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Querelles interdites et Verbe divin
L'écritoire philosophique
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 12 - 2015


Par Raouf SEDDIK
Lorsque l'empire romain adopte le christianisme comme religion officielle sous Constantin le Grand, l'espoir est de redonner à ce vaste domaine euro-méditerranéen une unité religieuse que l'ancien paganisme, à bout de souffle et malade de son syncrétisme, ne parvient plus à assurer. La campagne de persécution sous Dioclétien et Galère, la dernière d'une longue série, n'est toujours pas venue à bout de cette nouvelle religion issue du judaïsme, et dont les adeptes refusent de faire allégeance à l'empire et à ses symboles. Face à cette résistance surprenante, l'idée - folle quand on y pense - est de faire basculer tout l'empire dans son giron. Dans la foi en «un seul Dieu, créateur de toutes choses, mais aussi dans un seul Seigneur, Jésus-Christ, fils unique de Dieu», selon les termes utilisés par la «profession de foi»... Or, déjà, des petits problèmes sont apparus dans la définition de ce dogme... Des querelles théologiques auxquelles Constantin veille à mettre un terme en exigeant une rencontre entre les parties en conflit. Le 20 mai 325 a lieu le premier Concile de Nicée, du nom d'une ville située dans l'actuelle Turquie (Iznik). Le problème principal à régler concerne la relation entre le Père et le Fils. Pour les partisans de l'arianisme, s'il y a bien «consubstantialité», identité de nature entre le Père et le Fils, la divinité des deux n'est pas du même ordre, ou de même niveau...
Malgré les efforts de Constantin, il n'y aura pas accord. En revanche, il y aura désormais une Eglise capable de bénéficier du soutien de l'Etat face à des dissidences qui sont qualifiées d'hérétiques et qui s'exposent, en quelque sorte, aux mêmes traitements que ceux auxquels se trouvaient exposés les Chrétiens du temps du paganisme.
Globalement, la rançon de ce mariage entre l'empire romain et le christianisme, ce sera justement des discussions sans fin sur le sens de la Trinité, au sujet de laquelle saint Augustin écrira un texte qui demeure aujourd'hui encore de référence (De Trinitate). L'évêque d'Hippone (Annaba, Algérie) ne sera d'ailleurs pas la seule figure éminente de «l'Afrique chrétienne» qui marquera ce débat. Peu de temps avant la naissance de l'islam, à l'époque où la Tunisie est sous domination byzantine (après l'intermède vandale), une autre querelle va faire son apparition : le monothélisme. Et, cette fois, le camp des évêques catholiques va se démarquer de la position - de compromis - du pouvoir de Constantinople et va engager avec lui un bras de fer. C'est principalement depuis Carthage et à travers le personnage de Maxime le Confesseur que ce combat sera mené... Les historiens ont disserté à loisir sur les conséquences de cette dissension interne en termes d'affaiblissement de l'empire byzantin face à l'émergence de l'armée musulmane. L'empire des «Roums», comme est appelé l'empire byzantin dans le texte coranique, découvrait donc qu'il ne disposait pas de l'autorité absolue quand il s'agissait des questions théologiques...
L'arrivée de l'islam représente, dans la relation entre la théologie monothéiste et le pouvoir politique, une rupture profonde. Mais avec des points de ressemblance qui n'ont pas toujours été remarqués. La rupture réside essentiellement dans la suppression de l'idée de Trinité. Ce qui, à première vue, laisse penser que l'empire musulman va être épargné par les querelles théologiques qui ont tellement divisé l'empire romain, dans sa double version, latine et byzantine. Autre point de rupture : le pouvoir politique ne récupère pas une religion à partir d'une tradition qui lui est étrangère et qui va éventuellement réaffirmer contre lui l'autorité de son ancien héritage, face à ses prétentions à la régenter. Il y a au contraire naissance commune entre le projet politique et la révolution religieuse : ils sont frères jumeaux en quelque sorte, ils s'appartiennent mutuellement. Pas de risque, donc, d'un divorce, d'un choc des héritages à l'intérieur du couple. Le socle commun de ce double avènement, de cette naissance commune, c'est ce qu'on pourrait appeler une «alchimie linguistique» au sein de la langue arabe : une alchimie qui s'inscrit dans le prolongement de la révolution poétique qui a marqué la vie culturelle dans la péninsule arabique au cours de la période qui précède de peu le moment de la «Révélation». La Révélation est une manifestation de cette alchimie. Elle en est le point d'incandescence éthique. Elle consacre, à travers cette généalogie, une caractéristique essentielle de l'islam, qui est aussi une tension interne : sa vocation à l'universalité et son ancrage dans une langue particulière.
Cet aspect, qui va constituer assurément le secret de la force de l'islam dans son premier épanouissement, va se révéler aussi, mais plus tard, le lieu d'une certaine fragilité. Et l'occasion aussi de retomber dans des querelles qui ne sont pas sans une certaine ressemblance avec celles auxquelles se sont livrés les théologiens chrétiens. Tout commence lorsque, avec l'arrivée du pouvoir abbasside, les nouveaux gouvenants ont l'idée d'introduire une certaine désacralisation du Texte. Les théologiens mutazilites, à leur solde, développent la thèse du Coran créé. Ce qui, pour ainsi dire, en ferait une sorte de Constitution d'origine divine - d'origine et non pas d'essence -, et se prêtant à des amendements et des ajustements en fonction des exigences de l'époque. La réponse, qui va venir essentiellement de l'imam Ahmed Ibn Hanbal, va consister au contraire à mettre l'accent sur l'ancrage du texte révélé dans sa mouture originelle et à affirmer avec force l'entre-appartenance de la révélation divine et de la version arabe dans laquelle elle se déclare aux hommes. C'est la thèse du Coran incréé, qui sera adoptée ensuite par la théologie ash'arite et entérinée quelques années plus tard par le pouvoir abbasside... Or, sur le plan strictement théologique, les mutazilites avaient soulevé quelques difficultés : ils avaient reproché à leurs adversaires d'avoir commis l'erreur qui était reprochée aux Chrétiens, à savoir le non-respect du principe d'unicité. La divinisation du texte faisait, de leur point de vue, pendant à la divinisation de Jésus. D'autre part, l'idée que Dieu aurait parlé dans le moule d'une langue humaine leur faisait dire qu'il y avait malentendu: que seul pouvait être dit incréé, non pas le livre, mais la «matrice du livre» (Oumm el Kitab). Ce qui renvoyait, par-delà tout anthropomorphisme, à une langue qui précède les langues particulières parlées par les créatures que sont les hommes.
Le débat au sujet de ces questions a tourné court. Il a été étouffé de façon autoritaire : il n'était pas question, pour les tenants de l'ordre établi, qu'il entraîne le monde musulman dans les mêmes querelles théologiques que celles qu'avaient connues le christianisme. Bien sûr, cette attitude autoritaire n'a pas empêché que d'autres querelles surgissent, que d'autres dissensions apparaissent. Mais des dissensions infiniment moins fécondes que celles qu'auraient pu être celles qui se rapportent au statut du Livre et de sa relation à la parole divine. D'autant que ce thème aurait ouvert des perspectives intéressantes en direction de la façon dont le christianisme lui-même abordait la question du Verbe divin, avec sa notion de Verbe intérieur et de Verbe créateur... Ce sont ces chemins, où théologie et philosophie se tiennent la main, qui sont des expériences exaltantes de l'esprit et de la pensée : est-il trop tard pour les retrouver ?


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