C'est l'un des grands chantiers jamais entrepris depuis les années 90 : la mise en règle des terres collectives dont une grande partie est non exploitée. L'on parle de trois millions d'hectares, dont la moitié est dédiée aux pâturages collectifs, et dont quelque 343 mille hectares ne sont pas encore touchés par la liquidation foncière et sont l'objet d'un contentieux complexe. Cette liquidation foncière vise à rendre les propriétés collectives des propriétés individuelles afin d'en faciliter l'exploitation et les intégrer dans le circuit économique du pays. Le projet de loi relative aux terres collectives vise entre autres la réactivation des conseils de gestion régionaux afin d'accélérer la mise en règle des situations foncières encore bloquées, notamment dans les régions du Sud. On préconise aussi la création d'organismes d'arbitrage régionaux et nationaux. L'objectif est d'avoir des titres fonciers individuels pour encourager l'investissement. Reste à délimiter les secteurs d'exploitation de ces terres selon leur potentiel et les besoins de leurs habitants, mais aussi à dépasser les tensions avec les comités de gestion... C'est l'un des grands chantiers jamais entrepris depuis les années 90 : la mise en règle des terres collectives dont une grande partie est non exploitée. L'on parle de trois millions d'hectares, dont la moitié est dédiée aux pâturages collectifs, et dont quelque 343 mille hectares ne sont pas encore touchés par la liquidation foncière et sont l'objet d'un contentieux complexe. Cette liquidation foncière vise à rendre les propriétés collectives des propriétés individuelles afin de faciliter l'exploitation de ces terres et les intégrer dans le circuit économique du pays. C'est ainsi que lors d'une conférence nationale tenue hier à Tunis et qui marque l'ouverture d'une consultation nationale autour des terres collectives que le chef du gouvernement, Habib Essid, a insisté sur la priorité de trouver des solutions aux problèmes fonciers qui bloquent l'exploitation des terres collectives dans plusieurs régions. Et d'ajouter: «Nous avons préparé un projet de loi relatif aux terres collectives et notre travail est effectué à la lumière des consultations régionales au niveau de tous les gouvernorats là où il y a des différends. Aujourd'hui et après avoir bouclé ce travail au niveau régional, on lance cette consultation nationale pour accélérer la finalisation du projet de cette loi qui passera devant le parlement et serait adopté d'ici la fin de ce mois. Notre priorité, c'est de résoudre les problèmes fonciers de ces terres collectives, chose qui aurait dû être faite depuis 2007 ou 2008». Une nouvelle approche Le chef du gouvernement a indiqué que plusieurs terres collectives, bloquées à cause de leur situation foncière, sont en fait de très bonne qualité, fertiles et qui pourraient être exploitées dans le secteur agricole ou «économiquement». «Notre nouvelle approche est de n'approuver le financement d'un quelconque projet que lorsque la situation foncière des terres concernées est en règle. Nous avons, d'ailleurs, commencé à appliquer cette approche pour tous les nouveaux projets s'inscrivant dans le prochain plan de développement ainsi que celui de la loi des finances 2016», a-t-il annoncé à un public composé d'un certain nombre d'élus du peuple, de représentants d'organisations professionnelles et de la société civile, de chercheurs et universitaires, ainsi que des représentants des organismes de liquidation foncière. D'après le ministre des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières, Hatem El Euchi, ces organismes et notamment les comités de gestion sont contestés par les citoyens qui exploitent les terres collectives non liquidées foncièrement et dont la situation foncière est complexe et sujette à contentieux. Une situation qu'il a qualifié de bloquée alors que les terres concernées restent inexploitées, ce qui la met hors du circuit économique du pays. «Partant de ce constat, on a procédé à l'élaboration d'un projet de loi qui apporte des solutions en optant pour la création d'organismes d'arbitrage régionaux et nationaux, composés de juges, tout en gardant les comités de gestion», a-t-il expliqué. Le maintien des comités de gestion est une option pour ne pas compliquer davantage la situation puisque les membres de ces comités sont élus au niveau de leurs régions. Tout en relatant la délicatesse et la complexité des dossiers fonciers, le ministre a indiqué que le projet de loi prévoit l'intervention de la justice foncière, outre l'implication réelle des comités de gestion dans la résolution de certains problèmes liés aux terres non liquidées et qui pourraient faire l'objet d'investissement. Tribalisme et autres problèmes Quant au conservateur de la propriété foncière, Jamel Ayari, il a cité les régions concernées par la liquidation foncière dont Kébili, Médenine, Tataouine, Gafsa, Tozeur, Gabès, Sidi Bouzid et Kasserine. Ces régions, a-t-il précisé, sont les zones sensibles et sont la priorité du projet de loi visant à mettre en règle les propriétés foncières puisque ceux qui sont sous le régime collectif ne sont pas les propriétaires des terres qu'ils exploitent anarchiquement. Et d'enchaîner : «Aujourd'hui, c'est une nouvelle opportunité d'entamer un nouveau cycle juridique pour faire bouger les choses, puisque le dernier amendement date de 1988. Nous avons de nouvelles problématiques auxquelles il faut trouver les réponses juridiques adéquates avec une approche participative d'où l'on a organisé cette consultation après un long processus d'écoute et d'interactivité avec la société civile, l'administration régionale, les représentants des habitants, etc. La situation est critique car, entre autres, les activités se développent dans ces régions constamment alors qu'on ne peut même pas effectuer une extension du périmètre communal ! Les zones de pâturages y sont importantes, alors que les zones urbaines et industrielles sont très limitées. Il faut étendre ces zones pour pouvoir donner des propriétés aux habitants, sans pour autant toucher aux terres agricoles, et ce, selon les besoins tels que les municipalités les perçoivent. C'est le caractère tribal qui bloque la situation foncière et l'investissement dans ces régions dont certaines ont d'importantes réserves en gypse, en quartz et autres». Le conservateur de la propriété foncière a souligné le cas des terres collectives à Thala qui étaient en 1990 des propriétés individuelles avant d'être intégrées sous le régime des terres collectives. Ces derniers sont depuis bloqués puisque les procédures d'investissement sont devenues, depuis, très compliquées, ce qui a empêché l'exploitation de ses réserves de marbre. D'après lui, un arrêté vient de passer à la présidence du gouvernement pour examen et qui concerne ces lots contenants les carrières de marbre. «Nous essayons d'accélérer les procédures avec ce projet de loi pour que chacun des habitants de ces régions s'installe en pleine propriété et ainsi les délais de réponse aux investisseurs seront raisonnables. Cela fera booster les investissements dans ces zones en panne de solutions de développement», a-t-il ajouté en insistant sur la confiance à regagner de la part des concernés loin des intérêts personnels de certaines parties. Face à ce discours de la partie gouvernementale, les représentants des comités de gestion, présents à la consultation nationale, campent sur leur position. Ahmed Ennacer Amaidi, membre du comité de gestion de Tozeur, nous a indiqué que «seule compte l'appartenance à la terre. À Awled Sidi Abidi, c'est une longue histoire avec notre terre... plus de 700 ans! L'expropriation des terres se fait anarchiquement depuis des années et les autorités locales ne bougent pas le doigt et on a omis les comités de gestion dans le processus de prise de décision, nous avons alors décidé de bouder les consultations régionales et nous venons aujourd'hui faire entendre notre voix !». Une prise de position relayée du reste par d'autres représentants de localités du Sud. Une tension qui laisse présager des débats houleux au sujet du projet de loi sur les terres collectives...