La guigne a encore frappé Carthage. Très peu de gens ont consenti le déplacement, avant-hier, pour découvrir Al wassla, le spectacle concocté par Oussama Farhat qui le définit comme «un voyage dans l'univers de la musique et de la poésie arabes et plus particulièrement celles tunisiennes». Pour l'objet de ce travail, Oussama Farhat a fait appel à des voix tunisiennes, celles de Slim Damak, Naceur Samoud, Héla Melki, Lobna Noôman et Nawel Ben Salah, en plus du poète Seghaïer Ouled Ahmed. D'autres artistes, tunisiens et arabes, dont certains disparus, ont été présents à travers leurs œuvres auxquelles le spectacle rend hommage. Parmi ces figures, on peut citer, entre autres, Mahmoud Darwish, Abdelhalim Hafedh, Cheïkh Imam, Marcel Khalifa, Samir Ayadi... Sur un écran géant, un diaporama de leurs photos, en plus des célèbres caricatures du Palestinien Naji Al-Ali, ont accompagné les chansons et les lectures de poèmes. La mise en scène d'Al wassla était conçue comme une émission radio avec toutes ses composantes. Une animatrice (rôle assuré par Jamila Chihi) se trouve dans un mini-studio intallé à côté des musiciens pour assurer la transmission en direct. A côté d'elle, l'invité, Seghaïer Ouled Ahmed. Les chansons de la troupe de Oussama Farhat font, comme le nom du spectacle l'indique, al wassla (intermède) entre les différentes parties de l'émission transmise sur les ondes de la radio Houna Tounes (Ici Tunis). Al wassla a permis d'ériger un pont entre le présent et le passé, représentés par les artistes auxquels on rendait hommage, mais aussi entre les générations, puisqu'on a vu défiler sur scène autant de jeunes chanteurs que de noms confirmés. Après 45 minutes de retard, le concert a démarré à 23 heures 15 au lieu de 22 heures 30. Héla Melki a ouvert le bal, par «kolli sabah al khayr (Dis-moi bonjour). Elle a également interprété hadhihi laylati d'Oum Kalthoum et Hikayat, d'après un poème de Samir Ayadi. Lobna Noomen et Nawel Ben Salah ont repris les chansons de Marcel Khalifa, également présent à travers un extrait d'une interview qu'il avait accordée à Hbib Jgham, et de Cheïkh Imam, entre autres Rita et el bahr b'yedhak leih et Naceur Samoud a chanté âbirouki et la talomni. Les véritables bons moments de la soirée ont été livrés par Slim Damak qui a merveilleusement interprété Rissala taht el mà et habibaha deux titres phares de l'inoubliable Abdelhalim Hafedh, en plus de hissarouka de Hatem Guizani. Seghaïer Ouled Ahmed a retenu l'attention autant par la lecture de ses poèmes Ilahi et Aôudou ila chiïr que par celle des textes-hommage à Mahmoud Darwish, Al Moutanabbi, Abul Kacem Chebbi ou encore Mnawer Smadah dont il a dit: «J'aime tellement sa poésie que j'ai appelé ma fille Kalimat, titre de l'un de ses poèmes les plus connus». Oussama Farhat a interprété un duo avec Nawel Ben Salah, avant de clôre Al wassla par Montassiba'l kamati amchi de Marcel Khalifa, chantée par la chorale et l'ensemble des artistes qui semblaient satisfaits malgré la rareté du public. De quoi s'interroger si, en fin de compte, un tel spectacle est destiné au public ou à faire plaisir à ses concepteurs? Qu'aura-t-on retenu de cette Wassla? Qu'a-t-elle exhorté de nouveau ou de marquant? Faut-il toujours se contenter de proposer des reprises, encore et toujours? Quand le meilleur a été déjà proposé par les maîtres d'œuvres, à quoi cela sert-il de le leur rendre, en moindre qualité ? Le public n'a-t-il pas raison de tourner le dos à ces «contre-façons»? Quand le meilleur a été déjà fait, pourquoi se contenter du moins bien? Sans aller jusqu'à dire que les absents avaient raison, nous pourvons affirmer que Al wassla a laissé sur leur faim les puristes, amateurs de création.