Les champions d'Afrique n'ont certes pas reproduit leur jeu habituel, mais leur force mentale a fait le nécessaire. Les fins connaisseurs en football ont toujours affirmé qu'une finale se gagne et ne se joue pas. Une conception qui s'est clairement vérifiée lors de la finale retour de la coupe de la CAF, où les protégés de Benzarti ont été plutôt « pragmatiques », dans leur gestion de la rencontre de dimanche 29 novembre, qui restera dans les annales du club mais aussi du football tunisien en général en rapport avec le contexte global pesant du match; où les coéquipiers de Balbouli ont redonné un brin d'allégresse aux Tunisiens après l'attentat exécrable qui a touché de braves agents de notre garde présidentielle. D'ailleurs, joueurs, dirigeants et staff technique ont beaucoup insisté sur la teneur nationaliste de cet évènement et ce sacre, « au-delà de la victoire, c'est surtout le fait que nous avons permis au peuple Tunisien de retrouver sa joie de vivre après les évènements accablants de ces derniers temps », a insisté Faouzi Benzarti. Pour revenir au volet foncièrement footballistique,il était clair que le dispositif mis en place par le staff technique étoilé ne permettait guère de « faire des folies», bien au contraire; on s'est contenté de gérer les débats avec plus de pondération et de calculs en fonction des différentes séquences de la rencontre et en tenant compte également de la capacité des coéquipiers d'Erasmus — totalement méconnaissable — à créer le danger par leurs accélérations et leur explosivité technique. On ose carrément affirmer que le jeu des Etoilés était raisonnablement « dénaturé», surtout en seconde période. Il faut reconnaître que les camarades de Boughattas ont subi dimanche après-midi une pression pluridimensionnelle énorme : ne pas rater le sacre après un parcours époustouflant devant un public imposant, mais aussi ne pas rater ce rendez-vous avec l'histoire pour redonner de la joie à tout un peuple (d'ailleurs, on a beaucoup évoqué cette teneur nationaliste tout au long de la préparation de l'équipe pour cet important évènement). En effet, les qualités techniques des protégés de Tinkler et leur capacité à créer l'effet de surprise quand ils évoluent à l'extérieur ont poussé Faouzi Benzarti à limiter inhabituellement ses propensions offensives. L'incorporation de Aymen Trabelsi sur le flanc gauche de la défense en remplacement de Ghazi Abderrazak, suspendu — un poste totalement insolite pour le joueur — est grandement révélatrice de ce changement d'optique chez le coach de l'Etoile. « Nous avons opté pour Trabelsi afin de juguler les montées de Matlaba et Motoba », a affirmé Ridha Jeddi. D'ailleurs, le brave Trabelsi, qui a parfaitement rempli sa mission, n'a presque pas fait de montées en phase offensive de son équipe et s'est contenté de défendre sa zone et d'assurer remarquablement la couverture de ses coéquipiers. Du coup, on l'a rarement vu dépasser la ligne médiane. Au point d'avoir l'impression que l'ESS évoluait avec une seule aile (droite). Et ce n'est pas par hasard que la part majoritaire des manœuvres offensives de l'Etoile ait eu lieu sur le couloir droit où Naguez comme d'habitude a tiré son épingle du jeu par ses appels de balles et ses chevauchées lui permettant de prendre le dessus sur ses adversaires directs et créer ainsi le surnombre en phase offensive. «Un après-Bounedjeh » compliqué à gérer Cette tendance « exceptionnellement » prudente s'est accentuée après la sortie de Bounedjeh pour blessure et l'ouverture du score. Tout le monde sait que le timonier algérien est un pilier incontournable dans le dispositif de l'Etoile, avec son sens du but et sa capacité à débloquer les situations difficiles et à libérer ses coéquipiers. Et pourtant : son successeur, le Brésilien Diogo Acosta, a été précieux par son jeu en déviation et sa mobilité; il sera d'un grand apport quand il se débarrassera de l'ombre de Bounedjeh. D'ailleurs, Faouzi Benzarti n'a pas caché l'effet négatif de la sortie de Bounedjeh sur la prestation de son équipe : «Je dois avouer que la blessure de Bounedjeh nous a perturbés. Nous savions que l'adversaire allait se ruer vers l'attaque en seconde période, c'est la raison pour laquelle nous avons minutieusement travaillé notre organisation défensive pour cette rencontre et ce genre de situation, où nous avons fermé les espaces devant les attaquants sud-africains qui n'ont pas pu développer leur jeu habituel ». D'ailleurs,on a rarement vu les Etoilés retranchés dans leur derniers 30 mètres, où on défendait par tous les moyens et on repoussait le ballon sur tous les coins du terrain. De plus,on sentait les coéquipiers de l'immense Balbouli, qui a été incontestablement l'homme du match, particulièrement tendus au fur et à mesure que le temps avançait, tellement les enjeux pesaient sur les épaules des joueurs, qui ne voulaient pas décevoir les attentes de leur public et de toute la Tunisie. Le point culminant de cette tension extrêmement pesante a eu lieu à la 82' où on a assisté à une légère altercation entre Jemal et Msakni suite à un ballon perdu. Une séquence grandement révélatrice du stress accru qui rongeait les joueurs dans ces moments. Un immense Balbouli Le capitaine de l'Etoile est en passe de faire partie du gotha des plus grandes figures emblématiques de l'histoire du club sahélien. Encore une fois,il a été décisif dimanche dernier — bien qu'il ne soit pas totalement rétabli de sa blessure — grâce à ses parades notamment aux 85'et 90', redonnant ainsi confiance à ses coéquipiers qui étaient par moments malmenés sur le double plan physique et mental, sans oublier sa communication permanente avec ces derniers tout au long du match pour les booster ou les remettre en place. Un grand bravo ! Au final, les Etoilés ont été logiquement et méritoirement récompensés suite à leur parcours exceptionnel dans cette coupe de la CAF en éliminant les plus grands ténors du continent africain, en offrant de surcroît — cerise sur le gâteau — un fort message de patriotisme. Chapeau bas, messieurs !