Et s'il était cyberactiviste ? Qui est cet informateur cybernétique logé incognito dans la Toile et qui sait tout des attentats terroristes avant leur concrétisation : la date, le lieu et les commanditaires ? Il dit tout à celui qui veut bien l'entendre, ou plutôt le lire sur sa page officielle. L'énigme reste totale. Il s'est donné pour pseudonyme Al Mared Al Jazairi. Mais est-il vraiment algérien ? Pour disposer d'autant de renseignements exacts et précis sur les attentats avant leur exécution et sur les réseaux terroristes, les aurait-il infiltrés ? Serait-il lui-même l'un d'eux ? Cherche-t-il à nuire aux réseaux terroristes en dévoilant leurs projets ou est-il au contraire chargé par eux de leur faire de la propagande avant l'exécution de leurs plans ? Attentats : mode d'emploi avant exécution Il est communément admis que les organisations terroristes revendiquent ouvertement leurs attentats après qu'ils ont eu lieu et ne se cachent derrière aucun paravent ou prête-nom. Le site d'Al Mared fait la même chose mais avec anticipation. Il a annoncé et relaté dans les détails des attentats terroristes quelques jours avant qu'ils aient lieu. D'autres attentats qu'il a annoncés n'ont pas eu lieu ou ont été déjoués, comme c'est le cas de l'attaque kamikaze déjouée in extremis à l'avenue Habib-Bourguiba. L'administrateur de la page Facebook d'Al Mared se défend d'être un terroriste jihadiste manipulateur et prétend être un citoyen engagé pour la sécurité des pays menacés par le terrorisme jihadiste. Une sorte de justicier solitaire. Mais d'où détient-il tous ces renseignements ? Selon des sources informées qui relayent les déclarations du ministre de l'Intérieur, Najem Gharsalli, Al Mared en question résiderait à l'étranger, comme un bon nombre de cyberterroristes qui recrutent des milliers de jeunes pour le jihad à travers Internet. On ne pourra rien savoir de plus dans nos murs. Les sources sécuritaires préfèrent ne pas dévoiler les cartes qu'ils détiennent entre leurs mains, ce qui est tout à fait compréhensible. Mais, du côté des médias, toutes proportions gardées, les choses avancent à bon train dans la transparence. Et c'est un reportage d'Envoyé Spécial diffusé sur France 2 jeudi dernier, 4 décembre, qui (nous) mettra la puce à l'oreille et indiquera une piste pour trouver d'éventuelles réponses aux précédentes questions. Même si d'autres pistes et explications demeurent possibles, celle-ci est très convaincante. Contacts très sécurisés sur le Net Consacré aux filières jihadistes, le reportage a mis à nu la grande capacité des réseaux terroristes à communiquer entre eux par le biais des TIC et surtout à user de subterfuges numériques pour ne pas être repérés et pour ne pas laisser de traces sur la Toile. Outre le fait qu'ils soient capables de créer leurs propres logiciels, les terroristes savent déceler les applications numériques les plus sophistiquées et les plus sécurisées pour établir les contacts entre eux et diffuser leurs ordres, sous forme de messages codés, à leur armée d'exécutants internautes éparpillés à travers le monde. Le clou du reportage est, cependant, le portrait d'un cyberactiviste qui traque les terroristes sur Internet, intercepte leurs conversations et recueille une multitude d'informations sur leurs projets et sur eux. Une démonstration a été faite pour le journaliste qui l'a interviewé et à qui il a affirmé avoir entendu un des chefs terroristes parler de Houssem Abdelli , le kamikaze de l'avenue Mohamed-V, et le féliciter d'avoir rejoint le paradis. Un autre enregistrement reproduisait la dernière conversation entre un futur kamikaze et ses commandants avant de perpétrer un attentat. Le kamikaze pourrait être H. Abdelli. Serait-il Al Mared Al Jazairi qu'on a vu témoigner anonymement et à visage couvert devant la caméra d'Envoyé Spécial ? Ou un de ses « collègues » engagé dans la lutte cybernétique contre l'hydre internationale terroriste ? Difficile d'affirmer ou d'infirmer: Al Mared ne répond à aucune invitation sur Facebook. Celui-ci a toutefois notifié dimanche dernier dans un post sur sa page Facebook qu'il se préparait à venir en Tunisie et qu'il aurait le plaisir de se faire un selfie devant le ministère de l'Intérieur. Le post en question, entamé par l'hymne national tunisien et mentionnant «retour à la patrie», ne laisse, apparemment, aucun doute sur la nationalité d'Al Mared. Ce dernier n'a pas manqué encore une fois de faire des révélations fracassantes promettant que sa visite en Tunisie est destinée à déstabiliser les partis politiques qui soutiennent le terrorisme. Cyber-chasseurs de terroristes Il est connu de tous que les organisations terroristes comptent des armées de cyberterroristes très actifs sur Internet, surtout sur les réseaux sociaux. Ce qui signifie que la guerre contre le terrorisme doit aussi être menée sur Internet en traquant ces cybercriminels. Bien sûr, la vigilance reste de rigueur et le doute est permis, mais il serait utile de tenir compte des informations diffusées par les cyberactivistes, comme Al Mared Al Jazairi ? Plus encore : les services de renseignements sont appelés à devenir eux aussi de redoutables cyber-chasseurs de terroristes sur la Toile. Autre interrogation : si les cyberactivistes sont réellement engagés dans une traque cybernétique des terroristes — ce qui est très important — qu'est-ce qui les empêche de «travailler» avec les services de renseignements ? Aux dernières nouvelles, et à la suite de la diffusion du reportage sus-indiqué, le Parquet de Tunis et le Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme auraient réagi suite à la diffusion du reportage. Le contenu de l'émission a été enregistré pour servir de piste aux juges d'instruction chargés des affaires terroristes.