Par Amor NEKHILI Entre 2006 et 2014, 334 journalistes ont été tués dans les différentes zones de conflit à travers le monde En 2014, le nombre d'enlèvements de journalistes a augmenté de 30% 25 journalistes auraient déjà trouvé la mort en cette année 2015 Dans 9 cas sur 10, aucune action judiciaire n'a été lancée contre les responsables des crimes commis Le principe selon lequel les droits des journalistes et la liberté de la presse doivent être protégés partout dans le monde, afin qu'ils soient à même de remplir leur mission sans crainte, vient d'être réaffirmé avec l'adoption, le 17 décembre 2015, par l'Assemblée générale des Nations unies, de la résolution 70/162, laquelle condamne les attaques et violences commises contre les journalistes en période de conflit et hors conflit. Par cette résolution, l'Assemblée générale «engage les Etats à veiller à ce que les mesures visant à lutter contre le terrorisme et à préserver la sécurité nationale soient conformes à leurs obligations au regard du droit international, qu'elles n'entravent pas de manière arbitraire le travail des journalistes et qu'elles ne compromettent pas leur sécurité». Un point particulièrement opportun, étant donné le climat extrêmement dangereux pour les journalistes aujourd'hui. Par ailleurs, en adoptant à l'unanimité de ses membres la résolution 2222 (mai 2015) sur le thème de «la protection des journalistes dans les situations de conflit», le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné les violations et abus commis contre les journalistes, ainsi que l'impunité persistante dont bénéficient les auteurs de tels sévices. Selon le document de réflexion distribué par la présidence du Conseil, aucune condamnation n'est prononcée dans 90% des affaires ayant trait à des assassinats de journalistes. C'est la première fois que le Conseil de sécurité fait le lien entre le droit à la liberté d'expression et la nécessité de protéger les journalistes. Outre les résolutions adoptées ces dernières années par l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité et le Conseil des droits de l'Homme condamnant les attaques contre les journalistes, il convient de rappeler aussi l'adoption du Plan d'action des Nations unies pour la sécurité des journalistes, élaboré sous l'égide de l'Unesco en 2012, que l'on peut qualifier d'outil de changement. Ce plan d'action en est actuellement à mi-parcours de la première phase de réalisation. Mené à titre expérimental au Soudan du Sud, au Népal, au Pakistan, en Irak et en Tunisie, sa mise en œuvre, en 2014, a été étendue à d'autres pays, comme le Honduras, le Guatemala et le Brésil. Unique par son approche multipartite, le plan d'action vise à créer un environnement libre et sûr pour les journalistes et les professionnels des médias, notamment dans les situations de conflit, en vue de renforcer la paix, la démocratie et le développement dans le monde. Dans le but de renforcer la prévention, le plan recommande de travailler en coopération avec les gouvernements, les organismes de médias, les associations professionnelles et les ONG pour conduire des campagnes de sensibilisation sur un large éventail de sujets tels que les conventions et instruments internationaux existants, les dangers posés par les nouvelles menaces qui pèsent sur les professionnels des médias, provenant aussi d'acteurs non étatiques, ainsi que les divers guides existants sur la sécurité des journalistes. Enfin, s'agissant de la Tunisie, le Centre pour la protection des journalistes (CPJ) recommande au gouvernement tunisien, dans son dernier rapport relatif à la sécurité des journalistes, de «s'engager publiquement à mettre en œuvre les mesures de protection existantes pour la presse, notamment le décret-loi 115, qui interdit l'emprisonnement des journalistes en relation avec leur travail, et à réintroduire l'avant-projet de la Loi fondamentale sur le droit d'accès à l'information au parlement», et de «redoubler d'effort pour former la police sur la manière de travailler avec les journalistes lors des manifestations et dans d'autres situations sensibles». Ces recommandations vont dans le sens des résolutions onusiennes, lesquelles stipulent qu'il est de la responsabilité première des gouvernements de protéger les journalistes, et de leur permettre d'accomplir leur travail sans entrave et de façon indépendante. Cela passe notamment par la lutte contre l'impunité pour les auteurs de violences.