Les manœuvres militaires de l'Otan effectuées, ces jours-ci, dans les eaux territoriales tunisiennes donnent matière à réflexion L'Otan est parmi nous, armée jusqu'aux dents. Comprenez qu'il ne s'agit nullement d'une visite de courtoisie ou d'une réunion de routine. C'est que l'Alliance atlantique s'est amenée, cette fois-ci, pour des manœuvres navales communes dans nos eaux territoriales. Là où a été lancée, depuis lundi et pour quatre jours, une grande parade militaire, avec la participation de pas moins de quatre navires de guerre et de centaines d'hommes. Certains diraient que ces manœuvres n'ont rien de particulièrement étonnant, étant donné que la Tunisie est devenue, depuis la dernière visite de Béji Caïd Essebsi aux Etats-Unis, membre de l'Otan au statut spécial. Et c'est vrai, dans la mesure où, dans ce genre de traités stratégiques, on passe souvent rapidement des paroles aux actes. Mais, à bien y voir, on est en droit de dire que ces manœuvres ont pour objectif principal de contrer les visées expansionnistes des groupuscules takfiristes, Daech en tête, dont les mouvements suspects en mer signalés récemment commencent sérieusement à inquiéter et l'Occident et les pays visés dont la Tunisie. C'est que, aux yeux des services de renseignements occidentaux, les terroristes restent capables de frapper aussi en mer, c'est-à-dire loin de leurs fiefs traditionnels, à savoir les montagnes. Et les exemples abondent. En voici les plus saillants : – 2011 : une vedette rapide d'Al Qaïda chargée d'explosifs attaque un navire de guerre américain sur le littoral du Yémen. Bilan : 11 morts. – 2012 : interpellation, en Méditerranée, d'une légère embarcation qui s'avère être bourrée d'explosifs. Ses deux occupants, deux terroristes en chair et en os, avoueront plus tard qu'ils avaient planifié un attentat-suicide. – 2014 : sur les milliers d'émigrés clandestins sauvés par la marine italienne, des dizaines ont reconnu leur appartenance à Daech. – 2015 : l'attaque d'un hôtel de Sousse a révélé, comme on le sait, que l'assaillant a atterri sur la plage en provenance de la mer. S.O.S. Syrte ! Dans la foulée, les menaces «maritimes» des terroristes sont montées d'un cran depuis l'occupation, par l'EI d'Aboubakr Al Baghdadi, de la ville côtière libyenne de Syrte. Et l'on sait que cette ville, qui occupe des centaines de kilomètres sur le littoral, a un poids stratégiques extrêmement important, non seulement pour sa situation névralgique qui donne sur la Méditerranée, mais aussi pour le formidable arsenal militaire qu'elle recèle, avec notamment des dépôts d'armes navales sophistiquées sur lesquelles les terroristes avaient fait main basse au lendemain de la chute du régime de Kadhafi. C'est pourquoi l'Otan et les pays voisins de la Libye sont aujourd'hui persuadés que tout le danger, voire tous les malheurs, pourrait venir de la ville de Syrte. Et ce n'est pas un hasard si cette région est déjà dans le collimateur de la coalition occidentale, si des raids aériens ciblés venaient à être lancés en Libye. Prévention à la tunisienne Pour la Tunisie, en tout cas, il n'y a pas photo : deux précautions valent mieux qu'une. En effet, tout en collaborant étroitement avec l'Otan, elle a pris des mesures préventives typiquement maritimes. Cela va du maintien de l'état d'alerte de toutes nos forces navales à l'intensification du travail anticipatif, en passant par le renforcement des équipements militaires, avec notamment l'acquisition, à partir de cette année, d'un patrouilleur de 20 mètres (65 pieds) dans le cadre d'un marché d'importation de cinq autres bateaux de la même marque de réputation internationale. Parallèlement, le commandant de la redoutable 6e Flotte américaine, James Foggo, était l'autre jour à Tunis. Certainement pas pour des vacances.