses racines pour mieux laisser ses branches s‘émanciper», note-t-il dans ce sens. Détournement, fiction,montage et mise en scène sont les matériaux dont use le photographe pour raconter cette perpétuelle quête d'une identité loin d'être immuable. L'exposition interpelle par la force figurative et narrative de ces clichés qui mettent en scène de jeunes modèles. Elle nous présente une autre approche photographique loin du reportage ou de ce qui est saisi dans l'ici et le maintenant. A voir.