On ne sort pas indifférent de l'exposition que le photographe plasticien présente actuellement à El Teatro. La pertinence et l'originalité de la démarche, la cohérence esthétique convergent pour nous transporter, avec la photographie, dans une expérience dont l'intensité opère bien au-delà de la visite. Après un baccalauréat technique, deux ans de tronc commun en arts plastiques puis une orientation en communication audiovisuelle à l'école des Beaux-Arts de Nabeul et un mastère en photographie, Safouène Jalloul est aujourd'hui photographe, enseignant et chercheur et il est toujours convaincu que «l'art est une création-invention au niveau du mécanisme de la pensée et de l'imagination». Son travail est imprégné de pensées philosophiques et de réflexions poétiques. Un travail dont la technique repose sur la photographie et le photomontage. «L'art c'est mon moyen d'expression, un domaine de recherche, d'investigation. Il est adaptable. Il peut être là où on le place, dans toutes les situations», soutient notre artiste. Inventif à souhait, l'ensemble de ses œuvres laissent s'exprimer ses impulsions, dictées par sa sensibilité et son intelligence. Selon le cadrage choisi, il nous donne à voir des fragments de corps ou d'objets photographiés en une multitude de tons, parfois «badigeonnés» en différentes couleurs, réduits à des formes vives détachées d'un fond neutre, anonyme. La couleur des traits est là, sombre mais intense pour accentuer des impressions dénonçant des stéréotypes, défendant des libertés à commencer par la liberté de penser et de créer. La vie, les bruits, le silence, le mouvement, les formes des corps humains et des objets qui nous entourent, la lumière et l'obscurité, le tout constitue l'environnement nécessaire à l'artiste pour créer, pour émerveiller... Les formes et la fureur des traits nous entraînent dans des tourbillons infinis de mots et de maux. Elles nous interpellent et nous secouent... Parfois, de ces belles images, on sent une mélancolie irréductible, qui ne vient pas du traitement photographique en lui-même, net et lumineux, mais du fait que le photographe place l'homme dans l'immense espace qui l'entoure. Apparaissant minuscule et perdu dans le décor, il est la manifestation même de notre solitude. Car ce qui intéresse l'artiste est moins la mise en place d'une narration qu'un questionnement métaphysique sur la condition dérisoire de la vie humaine avec une mise en perspective de l'homme dans son rapport au monde. La forme, le trait et la matière est son moyen et son mode d'expression, ils sont tous au service d'une harmonie colorée, bien pensée. Celle-ci est parfois légère, translucide, énergique, puissante, profonde, diaphane, mais toujours poétique. Il faut seulement que le regard se laisse toucher et emporter par l'œuvre et dans l'œuvre. A découvrir jusqu'au 7 décembre prochain !