L'expression artistique aide les jeunes de Redeyef à prendre racine dans leur terre d'origine. Doit-on encore présenter la ville de Redeyef ? Révolte de 2008, bassin minier, marginalisation... Tant de mots qui la définissent, mais pas seulement. Il y a surtout la force de la jeunesse et la volonté d'une population qui recrée, à son échelle, l'histoire et la géographie. Les jeunes de Redeyef se déploient, du fond de leurs cœurs et de leurs tripes, par le biais de l'art. Danse, musique, théâtre, photographie et vidéo sont leurs armes de résistance aux difficiles conditions de leur quotidien. Ils les ont brandis lundi dernier à l'institut français de Tunisie, lors de la restitution d'un «événement en mouvement» où le public a pu témoigner du travail effectué au sein de la plateforme Siwa. «Venez à Redeyef !» Siwa est un «laboratoire itinérant des mondes arabes contemporains, voué à initier des échanges artistiques et intellectuels entre le Maghreb, le Machrek et la France». Depuis 2011, la plateforme s'est implantée à Redeyef afin de créer une dynamique culturelle et artistique, pour et avec les jeunes, initiés et encadrés dans leurs essais dans la discipline qui leur parle le plus. Ils ne rêvent que d'immigration, et l'expression artistique les aide à prendre racine dans leur terre d'origine, à y trouver une raison de vivre. Avant de monter sur scène, ils ont témoigné, aux côtés des membres de Siwa et de la compagnie La fonderie au Mans, partenaires dans le projet, de ce que l'existence de cette plateforme a changé dans leurs vies. Parmi eux, Helmi Mbarki, qui a parlé de talents livrés à eux-mêmes, évoluant dans la rue, en marge de l'institution (maison de la culture et maison des jeunes), qui ne leur a rien offert. Leur travail est aujourd'hui plus structuré, grâce à des résidences de deux semaines chacune. L'une d'elles les a mené à se produire au palais El Abdellia en 2013, année où une « antenne tunisienne de Siwa a été créée, dont le siège est à Gafsa ». Une année plus tard, c'est l'institution qui vient désormais à leur rencontre, en leur offrant un bâtiment devenu leur centre culturel : l'économat, anciennement rattaché à la compagnie des phosphates de Gafsa. D'autres jeunes ont crié leur refus de la marginalisation et ont appelé les artistes et intellectuels à la révolution culturelle. «Nous faisons partie des tunisiens et nous désirons vivre comme les autres». Leur message le plus fort, unanime, était une invitation à aller à Redeyef afin de voir ce qui s'y passe, et pourquoi pas d'en faire partie. «La ligne d'une tentative» En attendant, c'est Redeyef qui est venue à Tunis. Une caravane à contresens qui ramène une restitution des travaux des jeunes de la ville. Les artistes qui les ont accompagnés ont, quant à eux, mis la main à la patte en produisant des œuvres qui retracent l'expérience. Celle-ci a été nommée «La ligne d'une tentative» où Siwa pose la question «Nous, Redeyef ?». La réponse est ouverte, puisque le projet se poursuit, au rythme des jeunes, de la rue où ils évoluent et du quotidien des gens, nous décrit Atef Maâtallah, plasticien, dont les dessins ont fait partie de l'exposition. Il y avait également les photographies de Fakhri El Ghezal et la vidéo de Hamza el Waer pour raconter aux visiteurs ce qui se trame à Redeyef. Des visages, des paysages déserts que l'on peuple par l'art et des espaces urbains en construction pris sur le vif. La ville a un poul, celui de ses jeunes... D'autres artistes ont été sur place: Zied Meddeb Hamrouni, Laurence Chable, Patrick Condé, Laurent Malone et Imen Smaoui. Cette dernière est montée sur scène avec les jeunes de Redeyef qui ont interprété leur spectacle avec ferveur. Une création où se conjuguent chant (rap et musique engagée), vidéo et théâtre afin de rendre abstraits des problèmes bien réels, le temps d'une représentation. La scène accueille leurs angoisses et leurs aspirations et incarne l'espoir qui jaillit en eux grâce à l'art. Après ce lundi 2 novembre, pour voir ce travail, il faudra répondre à l'invitation des jeunes de Redeyef.