Tout le monde cherche ces dernières semaines à récupérer les destouriens. Certains sont allés même jusqu'à leur confisquer leur grand-père Au sein de la coordination nationale pour l'unité destourienne, on est convaincu qu'il est temps de dépasser les divisions pour lancer le grand parti destourien tant attendu A la croisée des chemins depuis leur cinglante défaite aux élections législatives du 26 octobre 2014, les destouriens sont, ces dernières semaines, à la recherche d'un chef qui les rassemble et qui leur permet de sortir de l'état de division où ils pataugent depuis la révolution du 17 décembre-14 janvier. Au cours des mois de juillet et d'août derniers, se sont multipliées les initiatives visant à unifier les quelque sept partis se proclamant actuellement les représentants de la famille destourienne et de la pensée bourguibienne. Du néo-bourguibisme prôné par Mohsen Marzouk, secrétaire général de Nida Tounès, à l'initiative du 1er mars 2015 dirigée par Sami Chabrak, président d'Al Likaa Addoustouri, qui appelle les derniers chefs destouriens et rcdistes (Kamel Morjane et Hamed Karoui) à céder la place aux jeunes destouriens en passant par l'appel de Hachemi Hamdi dans lequel il exprime la disposition de Tayyar Al Mahabba à accueillir les destouriens sous son toit, le Forum de la famille destourienne piloté par Nabil Karoui, Khaled Chaouket et Raouf Khammassi et le mouvement Al Wifak lancé sur le réseau internet par Sadok Chaâbane, l'un des idéologues attitrés du RCD dissous, les bases destouriennes se trouvent dans la perplexité totale et se demandent qui suivre, d'autant plus que maintenant, les destouriens ne savent plus qui est leur grand-père entre Bourguiba et Cheikh Abdelaziz Thaâlbi dont Ennahdha leur dispute la filiation. Rached Ghannouchi et certains de ses collaborateurs les plus proches ont fouillé dans leurs archives pour découvrir et annoncer qu'ils partagent avec les destouriens le même grand-père, en la personne de Cheikh Abdelaziz Thaâlbi, le fondateur du Parti libéral constitutionnaliste tunisien, ancêtre du Néo-Destour, du Parti socialiste destourien et du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD dissous). Où en est-on de cette dynamique idéale, la coordination nationale pour l'unité destourienne qui s'active depuis avril 2011 en vue d'unifier la grande famille destourienne et de créer le fameux grand parti destourien «fondé sur une nouvelle approche politique, sociale et économique en puisant dans l'héritage bourguibien et en revenant aux fondamentaux bourguibiens dont en premier la primauté de la souveraineté nationale et l'indépendance de la décision nationale», comme le confie à La Presse le Dr Tarek Ben M'barek, porte-parole de la coordination. Nous sommes condamnés à nous rassembler Il ajoute : «Aujourd'hui et après avoir tiré les enseignements des élections législatives et présidentielle de 2014 où nous avons été balayés purement et simplement dans la course au palais du Bardo et où le premier candidat destourien au palais de Carthage a récolté des miettes, nous sommes condamnés à nous rassembler. Mais sous la direction de quelle personnalité pouvant faire le poids et étouffer les ambitions et les calculs de ceux qui tiennent à leurs petites boutiques bien qu'ils sachent qu'ils n'ont plus de crédibilité, y compris auprès de ceux qui les ont suivis quand ils ont créé leurs partis pour s'assurer une certaine présence sur la scène politique nationale. Nous n'avons aucune alternative que celle de nous rassembler, d'autant plus que Nida Tounès nous dispute nos militants et notre héritage bourguibien. Plus encore, certains nidaïstes, de la dernière heure, cherchent à nous confisquer notre père, le leader Habib Bourguiba, qu'ils considèrent comme le précurseur de leur parti». Que faire maintenant afin que les destouriens qui ont porté Béji Caïd Essebsi à la présidence de la République (à titre d'exemple, à Béja il est passé de 13.200 voix au premier tour à 53.422 voix au second tour grâce précisément à l'apport des destouriens) ne soient plus — comme certaines parties le veulent — les bûches de cheminée ou le troisième étage de fusée ? Le porte-parole de la coordination précise: «Après les élections, nous avons repris nos contacts. Nous avons tenu plus de 20 réunions pour aboutir à une décision générale : aujourd'hui, sept partis à vocation destourienne sont disposés à annoncer leur dissolution pour créer le grand parti destourien que les destouriens attendent. A la tête de ces partis, figure le Parti du mouvement destourien présidé par le Dr Hamed Karoui, prêt lui aussi à céder le témoin aux jeunes. Notre ambition est que tous les destouriens rejoignent notre initiative et nous attendons toujours que notre ami Kamel Morjane, président d'Al Mouabadara, se range de notre côté». La passion dérange toujours Face à ceux qui cherchent à récupérer les destouriens et à leur confisquer leur héritage, sous le prétexte que la pensée bourguibienne est aussi la leur, Tarek Ben M'barek réplique : «Maintenant que je me découvre avec le même grand-père qu'Ennahdha, pourquoi ne pas y ajouter Hamma Hammami. Si on cherche un homme de gauche dans notre histoire, on trouvera Bourguiba, l'homme de l'enseignement gratuit, de la santé pour tous, de la libération de la femme et l'homme qui a fait de l'Etat le premier employeur. Le forum de la famille destourienne n'est en réalité qu'une couverture cachant d'autres agendas qui n'échappent plus à personne». Quelle place pour les jeunes au sein du grand parti destourien qui sera issu de la fusion des sept partis qui en ont exprimé le désir ? «Nous apprécions le texte publié le 16 septembre par l'initiative du 1er mars 2015. Nous partageons son idée selon laquelle la place est aujourd'hui aux jeunes. Seulement, dois-je rappeler qu'une famille est nécessairement constituée de toutes les générations», fait remarquer le Dr Tarek Ben M'barek. Il conclut : «Notre devise a toujours été la suivante : nous n'avons rien fait par hasard. Tout a été fait par passion. Et la passion a toujours dérangé». Le train destourien est-il enfin parti ? «Il se prépare à quitter la gare. Il ne sifflera pas trois fois et il n'attendra personne».