Plusieurs spécialistes en économie et en finances reprochent au pouvoir exécutif d'avoir élaboré un projet de code d'investissement aussi vide et aussi préjudiciable pour le pays, au lieu de procéder, au préalable, à une étude approfondie sur le rendement des avantages fiscaux et financiers, octroyés dans le cadre du Code d'incitation aux investissements, qui ont coûté aux contribuables quelques dizaines de milliards de dinars. D'ailleurs, certaines structures d'appui ne voient pas, non plus, l'utilité de l'élaboration d'un nouveau code, et estiment qu'il faudrait se contenter de réformer l'ancien. Ils estiment que l'élaboration de ce projet a été prévue dans le cadre d'un don empoisonné visant principalement la préparation d'un projet de loi sur le Partenariat public-privé (PPP) afin de permettre à certains investisseurs étrangers de mettre la main sur des secteurs stratégiques. Et le cas du sel tunisien, qui faisait l'objet de pillage depuis 1826 et qui peut rapporter à la Tunisie quelques milliards d'euros par an, en est la parfaite illustration, selon eux. Il est de même pour le gaz et le pétrole qui continuent à être pillés par les sociétés étrangères comme il a été prouvé dans le cadre du rapport publié en décembre 2012 par la Cour des comptes. De surcroît, et en dépit de tous ces avantages dont elles jouissent, nos spécialistes estiment que ces entreprises ne contribuent pas à résoudre le problème du chômage comme on le prétend. Cependant, certaines de ces affirmations sont contestées par les autorités incriminées. Importation du chômage A cause du code d'incitation aux investissements, la Tunisie est classée par la Cellule de traitement des informations financières en Belgique comme étant une plateforme de blanchiment et d'escroquerie internationale. Ce trafic illicite est connu sous l'appellation « Escroquerie Sidi Salem » qui trouve son origine dans l'objet principal de cette escroquerie : la vente de vin par des individus basés en Tunisie, et dont les mécanismes s'étendent à d'autres objets. Ainsi, les investisseurs européens évitent la Tunisie pour ne pas être sous la loupe des administrations fiscales et des organismes internationaux de lutte contre le blanchiment et le crime organisé. Pour les spécialistes, les confectionneurs des textes législatifs et réglementaires ont ignoré le phénomène d'importation du chômage qui a été développé par le Code d'incitation aux investissements, dont les articles 3 et 16 n'ont pas tenu compte du nombre très important d'activités non réglementées, étant donné qu'elles sont exercées librement par les étrangers avant la négociation et la libéralisation des activités de services. Le Directeur général de l'APII, M Samir Bachoual, tient à préciser qu'il existe une exception à ce niveau, à savoir l'exercice de l'activité du bureau d'études par des investisseurs étrangers qui peuvent donc installer leurs antennes en Tunisie. Par contre, ils n'ont pas le droit d'exercer les autres activités, telles que celle de conseiller fiscal, qui sont soumises à l'autorisation du ministère des Finances. D'autre part, le projet du code va aggraver, selon eux, le phénomène d'importation du chômage, vu qu'il a permis aux investisseurs de recruter un personnel d'encadrement de nationalité étrangère dans la limite de 20 %, et ce, jusqu'à la fin de la deuxième année d'entrée effective en activité. Ce taux est ramené à 10 % à partir de la troisième année. Dans tous les cas, l'investisseur a le droit de recruter au moins quatre agents d'encadrement de nationalité étrangère. Cette disposition est considérée, par les spécialistes, comme un crime à l'encontre des chômeurs et des compétences tunisiennes et une méconnaissance des dispositions de l'article 258 du code du travail qui doit être, obligatoirement, appliqué dans tous les cas de figure. Plusieurs salariés étrangers ont été métamorphosés en de faux indépendants, par leurs employeurs étrangers et tunisiens qui leur ont créé des sociétés unipersonnelles totalement exportatrices pour échapper au paiement de l'impôt sur les salaires. Ainsi, ces entreprises peuvent employer des étrangers sans limite. Changement d'activités En outre, ce projet de code va aider, comme le code actuel, des étrangers à s'implanter chez nous et à violer les lois internes. En effet, d'après nos spécialistes, ces étrangers déposent des déclarations d'investissement auprès de l'Agence de promotion de l'industrie et de l'innovation (APII) sous les titres « audit économique, juridique, social, technique... », ou « centres spécialisés dans les études, la gestion et l'assistance aux investisseurs » ou «bureaux de conseils à la création des entreprises » ou « études et conseils » et exercent ensuite les professions d'avocat, de conseil fiscal, de comptable et autres ainsi que des activités commerciales en violation du décret-loi n° 61-14 relatif aux conditions d'exercice de certaines activités commerciales par les étrangers. Actuellement, plusieurs d'entre eux ont déposé de fausses déclarations auprès de l'APII pour exercer ensuite des activités liées au transport terrestre, maritime et aérien soumises à agrément, et ce, en toute impunité, ce qui participe à immuniser les fraudeurs. Pour le Directeur général de cette Institution nationale, ces dépassements sont dus au système déclaratif, qui a supplanté celui d'agrément qui était en vigueur dans les années 80, ce qui empêche cette dernière d'avoir un droit de regard sur les activités de ces investisseurs étrangers. L'absence de tout moyen de contrôle de l'APII se conçoit aisément, lorsqu'on sait qu'elle n'intervient qu'au moment de l'instruction du dossier pour vérifier la conformité à la liste annexée au code. Ceci fait dire à notre responsable que toute fraude n'engage que la responsabilité civile de son auteur. Nonobstant, il en est tout autrement pour les activités industrielles que l'APII peut contrôler, par le biais du droit de retrait de l'autorisation et l'obligation de rembourser les avantages acquis, en cas de changement d'activité ou bien de zone industrielle d'implantation. A ce propos, M Samir Bachoual nous fait savoir que 32 propositions de retrait ont été déposées auprès du ministère des Finances, depuis le début de l'année en cours. Et on attend qu'elles soient transformées en décisions dont l'application est confiée aux receveurs régionaux qui en avisent l'APII. Il est à souligner que les mesures sus-indiquées, prises par celle-ci, faisaient défaut auparavant. Et c'est bien le Code qui en assume la responsabilité, d'après notre interlocuteur. Des sociétés fictives Nos spécialistes nous révèlent qu'un bon nombre de blanchisseurs d'argent et de fraudeurs fiscaux ont créé des sociétés totalement exportatrices n'ayant aucune activité en Tunisie, sauf la vente de fausses factures fictives pour blanchir de l'argent sale ou faciliter la fraude fiscale. Ces sociétés qui n'ont aucune existence matérielle en Tunisie sont généralement domiciliées chez des centres d'affaires privés exerçant illégalement, à leur tour, les activités d'avocat, de conseil fiscal, de comptable, d'agent immobilier, d'agent de publicité, de commissionnaire en douane et autres. Plusieurs personnes étrangères ont créé des sociétés de commerce international non résidentes totalement exportatrices qui n'exportent rien, sachant que la loi n° 94-42 régissant ce type de sociétés a été adoptée afin de promouvoir l'exportation de produits d'origine tunisienne. D'autres étrangers s'adressent à certains bureaux de comptabilité ou de conseil juridique pour leur déposer de fausses déclarations d'investissement auprès de l'APII afin de créer des sociétés leur permettant d'avoir la résidence en Tunisie et échapper ainsi aux sanctions pénales dans leurs pays d'origine. D'ailleurs, certains parmi ces escrocs étrangers, comme les qualifient nos spécialistes, déjà installés chez nous, ne font pas mieux, puisqu'ils importent de la ferraille pour l'inscrire dans le cadre de projets situés dans des zones de développement régional, après l'avoir évaluée par des agents corrompus à des montants colossaux, pour obtenir les primes d'investissement prévues par le Code d'incitation aux investissements. A ce titre, ce dernier n'a pas interdit l'octroi de primes d'investissement en cas d'importation de matériel d'occasion. Il n'a pas non plus prévu un dispositif de contrôle des avantages financiers similaire au moins à celui prévu en matière d'avantages fiscaux. De même, il n'a pas prévu de sanctions pénales à l'encontre de ceux qui procèdent au détournement des avantages fiscaux et financiers. D'ailleurs, on a refusé de combler cette insuffisance de taille au niveau de l'article 101 du code des droits et procédures fiscaux, pour combattre la fraude fiscale qui occasionne des dégâts pour le Trésor public qui se chiffre annuellement à quelques milliards de dinars. Le projet du code a marginalisé la question des entreprises qui importent des matières premières en suspension des droits et taxes dans le cadre d'un marché à l'exportation, pour les commercialiser ensuite sur le marché local, sans payer les taxes suspendues. Donc, les avantages fiscaux et financiers sont octroyés à des parties qui, au regard de la loi, ne doivent pas en bénéficier. Ces avantages ne doivent être octroyés qu'à ceux qui exportent des produits d'origine tunisienne. Ce qui est encore grave, c'est que ce projet de code a marginalisé la question de la subordination de l'octroi des avantages fiscaux et financiers à la création d'emplois et au transfert technologique, comme c'est le cas actuellement en Inde et dans les pays de l'Amérique latine, par exemple. Concernant la première condition, le directeur général de l'APII précise que près de 1.800 unités manufacturières étrangères, installées en Tunisie, emploient 3.000 ouvriers, et qu'elles représentent 50% de l'industrie manufacturière du pays, dont 90% sont européennes. Nos spécialistes sont persuadés que la Tunisie n'a pas besoin d'un tel projet si vide et si scandaleux, mais d'une étude approfondie sur le rendement des avantages fiscaux et financiers ainsi que sur le volume de l'argent public gaspillé aveuglément, comme il a été confirmé dans le dernier rapport de la Cour des comptes, suite à l'accomplissement d'une mission de contrôle au sein de l'APII portant sur les avantages financiers.