Il ne s'agit pas, uniquement, d'engager une réflexion sur le temps scolaire, les vacances, les activités périscolaires. L'attention doit, également, se concentrer sur les programmes Ce n'est pas la réforme du système éducatif dans son ensemble (primaire, préparatoire, secondaire et supérieur) qui va résoudre, d'un coup de baguette magique, tous les problèmes que connaît ce secteur. Ceux qui croient béatement à cette issue doivent se détromper et savoir raison garder. Certes, tous les efforts orientés vers une meilleure organisation ne pourront être vains. On peut, déjà, percevoir quelques sons de cloche différents qui ne sont pas d'accord sur les démarches adoptées jusqu'ici. Cela touche aussi bien l'enseignement de base et secondaire que le supérieur. Or, ce qui est plus important, ce n'est pas uniquement les grands axes à impulser à ces réformes. Bien sûr, envisager la question du temps scolaire, de la part du périscolaire, du rythme des vacances, etc., est logique. Toujours est-il qu'une autre approche plus fondamentale et décisive reste à prendre en compte. Et de la façon la plus énergique qui soit. Il s'agit des programmes d'enseignement et du contenu des apprentissages. C'est là que réside le nœud de tous les problèmes. Ceux qui auront à veiller sur l'élaboration de ce volet auront, vraiment, du pain sur la planche. Car tout doit être revu de fond en comble, puisqu'il sera question de passer au crible toutes les disciplines enseignées dont le nombre dépasse la vingtaine. Les priorités Des voix nombreuses se sont élevées pour signaler certaines insuffisances et défaillances au niveau de quelques matières considérées comme essentielles. Nous les citerons sans ordre de priorité. La philosophie, à titre d'exemple, a accusé un net recul depuis son arabisation. Aujourd'hui, les élèves éprouvent toutes les peines du monde à l'assimiler et à en réexploiter les ressources. Comme c'est une matière de réflexion profonde, elle exige que l'apprenant ait toutes les dispositions nécessaires pour interagir. Toutefois, la complexité qui se pose à lui est de diverses natures. Etant avant tout le produit d'un travail de traduction (généralement du français vers l'arabe), cette discipline nécessite des efforts multiples. L'élève est obligé d'apprendre, en classe, ce que le professeur lui inculque. Les références sont à chercher dans des ouvrages en langue étrangère et non en arabe. Les outils nécessaires pour enseigner cette matière n'abondent pas. D'où un travail supplémentaire de recherche et de documentation qui disperse les efforts et déconcentre l'éveil et le raisonnement. La terminologie utilisée n'est pas toujours capable de remplir sa mission qui consiste à appréhender de façon précise les notions philosophiques. Il est vrai, néanmoins, que les manuels scolaires de philosophie qui sont mis à l'usage des élèves se caractérisent par un contenu fort riche. Encore faut-il revenir aux sources et avoir le courage de repositionner la philosophie dans son véritabe environnement. Quant à la pensée islamique, elle coule de source. L'arabe est sa seule langue véhiculaire. Avec des auteurs et des philosophes connus universellement, elle n'a rien à envier à la philosophie occidentale. Avicenne, Averroès, Al Ghazali, etc., n'ont pas besoin de publicité. Les maths Il reste un autre point non moins essentiel qui touche à une matière scientifique de taille que sont les maths. On le sait, tous, cette matière est enseignée en arabe de la première année primaire jusqu'à la neuvième année. Mais en première année secondaire tous les élèves doivent remettre leur compteur à zéro et reprendre les études en français. Une année au moins sera perdue à installer les notions connues en français. Ce n'est que plus tard qu'ils pourront reprendre un rythme plus ou moins normal dans l'enseignement des mathématiques. Cette bizarrerie mérite qu'on s'y intéresse. Les commissions chargées d'élaborer des solutions aux différents problèmes qui se posent à notre système éducatif sont appelées à engager une réflexion poussée dans ce sens. Le constat est là : nos élèves sont très mal classés au niveau international. Ce n'est pas un hasard. A la vue de ces données nettement négatives, il est de notre devoir de trancher là aussi. Les matières littéraires Sur un autre plan, il ne faut pas négliger l'arabe et l'étude des textes. Jusque-là, une part relativement considérable a été consacrée aux auteurs orientaux. Aucun mal à cela. C'est notre environnement naturel, diraient quelques-uns. Aujourd'hui, il est question de faire la part belle à nos hommes de lettres, aux Tunisiens (morts et vivants). Depuis plusieurs années, on avait accordé la priorité à des noms de contemporains, à cheval entre la politique et la littérature, dont les plus connus sont Mzali, Messaâdi, Ben Slama, etc. D'autres noms, pourtant, méritaient un intérêt plus marqué. Il est temps, maintenant, de réparer les torts subis par nos auteurs. Et l'Histoire ? Que n'a-t-on pas dit de cette discipline? Mal aimée parce que reléguée au second plan, elle continue d'être un obstacle devant les élèves. Considérée comme une matière de moindre importance, les apprenants ne lui accordent pas l'intérêt qu'elle devrait mériter. C'est pourquoi il faudrait réfléchir à la manière de la remettre au goût du jour. Et d'abord, il faudrait commencer par l'histoire du Mouvement national. Les historiens ont toujours eu leur mot à dire sur ce pan de notre Histoire et du rôle des personnalités tunisiennes qui ont marqué cette période. Tout le monde revendique une nouvelle réécriture de cette période cruciale de notre histoire pour apporter le maximum de vérités à notre jeunesse et parvenir à former des générations fières de leur passé. Par ailleurs, certains historiens insistent sur la nécessité de revoir et de relire l'histoire ancienne et notamment l'installation des Arabes et de l'Islam en Tunisie. Bien des points sont à reprendre dans la façon d'aborder ces sujets. Affirmer notre identité face aux autres ne peut que renforcer notre appartenance à cette terre qui est passée par plusieurs brassages de civilisations mais qui a toujours pu assimiler les différences. C'est là, du moins, un certain nombre de volets sur lesquels une réflexion doit s'engager. L'enjeu est important, car il s'agit, ni plus ni moins, de former une identité enracinée dans l'histoire et des jeunes aux profils adaptés aux exigences actuelles et futures.