Il y a de ces matches qui ne se gagnent pas par les plus forts, ni par les plus déterminés, mais par les plus avertis... Autant il est permis à l'Etoile de grandir, autant il lui est aujourd'hui nécessaire de ne pas ignorer les règles élémentaires de conduite dans la cour des grands. Le match de ce samedi contre Orlando Pirates, pour le compte de la finale aller de la coupe de la Confédération, peut être, et le sera certainement, différent de ce que l'équipe a pris l'habitude jusqu'ici de disputer aussi bien sur le plan technique que tactique. Un autre match, un autre monde. A sa façon de relever les défis, l'ESS se fait l'idée que chaque match est à lui seul un parcours, une vie. Il y a de ces matches qui ne se gagnent pas par les plus forts, ni par les plus déterminés, mais par les plus avertis. Echapper à l'absurde? Oui, mais par l'action. Par la présence. Par le savoir-faire sur le terrain. Dans cette épreuve, ce n'est pas le jeu qui fait les victoires, c'est plutôt l'usage que l'on en fait. Il y a ainsi des valeurs, conditionnées, qui marquent leur temps, donnent à leur époque des lettres de noblesse, orientent la gestion du groupe, favorisent les réussites, façonnent leurs interprétations. Et la piste pour y parvenir consiste à combiner des objectifs communs dans un système dans lequel le joueur évolue dans le registre qui lui convient le plus, en fonction de la nature de l'adversaire et des dispositions particulières de ses différents acteurs. Orlando Pirates est connu pour la tendance de plus en plus valorisée sur le terrain au jeu offensif. Plus encore : il a pris l'habitude de faire la différence grâce à la rapidité de ses attaquants. Sa victoire sur Al Ahly en Egypte sur le score sans appel de quatre buts à zéro pour le compte des demi-finales est très significative. Elle met en évidence le parcours d'une équipe qui puise sa raison d'être non seulement de buteurs spécifiques, mais aussi de tout un système offensif. L'organisation générale ressemble dans tous les cas de figure à une équipe d'attaque. Hostile à l'esprit conformiste, Benzarti a pris l'habitude d'oser tous les genres. Technique, physique, accélérations. Il brouille parfois les distinctions entre ce qui est demandé et ce qui est permis. Une conception « transgenre » au sens le plus actuel. On peut accepter comme on peut désapprouver ses méthodes et ses approches, mais il est le genre d'entraîneur qui laisse rarement indifférent. Il faut dire qu'il y a matière à discussion avec tout ce qu'il entreprend. Disciple ou adversaire, on lui accorde au final le mérite d'avoir intégré dans sa manière de travailler et de procéder, dans ses théories, une synthèse des acquis de toute une carrière. Mais si la vérité d'aujourd'hui se nourrit de l'erreur d'hier, l'Etoile et Benzarti sont aujourd'hui dans l'obligation d'éviter «les si j'avais su», «les si c'était à refaire», «les deuxièmes chances qu'on ne laisserait pas passer». On doit savoir que malheureusement, on ne revient jamais en arrière... L'approche suppose de ne pas en rester à la seule sphère du comportement ordinaire, mais de comprendre le sens de la mobilisation et de l'adhésion des joueurs au regard des contraintes et obligations de jeu dans un match pas comme les autres et qui se joue dans un contexte particulier. Le modèle Benzarti avait déjà réussi à accréditer l'idée selon laquelle les joueurs sont interchangeables, remplaçables sans que le rendement de l'équipe se trouve affecté. Il a remis la vocation de la plupart d'entre eux au centre des débats, prouvant qu'il avait une part capitale dans les performances de son équipe. Il aura ainsi remis un peu de grandeur au club. L'ESS jouera devant 70 mille spectateurs. Le fait est là. Elle sait être efficace, mais elle doit aussi savoir gagner. Lorsque le talent se double d'efficacité, la palette devient plus large et l'équipe est capable de dérouler un football multiforme, à géométrie variable. Quelque chose nous dit que le match de ce samedi dégagera une tout autre tonalité, comme une rude épreuve et que partout le jeu sera dans l'enjeu.