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Y a-t-il eu une révolution en Tunisie le 14 janvier 2011?
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 02 - 11 - 2015


Par Abdoulaye BA*
Plus de quatre ans après l'avènement du 14 janvier 2011, cette question est toujours et encore d'actualité. La tournure prise par les événements depuis cette date historique a amené bien des gens et non des moindres, des observateurs et spécialistes des affaires politiques notamment, à conclure qu'il n'y a pas eu le «grand soir» en Tunisie le 14 janvier 2011. Ce qui s'est produit, ce jour-là, est tout simplement, pour eux, une révolte populaire «fomentée» de l'extérieur, voire une «révolution de palais» qui a généré un grand désordre. Il est bien vrai que les choses sont allées assez vite. En l'espace à peine d'un mois, du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011, le régime dictatorial du président Ben Ali, vieux de plus de 23 ans, a fini par tomber. Il a été ainsi dégagé de la scène politique, un peu à la «surprise» générale. Tout naturellement, nous ne partageons pas ce point de vue. C'est la raison pour laquelle nous nous efforcerons dans les lignes qui suivent, faits à l'appui, de prouver le contraire, tout en plaçant cet événement majeur dans son contexte géopolitique, régional et international.
La révolution est généralement définie comme étant :
— «un changement brusque et violent dans la structure politique et sociale d'un Etat, qui se produit quand un groupe se révolte contre les autorités en place, prend le pouvoir et réussit à le garder».
— «la suppression de manière brutale et parfois sanglante de l'ordre établi et du régime politique en place et l'instauration de manière irréversible d'un ordre nouveau».
A la lecture de cette définition globale et au regard de l'évolution générale du pays, il ne fait aucun doute qu'il y a eu une révolution le 14 janvier 2011 en Tunisie. De fait, il a été définitivement mis fin à la dictature et un régime démocratique s'est, petit à petit, mis en place.Un rappel succinct des faits nous en donne une parfaite illustration.
L'immolation par le feu du martyr Mohamed Bouazizi, le 17 décembre
2010, est tout simplement l'étincelle qui a mis le feu aux poudres. Depuis l'année 2008, la grogne populaire couvait et le mécontentement social prenait de l'ampleur. Le pouvoir despotique de Ben Ali a, avec le temps, accentué les injustices et aiguisé les tensions sociales. Dès lors, son régime ne pouvait pas échapper à la révolte et au soulèvement populaire qui sont allés crescendo. Les principaux auteurs de sa chute sont la jeunesse, notamment désœuvrée, le mouvement syndical et la société civile. L'adhésion de l'armée et la bienveillance de l'Oncle Sam ont également contribué au succès de la révolution de la liberté et de la dignité. Ni les tentatives de rafistolage ou de récupération de la victoire finale par les «lieutenants» encore en lice du dictateur déchu, ni les atermoiements des opposants politiques pris de court par la rapidité des événements n'ont pu freiner la marche de l'histoire.
Une page historique sombre de la Tunisie venait ainsi d'être tournée et une nouvelle, porteuse d'espérances, a commencé à s'écrire. On connaît la suite. M. Béji Caïd Essebsi, l'homme providentiel de l'époque, à la tête d'une équipe gouvernementale consensuelle, se vit confier la mission d'engager la transition du pays vers la démocratie. Une assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle Constitution dans un délai d'une année fut élue en octobre 2011. Les islamistes du parti Ennahdha, principal vainqueur du scrutin, et leurs alliés du CPR et d'Ettakatol, réunis dans le cadre d'une coalition appelée «Troïka» en charge de la gouvernance du pays, eurent la lourde tâche de parachever le processus de transition démocratique. Nonobstant deux gouvernements, «Troïka 1 & 2» et plus de deux ans d'exercice, la majorité au pouvoir n'est pas parvenue à entamer les réformes politiques, économiques et sociales nécessaires pour le redressement, la cohésion et le progrès du pays. La Tunisie s'est, dès lors, trouvée en proie à de grosses difficultés. Pendant cette période, les divergences entre l'opposition et l'équipe dirigeante se sont cristallisées, les mouvements et conflits sociaux se sont multipliés, le marasme économique, avec son corollaire la cherté de la vie, s'est accentué, le laxisme des autorités à l'égard de l'islamisme radical a profité à l'extrémisme et au terrorisme qui ont progressivement gangrené la société. L'ambassade américaine à Tunis a été attaquée, deux leaders de l'opposition furent assassinés, etc. Alors que le pire était à craindre pour le pays, une lueur d'espoir salutaire est venue de la société civile. Le Quartette, initiateur du dialogue national, indispensable pour sauver l'idéal démocratique naissant, a pris le taureau par les cornes, en «sommant» majorité et opposition à se mettre autour de la table de négociations. Cette initiative, confortée par la rencontre historique, à Paris, entre M. Béji Caïd Essebsi et Cheïkh Rached Ghannouchi, mais aussi soutenue à l'échelle internationale, a débouché sur la mise en place d'un gouvernement provisoire, indépendant, neutre et technocratique, dirigé par M. Mehdi Jomâa et chargé de chapeauter l'organisation et la tenue d'élections libres législatives et présidentielle. Une constitution nouvelle fut finalement adoptée, le scrutin général vit la victoire de Nida Tounès et le recul d'Ennahdha, deux formations politiques rivales qui décidèrent, pour l'intérêt supérieur de la nation, de gouverner ensemble.
L'évocation de tous ces faits nous édifie on ne peut plus sur tout le chemin semé d'embûches parcouru par la Tunisie depuis. S'il n'y avait pas eu une révolution le 14 janvier 2011, nous ne serions pas là à en parler sans arrêt et à tout bout de champ, soit en mal, soit en bien, à cogiter sur ses conséquences bénéfiques ou négatives, à nous interroger sans cesse sur «une possible sortie, proche ou lointaine, du tunnel», etc. S'il n'y avait pas révolution, l'onde de choc, partie de la ville de Sidi Bouzid, ne se serait pas propagée comme une traînée de poudre en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, emportant sur son passage les régimes de Hosni Moubarak et de Mouammar Kadhafi et mettant à mal de nombreux pouvoirs solidement installés, notamment celui de Bachar Al-Assad. L'écho retentissant que cet événement a eu, de par le monde, l'usage à grande échelle du slogan «dégage», généralement scandé dans les luttes contre l'injustice et l'arbitraire, lors des diverses manifestations populaires qui ont lieu un peu partout à travers la planète,sont un gage patent qu'il y a eu bel et bien un printemps arabe bercé en Tunisie. Ce n'est pas parce que les lendemains difficiles de l'après 14 Janvier ont été marqués par les attentes et espoirs déçus de la population, la recrudescence des revendications sociales, la montée en flèche de l'extrémisme et de la violence,que nous devons considérer que tout ce qui s'est produit dans le pays, n'est ni plus ni moins qu'un désordre, voire une pagaille et tout sauf la révolution. Il convient de rappeler, aux plus sceptiques d'entre nous, que la révolution en général s'accompagne de casse, de remises en cause, de tueries, d'arrestations, etc., car il s'agit d'un acte violent et brutal par lequel on «démolit» de l'ancien pour construire du nouveau. Une révolution peut réussir à atteindre ses objectifs comme elle peut aussi avorter. Tout dépend de la capacité du peuple et de ses dirigeants de traduire dans les faits les idéaux de changements, de justice et de progrès qui sont à la base du sursaut populaire.
Dans le cas tunisien qui nous intéresse ici, il est bon de ne pas perdre de vue que les politiques ont «dû prendre le train en marche», faute de n'avoir pas vu venir à temps la vague déferlante qui a balayé le régime de Ben Ali. Cette absence d'une direction politique structurée et soudée, capable de proposer une alternative crédible pour le bien-être de la population, explique dans une large mesure les péripéties que nous vivons depuis la révolution. La gent politique dans sa quasi-totalité et toutes tendances confondues, empêtrée dans des querelles politiciennes et de clochers, n'a pas su se montrer à la hauteur des exigences de la situation nouvelle du pays. Elle porte une part importante de responsabilité dans l'exacerbation des clivages, divergences et tensions au sein de la société. Les médias, le Net et les réseaux sociaux n'ont pas toujours su véhiculer le discours approprié qui sied aux impératifs du contexte particulier dans lequel nous nous trouvons. Très souvent, ils se sont prêtés au jeu des politiques. Dès lors, le malaise social et la frustration observés chez de larges franges de la population, notamment les jeunes en détresse, un mal hélas plus que préoccupant, trouvent dans l'inexistence à l'échelle nationale d'une volonté réelle d'encadrer et d'éclairer le citoyen, toute leur raison d'être. Si l'extrémisme et la violence ont pu gagner facilement du terrain et «prospérer» rapidement, c'est qu'ils ont su mettre à profit entre autres nos points faibles, défauts et manquements. C'est un courant politique, rappelons-le, qui s'est développé dans un environnement particulièrement propice, au sein des pays arabes et musulmans notamment, et à la faveur de la remise en cause des idéologies dominantes, libérale et socialiste. Convaincus de la justesse de leur cause, les islamistes radicaux sont des activistes politiques très engagés, déterminés, volontaristes et prêts à faire tous les sacrifices pour faire triompher leurs idéaux. Leur jusqu'au-boutisme sans limite, malgré tous les coups qui leur sont portés un peu partout dans le monde,et leur capacité de persuasion et d'embrigadement de la jeunesse sont là pour nous rappeler que nous avons affaire à une nébuleuse de plus en plus tentaculaire. Face à un ennemi de ce calibre, il aurait fallu réaliser illico presto «l'union sacrée» de toutes les forces vives de la nation contre ce dangereux fléau et pour le salut de la patrie. Pouvoirs publics, forces armées et de sécurité, opposition politique démocratique, médias, société civile, syndicats de salariés et patronaux, mouvements et organisations de femmes et de jeunes, etc., tous ensemble, doivent avancer la main dans la main et ce n'est qu'à cette condition que nous pourrons gagner la guerre contre le terrorisme. Aujourd'hui, il faut reconnaître que nous n'en sommes pas encore là. Certes, le combat quotidien contre l'extrémisme, mené essentiellement aux plans militaire et sécuritaire, connaît un certain succès. Toutefois, il a besoin d'être «boosté» dans tous les domaines, politique, économique, financier, social, culturel, etc. C'est uniquement à ce prix que nous pourrons sceller la réussite de la révolution. Si le président de la République et le leader du parti Ennahdha l'ont parfaitement bien compris pour avoir décidé de «mettre entre parenthèses» leurs différences conceptuelles, tel n'est pas le cas chez bon nombre de nos politiques, y compris dans les rangs de Nida Tounès, qui, en dépit des récents attentats terroristes perpétrés au musée du Bardo et à Sousse, continuent de privilégier avant tout leurs intérêts partisans et personnels au détriment de l'intérêt général.
A tous ceux-là, qui ont du mal à «se débarrasser de leurs œillères» et qui se font prier pour «prendre le bon wagon», nous disons que la Tunisie peut, en tout cas, s'enorgueillir d'avoir une société civile à la hauteur de ses espérances. Le prix Nobel de la paix décerné tout récemment au Quartette, initiateur du dialogue national salvateur, nous conforte dans notre optimisme quant à l'avenir de cette jeune démocratie.
*(Observateur politique mauritanien)


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