L'augmentation enregistrée au niveau des investissements étrangers ne traduit pas une amélioration du climat des affaires ni celle de la création de richesses et d'emplois Malgré une conjoncture incertaine, le flux d'investissements étrangers vers la Tunisie a enregistré une hausse de 41 % au cours des huit premiers mois de l'années 2015 par rapport à la même période de l'année 2014, passant de 1150.6 millions de dinars à 1622.6 MD, selon les derniers chiffres rendus publics par l'Agence de promotion des investissements, Fipa. Cette augmentation est assez variable selon les segments de l'investissement. Et c'est l'investissement en portefeuille qui enregistre la plus grande proportion, passant de 81 MD en 2014 à 342.7 MD jusqu'à fin août 2015, soit une augmentation de 323%. Quant aux investissements directs étrangers, ils sont passés de 1069,6 MD pendant les huit premiers mois de 2014 à 1279.9 MD pendant la même période de 2015, soit une progression de 19.7%. Ce chiffre tombe encore à 8.1% si l'on ne compte que les investissements dans le secteur industriel qui passent de 320.7 à 346.8 MD. Car au fait, c'est le secteur énergétique qui accapare la plus importante proportion de l'évolution, passant de 524.4 à 710 MD, soit une progression de 34,6%. Le tableau de l'Agence de promotion des investissements étrangers fait également état d'une progression des investissements agricoles qui passent de 6.2 à 9.1 MD, soit une progression de 46.6%, sachant que le secteur agricole n'est pas encore libéralisé. D'un autre côté, les services enregistrent une régression de 0.6%, passant de 2015.4 à 214.1 MD au cours de la même période. Quelle signification? Cela étant, l'augmentation enregistrée au niveau des investissements étrangers ne traduit pas une amélioration du climat des affaires ni celle de la création de richesses et d'emplois. «Généralement, l'investissement qui crée des richesses et des emplois se traduit par une importation de biens d'équipement. Or ce n'est pas le cas», souligne M. Moez Laâbidi, professeur de finance internationale, interrogé par La Presse sur cette question. M. Laâbidi fait remarquer que les taux d'évolution les plus importants ont été enregistrés dans l'investissement en portefeuille et dans le domaine énergétique. Toutefois, ce ne sont pas des investissements qui se traduisent par une forte valeur ajoutée en termes d'emplois. D'ailleurs, l'investissement en portefeuille a principalement porté sur un seul titre coté en Bourse. «Il s'agit d'une vague de positionnements d'investisseurs étrangers sur une action rentable», précise-t-il. Et ce n'est que conjoncturel. De même pour le secteur énergétique, M. Moez Laâbidi note que la Tunisie n'a pas attribué de nouveaux permis dans le secteur énergétique. «Donc, cette importante évolution ne pourrait être que des investissements de développement, pour augmenter la capacité de production.», explique-t-il. Et il s'agit d'une pratique courante dans le domaine énergétique : lorsque les cours baissent, les producteurs de pétrole essayent d'augmenter leur capacité de production. Interrogé, à cette occasion, sur les perspectives de l'investissement en Tunisie, M. Laâbidi a affirmé que les investisseurs, en pareille situation, font preuve d'une attitude prudente . Pour un site comme celui de la Tunisie, un investisseur pense ainsi : «si j'y suis, j'essaye de maintenir ma position et de garder mes clients sur le marché à l'export. En revanche, si je n'y suis pas, ce n'est pas encore le moment d'y aller», résume-t-il en substance. «Il est vrai que la Tunisie s'est stabilisée sur le plan institutionnel, rappelle le professeur en finance internationale, mais la paix sociale n'est pas encore acquise». Or l'investisseur étranger, pour s'implanter dans un pays, a besoin autant de la stabilité politique que de la stabilité sociale. Autrement, il préférerait aller s'implanter dans d'autres sites, plus stables. Le message aux syndicats est on ne peut plus direct et plus clair !