Certains observateurs se disent que le vieux renard de Carthage s'accommoderait volontiers de cette guerre de tous contre tous Nida Tounès, principal parti vainqueur des dernières élections législatives et présidentielle, trébuche et vacille. Il est travaillé depuis peu par des différends qui frisent la scission. Plusieurs clans s'y regardent en chiens de faïence. Mais deux clans emportent haut la main la médaille des amères luttes fratricides et du refus viscéral de l'autre bord. Passe encore s'il s'agissait d'un simple parti, comme des dizaines parmi tant d'autres, qui meublent la configuration en mosaïque éclatée de la place politique. Il s'agit en revanche du principal parti de la coalition gouvernementale. Qui plus est Nida contrôle le gouvernement, la présidence de la République et le Parlement. De sorte que s'il coule, une partie des institutions risque de sombrer. Deux clans essentiels s'y opposent férocement, avec chefs de coteries et séides invétérés. D'un côté, Ridha Belhaj, ministre chef du cabinet présidentiel, allié à Fadhel Ben Omrane, chef du bloc de Nida au Parlement, et Habib Essid, chef du gouvernement. Ils ont plusieurs relais, dont les électrons libres et les roitelets du parti tel Hafedh Caïd Essebsi, vice-président de Nida et fils du président de la République. D'un autre côté, Mohsen Marzouk, secrétaire général du parti, et ses nombreux alliés et inconditionnels. Ce dernier en veut particulièrement à Ridha Belhaj qui, à l'en croire, utiliserait les moyens, les équipements et le prestige de la présidence de la République à des fins partisanes sectaires. Idem de son «relais» au Parlement, Fadhel Ben Omrane, chef du bloc Nida que Marzouk juge trop suiviste à l'endroit du bloc d'Ennahdha dans l'hémicycle. Le clan Marzouk fustige également Habib Essid, qui serait «l'autre relais» qui ne jurerait que par les directives de Ridha Belhaj en ce qui a trait notamment aux nominations et aux orientations générales du cabinet. Le parti Ennahdha se frotte les mains Le secrétaire général de Nida crie au loup. A l'en croire, il y a risque d'installation à perpétuelle demeure, au sein de l'Etat, du système mafieux, de la corruption et de la tentation héréditaire. De leur côté, les membres du clan opposé en veulent à Mohsen Marzouk pour sa voracité politique sur fond d'ambitions démesurées. Il briguerait volontiers la présidence de la République — pas moins que ça — et voudrait dicter sa volonté et ses hommes au gouvernement, voire à la présidence de la République. En présentant sa démission du gouvernement la semaine dernière, Lazhar Akremi, autre figure de proue de Nida, a, lui aussi, évoqué la corruption et la dérive du régime et des institutions. «Je refuse le système presidentialiste maquillé dans la Constitution», a-t-il affirmé sur Radiomed. Mondher Belhaj Ali, autre dirigeant de Nida, n'est pas en reste. Il a carrément présenté ses excuses au peuple tunisien pour avoir «trahi» ses attentes et les promesses électorales des nidaistes. Il a par ailleurs formulé le vœu de formation d'une nouvelle majorité gouvernementale sans le parti Ennahdha et moyennant la participation du Front populaire. Louvoyant à son aise, Hafedh Caïd Essebsi considère que le bureau politique de Nida est fini, nul et non avenu. Il propose une date du congrès du parti en porte-à-faux des décisions du bureau politique. Lequel le disqualifie d'emblée, tout en se prévalant du soutien inconditionnel du bureau exécutif, comme ce fut le cas lors de sa réunion d'hier. Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a esquissé la réconciliation, mercredi dernier en présence des protagonistes au palais de Carthage ! En vain. Certains observateurs se disent que le vieux renard de Carthage s'accommoderait volontiers de cette guerre de tous contre tous. Et jouerait la balance romaine, les poids et contrepoids entre les principaux clans. Pourvu qu'ils s'abîment dans leurs querelles byzantines. De son côté, le parti Ennahdha, aux prises avec le démon des divisions et du blocage dans ses propres rangs, se frotte les mains. Affaiblir Nida, et prendre les marrons chauds avec les pattes du chat, quelle aubaine pour Montplaisir. En attendant des jours meilleurs et des échéances électorales propices. Les différents clans de Nida se neutralisent dans une espèce d'équilibre catastrophique pour tous. Orphelins de Béji Caïd Essebsi, fondateur du parti, l'absence d'un chef charismatique de sa trempe réduit la confrontation à une joute de seconds couteaux. Et l'absence de choix économiques et sociétaux majeurs fait tout sombrer dans les segmentations tribales et féodales primaires. De là à l'interférence des barons de la contrebande et du crime organisé dans la mêlée, il n'y a qu'un pas, déjà franchi. Nida (appel) Tounès dites-vous ? Disons plutôt l'appel de la division.