Zouhaïer Makhlouf n'a pas encore tiré sa révérence. Sa lettre envoyée à Mohamed Ennaceur a causé du grabuge au sein de l'IVD. On s'attend à de nouveaux départs Hier, la tension et la suspicion régnaient au siège de l'Instance vérité et dignité à Montplaisir, à la suite de la démission, mardi soir, du juge administratif Mohamed Ayadi de son poste de membre du conseil de la direction de l'Instance «pour absence de climat propice à l'action positive», d'une part, et de l'acceptation, d'autre part, de la démission de Laroussi Amri, directeur de la recherche et des études, qui est passé le 29 juillet dernier devant la commission de discipline sans qu'elle ne prenne de sanction à son encontre, alors qu'on l'accusait d'incompétence et qu'on voulait mettre un terme à son contrat en tant que responsable de la recherche et des études. Hier, on avait le sentiment aussi que la démission du juge Mohamed Ayadi, la quatrième parmi les membres du conseil de la direction de l'instance de Montplaisir ou de Sihem Ben Sédrine, comme beaucoup de mandants le soulignent (Khemaïes Chamari, Noura Borsali, Azouz Chaouali ont déjà claqué la porte pour diverses raisons et seul Azouz Chaouali a été remplacé par Lilia Bouguila) n'a pas causé l'effet qu'on attendait. C'est comme si elle était prévisible. En tout état de cause, avec la lettre-bombe envoyée par Zouhaier Makhlouf, vice-président de l'IVD, au président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), il y avait comme un malaise général au sein de la grande bâtisse de Montplaisir. «Maintenant, tout peut se produire au sein de l'IVD. Rien n'est plus surprenant vu l'ambiance délétère dans laquelle fonctionne l'Instance», fait remarquer une source informée au sein de l'Instance. «Il faut s'attendre, ajoute la même source, à ce que la démission de Mohamed Ayadi soit suivie de celles de Hayet Ouertani et de Mustapha Baazaoui qui sont connus au sein de l'IVD comme étant le groupe des modernistes (avec Mohamed Ayadi) et partagent les mêmes idées et orientations généralement opposées à celles du groupe dit d'Ennahdha. Actuellement, le conseil de la direction de l'Instance fonctionne avec 12 membres et au cas où Hayet Ouertani et Mustapha Baazaoui suivraient l'exemple du juge Mohamed Ayadi, il restera uniquement 10 membres encore au sein du conseil de la direction, soit une démission et bonjour les nouvelles élections pour un nouveau conseil de direction. Seulement, la question à poser est la suivante : Zouheïr Makhlouf sera-t-il le cinquième démissionnaire, mais en contrepartie de quoi va-t-il pendre la décision de claquer la porte et de causer, par ricochet, l'implosion du conseil de direction actuel de l'IVD ? Faut-il rappeler à ceux qui attendent que Sihem Ben Sédrine rende le tablier bien avant qu'elle n'y soit obligée que la loi portant création de l'Instance vérité et dignité prévoit que l'instance peut fonctionner légalement avec 10 membres sur 15 composant son conseil directoire». «Pour le moment, rien ne montre que Zouheïr Makhlouf va sauter le pas et tirer sa révérence avant que Sihem Ben Sédrine ne décide de révéler à l'opinion publique les dérives qu'il a commises depuis l'entrée en fonctions de l'Instance et qui peuvent justifier son exclusion», précise la même source. La guerre des rapports Et si Zouheïr Makhlouf est à sa troisième lettre de dénonciation adressée à l'ARP sans que Mohamed Ennaceur n'en donne de suite, le dénonciateur des torts de Sihem Ben Sedrine est lui aussi sous le feu de rapports dénonçant ses agissements irresponsables. On apprend, en effet, que le juge Mohamed Ayadi, qui a démissionné mardi 25 août, a déjà rédigé le 4 août courant un rapport de 8 pages qu'il a soumis au Conseil de la direction de l'Instance. Dans ce rapport, il stigmatise «le comportement irresponsable de Zouheïr Makhlouf et ses pratiques contraires à la discipline interne qui régit les rapports entre les membres de l'IVD, insistant sur le fait que Makhlouf fait fi du devoir de réserve auquel il est astreint et multiplie les déclarations aux médias où il attaque ses collègues et se présente comme étant le seul membre crédible de l'Instance». Mais où se positionne Sihem Ben Sedrine, la présidente de l'Instance, dans ce tohu-bohu ? Notre source précise : «Sihem Ben Sedrine a beau agir en présidente dirigeant à la baguette son instance, multipliant les déclarations aux médias et les rencontres-débats qu'elle organise au sein du siège de l'IVD ou dans les régions, en réalité, elle n'a pas d'emprise sur les membres du Conseil de la direction et ce sont ceux qui représentent Ennahdha qui dominent l'Instance et en font ce qu'ils veulent». Et les observateurs ne manquent pas de relever et de le dire clairement et crûment à Sihem Ben Sedrine : «C'est Ennahdha qui fait les gaffes et c'est toi qui prends les claques». Et il paraît, selon ses amis et même ceux qui contestent sa façon de gérer l'Instance, qu'«elle en est bien consciente, mais elle ne peut plus faire demi-tour et partir». Quant aux dépassements financiers que Zouheïr Makhlouf impute à Sihem Ben Sedrine (à titre d'exemple, les dépenses consenties lors de la célébration en juin dernier, du 1er anniversaire de l'Instance), ils sont insignifiants «puisque la cérémonie organisée à la Cité des Sciences avait l'allures d'une fête scolaire». Restent certaines pratiques erronées qu'il faudrait, tout de même épingler comme le fait de priver le membre du Conseil de l'instance Adel Maïzi de son salaire pour le compte du mois d'août 2015 parce qu'il s'est accordé une dizaine de jours de congé sans en référer au Conseil de la direction de l'Instance. Il s'agit également de la décision de faire comparaître devant le conseil de discipline le Dr Laroussi Amri, universitaire et sociologue recruté par l'Instance pour assurer la fonction de directeur de la recherche et des études. «Pour des raisons que j'ignore, on m'a accusé d'incompétence et on a cherché à mettre fin à mes fonctions. Le premier conseil de discipline tenu à mon encontre le 29 juillet a été reporté à la journée du 3 août. J'y ai assisté, secondé par mes avocats qui contestent l'essence même du conseil devant lequel j'ai comparu. A la fin, aucune sanction n'a été décidée à mon encontre. Mais je préfère claquer la porte estimant que je ne peux plus rien donner à cette instance et c'est la raison pour laquelle j'ai démissionné de mon poste le mardi 25 août», confie le Dr Laroussi Amri à La Presse.