Les Tunisiens sont perplexes. La marche antiréconciliation économique prévue demain aura-t-elle lieu en dépit des menaces terroristes de voir l'avenue Bourguiba s'embraser ? Jusqu'où va nous mener l'entêtement des organisateurs de la manifestation antiréconciliation économique prévue demain à l'avenue Habib-Bourguiba ? Est-il acceptable que Mustapha Ben Jaâfar, secrétaire général d'Ettakatol, l'un des cinq partis décidés à marcher sur l'avenue à tout prix, déclare aux médias que Habib Essid, chef du gouvernement, a accordé à la délégation de ces mêmes partis qui l'a rencontré l'autorisation d'organiser la manifestation, alors qu'en lisant à la loupe la déclaration diffusée, hier, par la présidence du gouvernement, il n'y existe rien qui indique que le gouvernement a donné son aval à la manifestation ? Ce sont là les deux questions principales évoquées par l'opinion publique tout au long de la journée d'hier, d'autant plus que la surenchère et les déclarations aussi contradictoires les unes que les autres se sont multipliées à un rythme soutenu au point qu'on ne savait plus qui croire et surtout comment distinguer le vrai du faux. Des menaces sérieuses Y a-t-il réellement des menaces sérieuses d'opérations terroristes pouvant se produire sur l'avenue Bourguiba et ciblant des institutions civiles comme l'ont annoncé les services de sécurité en se basant sur des renseignements avérés ou s'agit-il d'une manœuvre pour empêcher les antiréconciliation économique d'exprimer leur hostilité au projet de loi présenté au parlement par le président Béji Caïd Essebsi, comme le soutiennent les organisateurs de la marche ? Pour Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études stratégiques, militaires et sécuritaires, «il n'y a pas de doute : les menaces terroristes sont sérieuses et elles ont pour cible des institutions d'une importance stratégique situées sur l'avenue Bourguiba. Les données dont le centre dispose nous permettent de dire que l'avertissement lancé par les USA aux citoyens américains d'éviter de se rendre en Tunisie est fondé sur des renseignements de la plus haute facture. Idem pour la France qui a fait savoir qu'elle dispose elle aussi d'informations selon lesquelles certaines de ses institutions sont visées par les terroristes». Elle se demande : «Que cherchent les organisateurs de la marche en refusant la proposition du chef du gouvernement de reporter leur manifestation de quelques jours ou de déplacer le lieu où elle doit se dérouler ? Au centre, nous considérons que le ministère de l'Intérieur a accompli sa mission de protéger le pays conformément à ce que la loi lui permet. Les forces de sécurité ont absolument le droit de prendre les mesures et les précautions qu'elles jugent nécessaires en vue de préserver la sécurité des citoyens et des biens publics et privés. Quand notre pays est menacé sérieusement et les terroristes ne se ont pas cachés et ont appelé clairement leurs cellules dormantes à participer à la marche et à tout faire pour qu'elle dégénère, il n'est plus question de se taire ou de parler de tiraillements politiques ou de désaccords en matière d'analyse. La question à poser : pourquoi semer le doute sur les informations livrées par le ministère de l'Intérieur sous le prétexte fallacieux que ces révélations servent uniquement les intérêts de Nida Tounès ?». Et la présidente du Centre international des études stratégiques, militaires et sécuritaires de préciser : «Au centre, nous demandons que le projet de loi sur la réconciliation soit révisé. Nous sommes aussi contre les comportements irresponsables de ces hommes politiques qui, malheureusement, font montre d'une cécité politique incompréhensible». Quels sont les dangers qui pourraient découler de la marche de samedi (au cas où elle aurait lieu) même si elle sera encadrée par près de 1.000 agents de sécurité ? «Dans la foule, tout est possible. Ceux parmi les daechistes qui s'infiltreront parmi les manifestants pacifiques peuvent commettre tous les crimes imaginables. D'ailleurs, les ordres lancés par Daech à ses troupes sont on ne peut plus clairs. Il leur ordonne de semer le chaos parmi les manifestants et il serait préférable qu'ils aillent jusqu'à les pousser à la désobéissance civile. Selon les estimations du ministère de l'Intérieur, il y aura près de 1.000 agents de sécurité pour accompagner la marche et assurer qu'elle se déroule sans dégâts. Au centre, nos experts pensent qu'il faudrait mobiliser plutôt quelque 2.000 policiers dans le but de ceinturer la marche comme le veulent les normes. Mais reste le problème de savoir qu'en mobilisant autant de policiers, d'autres lieux stratégiques de la capitale en souffriront. C'est un dilemme et nous sommes convaincus que nos forces de sécurité sauront trouver la solution idoine».