Selon une étude réalisée par la société civile auprès de deux mille familles, un nombre important de parents d'élèves n'ont pas participé au dialogue national et aux consultations au sein des établissements éducatifs des zones urbaines et rurales Alors qu'ils représentent une composante importante du dialogue national sur la réforme du système éducatif, beaucoup de parents n'ont pas pris part au débat dans les établissements éducatifs des zones urbaines et rurales. Que pensent-ils de la grève observée par les enseignants l'année dernière, des décisions prises par le ministère de l'Education et du déroulement de la rentrée scolaire? Autant de questions qui ont été posées dans le cadre d'une l'étude qui a été réalisée conjointement par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, l'Observatoire national de la jeunesse et le Forum des sciences sociales appliquées et dont les résultats ont été présentés, hier, au cours d'une conférence de presse. Un sondage a été effectué auprès de 2000 familles réparties sur tout le territoire et qui ont été interrogées sur plusieurs thèmes liés à la scolarité de leurs enfants. Le travail sur le terrain a démarré en septembre dernier et s'est poursuivi pendant tout un mois. Afin que l'échantillon soit le plus représentatif possible de la population, les enquêteurs ont choisi des familles vivant dans des zones urbaines, dans des communes et des localités rurales. Choisis de façon arbitraire dans le cadre de cette enquête et questionnés sur le déroulement de la rentrée scolaire, 73,3% des parents ont estimé qu'elle s'est déroulée de façon tout à fait normale dans les établissements primaires. Par contre, 17,2% des personnes interrogées sur ce sujet jugent que les élèves qui ont été enregistrés après les délais d'inscription sont responsables de la perturbation de la rentrée dans certains établissements éducatifs où les cours ont démarré tard à cause des emplois du temps et de la répartition des élèves qui n'ont pas été préparés dans les temps, sans compter que plusieurs instituteurs et institutrices n'ont pas intégré leur poste après la rentrée scolaire. Les parents ont également été interrogés sur le déroulement de la rentrée scolaire dans les collèges et lycées. Les mêmes réponses que pour la rentrée dans les établissements primaires ont été avancées par ces mêmes parents. La majorité estime que la rentrée s'est déroulée cette année sans anicroche dans l'ensemble des collèges et lycées, à l'exception de quelques établissements éducatifs où l'absence de certains enseignants qui n'ont pas intégré leurs postes à cause de leur recrutement tardif a entraîné un report des cours. Peu intéressés Les parents sont-ils satisfaits du débat qui a eu lieu sur la réforme du système éducatif ? Ont-ils ou pas été associés au dialogue national sur cette réforme qui a démarré l'année dernière ? 72,4% des parents appartenant à l'échantillon et qui ont été interrogés déclarent ne pas du tout avoir pris part au débat sur la réforme du système éducatif. Ces derniers ont évoqué diverses raisons : 63,9% ont déclaré ne pas avoir du tout été informés de la possibilité de participer au débat national sur la réforme du système éducatif, alors que près de 20% des personnes interrogées ont affirmé qu'elles n'étaient pas intéressées par le débat sur le système éducatif. Les enquêteurs ont également collecté les avis des parents sur le conflit qui a opposé, l'année scolaire passée, le syndicat de l'enseignement de base au ministère de l'Education et sur la décision qui a été prise par le ministre de prélever sur les salaires les jours de grève des enseignants. A cette question, 80,3% des parents ont déclaré s'être vivement opposés, l'année dernière, à la grève des enseignants qui a beaucoup perturbé les élèves, notamment ceux des petites classes, alors que seulement 19% ont estimé qu'il est légitime que les enseignants fassent valoir leur droit de faire grève pour faire pression sur le ministère afin qu'il réponde à leurs revendications. 72% des parents ont, par ailleurs, approuvé la décision du ministère de prélever sur les salaires les journées de grève, alors que 28% ont jugé cette décision injustifiée, évoquant le droit légitime de toute personne de faire grève. Un des points sur lesquels ont été interrogés les parents concerne le passage automatique, mesure qui a été prise l'année dernière par le ministère pour tous les élèves du primaire. 78% des personnes questionnées ont affirmé s'être opposées à cette décision qui porte atteinte à la crédibilité du système éducatif et qui remet en cause le rendement des établissements éducatifs tunisiens. Par contre, 87% ont apprécié la décision du ministère de faire participer les parents et la société civile à la rénovation des écoles, des collèges et des lycées. Moins de deux dinars pour le goûter Combien dépensent les parents en fournitures scolaires, cours particuliers, goûter, activités extrascolaires....? C'est l'une des questions qui a été posée aux familles qui composent l'échantillon de l'enquête. Les fournitures scolaires se taillent la part du lion dans les frais consacrés à la scolarité des enfants, ont estimé la majorité des parents qui ont été interrogés sur ce sujet. 80% des parents qui ont un enfant inscrit soit au collège ou au lycée dépense plus de cent dinars en fournitures scolaires contre 56% des parents qui ont un enfant inscrit au primaire. Ces derniers doivent également rogner sur le budget pour payer les cours particuliers de leur enfant. 20% des parents interrogés et qui ont un enfant inscrit au secondaire consacrent plus de cent dinars par mois pour les cours particuliers contre 11% des parents qui ont un enfant inscrit au primaire. 35% dépensent entre 50 et 100 dinars contre 24%, tandis que 64% des parents qui ont un enfant inscrit dans une école dépensent moins de 50 dinars chaque mois pour les cours particuliers. Par contre, les parents ne dépensent pas beaucoup d'argent pour le goûter et les activités extrascolaires. Seulement 2% des personnes interrogées ont affirmé dépenser plus de cent dinars pour financer les activités extrascolaires de leurs enfants, alors que 79% consacrent moins de 50 dinars de leur budget à ce type d'activité. Donnent-ils assez d'argent à leurs enfants pour le goûter ou pour manger un casse-croûte à l'heure du repas? Il semblerait que non. Selon les résultats du sondage, 41% des parents donnent à leur enfant moins de deux dinars par jour pour s'acheter un casse-croûte. NEJI JALLOUL : «Les chiffres sur le décrochage scolaire font honte» Selon le ministre de l'Education, Néji Jalloul, la situation actuelle de l'école tunisienne pousse au désespoir et au pessimisme. «On s'approche, aujourd'hui, du cap d'un million de jeunes désespérés de leur vie», a-t-il dit, à l'ouverture d'un colloque national sur la lutte contre l'échec scolaire et l'abandon scolaire précoce qui se tient du 11 au 13 novembre à Tabarka. Les chiffres sur le décrochage scolaire, a-t-il encore dit, font honte dans un pays où l'enseignement est obligatoire, faisant savoir que 100 mille élèves, dont six mille du cycle primaire, ont abandonné cette année l'école. Il a souligné que la campagne «l'école renoue avec ses enfants» constitue une mesure concrète pour lutter contre l'échec scolaire, mettant l'accent sur la nécessité d'associer toutes les parties concernées à cet effort pour arrêter cette hémorragie qui coûte cher à l'Etat. Selon les chiffres fournis par le ministère de l'Education, 360 mille enfants âgés entre 6 et 18 ans ne sont pas scolarisés. 60% des élèves scolarisés abandonnent volontairement l'école contre 40% renvoyés suite à l'application de la loi. Le ministre a, en outre, dénoncé l'absentéisme des enseignants qui, a-t-il dit, constitue un phénomène inquiétant, faisant savoir que son département ne fera pas de recrutement avant le traitement du dossier des enseignants qui sont en état d'exercice mais, en fait, ne travaillent pas. Il a annoncé qu'un projet de loi sur la réouverture des écoles de formation des instituteurs sera publié prochainement, mettant l'accent sur la nécessité de recruter des instituteurs dotés de la compétence scientifique et morale et maîtrisant parfaitement la langue d'enseignement. Selon Jalloul, il ne peut y avoir de rendement des instituteurs sans l'amélioration de leur situation financière. Il est inadmissible, a-t-il dit, de voir celui qui œuvre à créer l'intelligence croupir au bas de l'échelle de la rémunération de la fonction publique.