Offrir une bonne formation aux jeunes footballeurs ne suffira sans doute pas tant qu'on ne sera pas en mesure de former avant tout des hommes. Pour devenir joueur professionnel dans les grandes nations de football, Europe et Amérique du Sud, il est devenu primordial de passer par un centre de formation. Certains pays sont devenus une référence mondiale en formant de nombreux joueurs internationaux issus de structures foot-études. En Tunisie, et dans beaucoup de pays africains, la perspective de l'intégration des joueurs dans les clubs professionnels n'est pas la même. Il y a les centres de formation appartenant à la FTF, les centres dirigés par les clubs et enfin les centres privés pour jeunes footballeurs qui connaissent de plus en plus une affluence sans égal. Ici et là, les structures, le mode de travail et l'encadrement ne sont pas les mêmes. Les priorités sont presque identiques dans la forme, mais pas dans le fond. On retiendra l'idée d'un meilleur rendement et d'une meilleure productivité dans les centres privés. Mais cela ne devrait en aucun cas servir de règle générale. Il y a certainement des règles à suivre, un cahier des charges à respecter, mais les moyens et le degré d'investissement diffèrent d'un centre à l'autre. Qu'en est-il justement de la compétence des encadreurs? Du mode de leur recrutement? Du suivi médical, mais aussi scolaire et social des jeunes joueurs? Les étapes de formation d'un jeune footballeur, telles qu'elles sont définies par la Fifa, sont les suivantes : A. De 5 à 9 ans : Eveil au football B. De 9 à 11 ans : Initiation au football C. De 12 à 15 ans : La préformation E. De 16 à 19 ans : La formation F. Au-delà de 19 ans : La post-formation ou la culture de la haute performance (cela n'existe pas encore en Tunisie). Il s'est avéré que le jeune footballeur tunisien accuse un retard de 4 à 6 ans au niveau de cette formation dans la mesure où les structures d'accueil de la première tranche d'âge de 5 à 9 ans font défaut dans notre pays. Les écoles primaires et secondaires ne sont pas encore là, faute d'éducateurs et de programmes sportifs clairs. Ainsi, le jeune Tunisien commence à s'initier à l'ABC du football à 9, voire 11 ans. Dans les centres privés de formation, la réussite reste partielle. D'ailleurs, on n'a pas vu beaucoup de joueurs intégrer les clubs et surtout réussir une carrière de footballeur. Il faut dire que c'est toute une approche, toute une stratégie à revoir, à clarifier. Si les politiques de recrutement sont sensiblement différentes selon le centre de formation, il existe tout de même des critères fondamentaux. Mais pas toujours respectés dans la mesure où il s'agit d'une opération avant tout commerciale. Dans l'absolu, trois critères déterminent l'accès d'un jeune au centre de formation spécialisé : la technique, c'est-à-dire son jeu avec le ballon. L'intelligence de jeu, à travers laquelle on retient la faculté cognitive à analyser le jeu dans son ensemble. Enfin, l'éthique du joueur, c'est-à-dire le respect d'autrui, le sens du collectif, le respect dans l'effort et d'une façon générale la personnalité du joueur. Tout cela est beau à savoir. A retenir certainement. Mais visiblement, la réalité est tout autre. Le message résonne encore plus depuis que les parents ont commencé à intervenir auprès des encadreurs et entraîneurs. Un problème qui, il faut le dire, ne touche pas seulement les centres de formation, mais également les clubs professionnels. Certains parents pensent que l'avenir de leurs gamins est fait d'étude et de sport. Mais de sport plus que d'étude. Tout cela conformément aux rémunérations qui ne cessent de gonfler la carrière d'un footballeur, lequel est excessivement mieux payé que celui qui est allé jusqu'au bout dans sa scolarité. La notion des études est aujourd'hui reléguée au second plan chez la plupart des parents qui orientent leurs enfants vers les centres de formation. Leur engouement s'est transformé en obstination et en acharnement qui risquent de dénaturer la vocation, les prérogatives de ces centres. Plus encore, la corrélation entre bonne éducation scolaire et le niveau sportif n'a plus visiblement sa raison d'être. La rhétorique de celui qui progresse à l'école progresse sur le terrain est oubliée, l'on ne travaille pas dans ces centres la réflexion, l'intelligence. Pourtant, c'est la caractéristique la plus souvent évoquée dans les analyses de la domination sans partage de certaines équipes qui sont arrivées au sommet. Ces éducateurs défendent le projet de ce qu'on appelle la «double excellence» et mettent donc la scolarité au premier plan. En Tunisie et dans les différents centres de formation, privés ou dans les clubs, on ne sait pas encore comment développer l'intelligence de jeu d'un jeune joueur. Celle-ci se mesure au concept d'adaptation à des situations inédites. Dans le football, cela se traduit par une capacité de s'adapter à la tactique de l'adversaire en cours de match ou d'adapter son comportement en prenant compte de plusieurs facteurs à la fois (positionnement des coéquipiers, des adversaires, du ballon, météo...). Offrir une bonne formation aux jeunes footballeurs ne suffira sans doute pas tant qu'on ne sera pas en mesure de former des hommes avant des joueurs. Finalement, les centres se doivent surtout de préparer leurs jeunes à une éventualité que chacun redoute, mais qui est pourtant la plus probable: celle de ne pas réussir à devenir footballeur professionnel!...