Le nouveau parti créé par Moncef Marzouki est-il voué à l'échec ou peut-il reconfigurer le paysage politique national, à la faveur de la crise qui a fait éclater Nida Tounès en deux partis distincts ? Des acteurs du paysage politique et civil livrent à La Presse leurs lectures Maintenant que Moncef Marzouki, l'ancien président de la République, a annoncé la naissance officielle de son parti appelé «Harak Tounès Al irada» qu'on peut traduire par «Dynamique Tunisie-volonté», fusent les questions suivantes : le nouveau parti peut-il changer la configuration actuelle du paysage politique national, surtout que la division au sein de Nida Tounès est consommée officiellement ? «Harak Tounès Al Irada» est-il susceptible d'occuper la place qui revient logiquement à la grande famille de la social-démocratie dont les partis représentatifs peinent toujours à se rassembler en un front ou en un grand parti qui grouperait Ettakatol, Al Joumhouri et l'Alliance démocratique, les grands perdants des élections législatives du 26 octobre 2014 ? Des visages qui se distinguent par leurs échecs répétés Pour Mohamed Goumani, ancien président du parti «Al Islah wa attanmia», autodissous il y a quelques mois et qui se présente aujourd'hui comme un activiste politique indépendant, «la Tunisie vit aujourd'hui une crise politique qui risque de durer et il est normal que tout un chacun se considère comme le sauveur. Le parti piloté par Moncef Marzouki peut être considéré comme une nouvelle voix s'ajoutant aux autres voix s'activant sur la scène politique. Seulement, je ne pense pas qu'il aura à jouer un rôle crucial en matière de reconfiguration du paysage politique national. Il constitue tout simplement une opération de recyclage du parti du Congrès pour la République (CPR) à laquelle adhèrent certaines personnalités venant d'horizons différents comme Ettakatol ou le Courant arabe. Sauf que ces personnalités n'ont pas de poids réel sur la scène politique en tant que leaders de partis. Leur présence se résume en leur rayonnement personnel. Quant aux visages représentant le CPR, ils ont déjà fait preuve de leur échec en dilapidant la confiance que leur a accordée le peuple lors des élections du 23 octobre 2011. Je ne pense pas que ces visages aient les moyens de sortir de la politique de l'échec dans laquelle ils ont choisi de s'installer». Et Mohamed Goumi de poursuivre : «En écoutant le discours de Moncef Marzouki, je n'ai pas senti qu'il a évolué dans ses analyses ou dans ses approches. Il développe toujours les mêmes thèses sur lesquelles il a fondé sa campagne électorale présidentielle. Il semble oublier que le discours fondateur d'un nouveau parti politique diffère de celui qu'on développe à l'occasion d'une campagne électorale. La création de ce Parti me rappelle un peu la naissance d'Al Joumhouri quand le parti démocratique progressiste a choisi de s'autodissoudre et de fusionner avec Al Joumhouri, un jeune parti né dans la mouvance de la révolution. Sauf que Néjib Chebbi et Maya Jeribi ont pris les rênes du nouveau parti et les gens continuent jusqu'à aujourd'hui à assimiler Al Joumhouri au PDP». A chacun sa place sur l'échiquier politique Mohamed Bannour, membre du bureau politique d'Ettakatol, ne présage pas de l'avenir du parti de Moncef Marzouki dont il se félicite de la création. Il préfère plutôt rappeler à ceux qui pensent qu'Al Harak va supplanter les partis de la social-démocratie: «Nous avons milité pendant des décennies sous Bourguiba et Ben Ali pour que le pluralisme effectif soit concrétisé. Si les fondateurs d'Al Harak cherchent à nous éclipser, ils font fausse route. Ils doivent revoir leur copie. La famille de la démocratie sociale ne peut, en aucune manière, être remplacée par le parti de Marzouki. Cette place revient à ceux qui ont longuement défendu les valeurs démocratiques et sociale et ont marqué nettement leur opposition au libéralisme sauvage et aux courants idéologiques». Mohamed Bannour tient à préciser : «Nos consultations en vue de la naissance, dans les semaines à venir, du Front de la démocratie sociale se poursuivent encore. Beaucoup de Tunisiens se reconnaissent en nos orientations et attendent avec impatience l'annonce de la formation du Front de la démocratie sociale. En tout état de cause, Al Harak de Moncef Marzouki ne constitue pas l'alternative à la famille de la démocratie sociale».