Un groupe qui incarne la richesse de la musique et le plaisir du partage avec le public. Les intempéries qui ont eu raison de la soirée du 18 août au festival international de Carthage n'ont pas réussi leur coup à Hammamet. Le spectacle prévu cette nuit-là a, en effet, été installé dans l'enceinte de Dar Sébastian, afin d'assurer la rencontre entre le public et Cheikh Sidi Bémol. Son premier concert en Tunisie aura été ainsi spécial, vu les circonstances. Avant l'ouverture des portes, le chanteur algérien et son groupe ont travaillé sur la balance, essayant d'ajuster l'acoustique et de s'adapter aux murs de Dar Sébastian. La qualité du son en a quand même pris un coup pendant le concert. Mais rien ne semblait atteindre le moral du groupe et du public. Dès les premiers coups de guitare, l'ambiance est devenue festive, surtout avec la présence d'Algériens dans la salle. Ils ont chanté, dansé sur les rythmes de leur compatriote et l'ont filmé pour immortaliser ce moment. Cheikh Sidi Bémol est un groupe aux influences rock, algériennes et du monde. A sa tête, le compositeur et caricaturiste algérien Hocine Boukella qui a fondé le groupe en France aux débuts des années 90. Depuis, son style n'a cessé d'évoluer, absorbant des genres musicaux divers, autour de la musique kabyle, gnawa, chaâbi, et puis de toutes sortes de sonorités, du celtique au tzigane, à la musique des Balkans. Ce qui lui a valu l'originale attribution de «Gourbi-rock» pour leur musique. Cheikh Sidi Bémol a récupéré ce terme pour titrer l'un de ses albums, sorti en 2007. Avant cela, le groupe a sorti «Cheikh Sidi bémol» en 1998, «Live à Alger» en 2000 et «El Bandi» en 2003. Le titre éponyme de ce dernier album est une reprise de Georges Brassens, décrivant sa position contre la peine de mort. «El bandi» a fait partie des chansons de la soirée du mardi dernier. "Bled tchina" a ouvert le bal, suivie de "Boudjeghlellou" (l'escargot). Ensuite, place aux nouveautés avec le titre phare du dernier album du groupe «Afya», reprise du Pakistanais Nusrat Fateh Ali Khan. La sortie de cet album en 2014 a marqué un virage dans le parcours du groupe, qui change de nom pour devenir Sidi Bémol, sans «cheikh». «Virage» est, d'ailleurs, le nom de l'une des chansons de l'album, interprétée pendant le concert. Sur son site internet, le groupe décrit cet album comme «de nouveaux voyages musicaux qui vont féconder les musiques algériennes au cœur des musiques indiennes, et tziganes. Il est dédié aux Roms, trop souvent stigmatisés ces derniers temps, et à leur musique généreuse». De titre en titre, la bonne ambiance s'est maintenue, grâce à la musique, mais aussi à l'esprit et à l'humour de Hocine Boukella. Ses compagnons et lui ont revisité le patrimoine musical kabyle avec des chants de fêtes, d'amour ou de pêcheurs. Pendant le concert, ils ont également repris des airs de Cheikha Rimitti et de Slimane Azem, que le chanteur du groupe considère comme le meilleur artiste algérien. Ils ont chanté en français, en arabe, en kabyle, en anglais et même en turc. Une sympathique soirée, intimiste et conviviale, à laquelle a quand même manqué la chanson «Makayen walou khir men l'amour» (il n'y a pas mieux que l'amour), qui aurait été la cerise sur le gâteau surtout qu'elle a été réclamée par le public. Mention spéciale aux musiciens dont le jeu inspire fraîcheur, élégance et liberté: Damien Fleau aux saxophones, Maxime Fleau à la batterie, Jean Rollet-Gerard à la basse, Abdenour Djemai à la guitare et Clément Janinet au violon.