Dans un derby, les qualités physiques et l'application tactique ne suffisent pas si on n'y ajoute pas les formules d'attaque nécessaires et inspirées... Aujourd'hui, le football le plus recherché par les entraîneurs est celui qui est synonyme de puissance, de force, d'engagement et d'endurance. Cependant, ce dont on aurait besoin dans un derby tourne autour de la créativité, de la vitesse et surtout de la volonté constante d'attaquer et de faire le jeu. Un derby, c'est avant tout une mentalité. Comment une équipe comme le CA, dont le parcours, depuis le début de saison, est particulièrement marqué par une tendance généralisée vers le jeu d'attaque, a-t-elle pu oublier et ignorer un pareil atout dans le football des grands rendez-vous, et notamment celui des derbies. Le CA, équipe d'attaque, serait de moins en moins offensive. La formule de jeu est suffocante. Les joueurs bloqués et l'égarement s'installe là où l'inspiration est à inculquer. La passivité y fait des ravages et la passivité est un fléau déclaré. Très souvent, les qualités physiques et l'application tactique ne suffisent pas si on n'y ajoute pas les formules d'attaque nécessaires et adéquates. Il faut dire que tout cela ne se décrète pas du jour au lendemain. C'est une question d'état d'esprit et surtout d'initiative. Beaucoup plus que les corps, ce sont les mentalités, la manière d'aborder et de gérer les grands matches qui sont de nature à forcer la décision. C'est le secret des responsables clubistes: la dénaturation et la défiguration et la fuite en avant. Leur grande force consiste à nier les échecs. On connaît le slogan de ces responsables et de leurs perroquets médiatiques: «L'équipe avance», même quand elle recule. La destruction du château de cartes illustre cette dialectique de l'escamotage. Parce qu'ils ont un statut de responsables, ils se croient dispensés d'avoir une morale. Mais quand c'est le maître qui s'égare, les élèves font semblant de ne pas voir ce qu'ils voient. Par gêne. Et par inquiétude: qu'allaient-ils justement devenir s'il ne faut plus croire personne? Les responsables clubistes se sont égarés et tout le monde s'est tu. Ils ont expliqué que cela était conforme aux nouvelles exigences du club. «Faux», ont riposté quelques puristes et vrais dirigeants, peu écoutés. Parce qu'ils ont raison. Contrairement à ce qu'on veut laisser croire, ce ne sont pas des perspectives nouvelles qui se dessinent à l'horizon clubiste. Mais un accroissement de déficit, des défaillances et des dérives. Des irrégularités aussi dans la manière de gérer le club. Si la plupart des responsables en exercice n'ont rien appris ni rien retenu, ils assistent, au moins de là où ils sont, à la fin de leur monde. Ils ne font au juste que pousser au paroxysme une logique de déracinement qui foule aux pieds les traditions du club. Ce n'est pas parce qu'on a les grands moyens qu'on peut avoir une grande équipe. Beaucoup et même avec des ressources limitées font les choses plus et mieux. On n'a pas encore vu un responsable clubiste, du terrain ou des bureaux, présenter un projet ou encore une stratégie de travail à court ou à long terme. Jusqu'à présent, l'on n'a eu droit qu'à de simples paroles, loin de l'idée de repartir sur un nouveau cycle. Au vu de tant de défaillances, l'on se demande si le CA est vraiment capable de s'acheter une nouvelle conduite avec les dirigeants actuels. Au-delà des résultats et du rendement des joueurs sur le terrain, le club évolue dans une atmosphère instable et on ne voit pas comment les uns et les autres peuvent s'unir sans se séparer. Le CA aurait pu assurer l'essentiel dans ce derby lors de la première mi-temps. Des occasions de but évidentes ont été lamentablement gâchées. Durant cette période de jeu, il avait les moyens et les arguments nécessaires pour faire la différence. Il lui arrivait même de ressembler à l'équipe souhaitée. Mais il lui arrivait aussi d'être loin du compte et de ne pas disposer d'une maîtrise technique et d'une solidité correctes. Son efficacité offensive, au regard des atouts individuels, restent d'une étonnante irrégularité. A aucun moment, on n'avait senti la présence d'une personne capable d'orienter la manière de jouer de l'équipe, ou encore donner un sens à tout ce qui était entrepris. Dans cette panade générale, on a beau tenter de surnager, le rendement de l'équipe avait oscillé entre les défaillances offensives et la clairvoyance et l'inspiration que recommande une pareille exigence. Dans un derby, on doit avoir un bon jeu d'attaque pour alléger la pression qui pourrait peser sur le compartiment défensif, le cas échéant... Cela pourrait tenir La présence et l'empreinte de Sanches n'étaient pas visibles dans l'esprit de jeu clubiste. On peut aimer, comme on peut détester sa manière de travailler et de gérer le groupe. Mais on l'a rarement vu s'impliquer. Il faut dire qu'il y a matière à discussion dans toutes ses réactions et dans ses différentes prises de position. Dans la manière de jouer de l'équipe et dans la marge de manœuvre des ses acteurs. Dans les options tactiques et les choix des joueurs. La liberté d'entreprendre, oui. Le désordre et le jeu sans réflexion, jamais. Hostile à l'esprit conformiste aux systèmes, l'Espérance a, pour sa part, osé presque tous les genres. Bons ou mauvais. Mais le plus important est que ses joueurs étaient bien présents et avec l'esprit et le mental nécessaires : technique, physique, accélérations. Dans son expression collective, mais aussi dans le message qu'elle s'est efforcée de transmettre, elle donne l'impression de pouvoir évoluer. Même si elle continue à souffrir de certains maux traditionnels, enfouis au plus profond d'elle- même. Dans sa nouvelle version, elle est capable aujourd'hui de s'orienter vers de nouvelles tendances de nature à relooker son style, à étoffer son registre, en y ajoutant d'autres valeurs et d'autres atouts. Ce qu'elle laisse entrevoir et ce qu'elle accomplit sur le terrain n'entrent pas, certes, dans le jeu le plus dynamique qui soit offert, mais quelque part, cela pourrait tenir... A ce niveau d'évolution, ce n'est pas toujours une autre équipe. C'est un autre monde où l'on reconnaît que les joueurs ne mettent plus de la distance entre leurs ambitions et le registre de jeu dans lequel ils sont censés évoluer et s'exprimer. Quelque chose nous dit qu'ils sont capables de dégager une plus grande tonalité, comme une sublime beauté, et que, partout, la performance sera dans le jeu et l'enjeu.