Par Jawhar CHATTY S'il n'y a guère de commune mesure entre la détresse des jeunes des banlieues du Nord et des ghettos des mégapoles du Sud, les uns et les autres sont les victimes innocentes de la désagrégation des rapports sociaux qu'entraînent les bouleversements de l'économie mondiale. La «galère», pour cette jeunesse, c'est d'abord le non-emploi, la précarité dans le travail, un flottement dans les buts, une oisiveté dans les actes. Les voies traditionnelles d'intégration ne fonctionnant plus, les jeunes réagissent selon une logique d'exclus. Ce n'est pas seulement de la représentation politique que les jeunes sont absents et exclus, mais de presque tous les centres de réflexion, de consultation, et de décision. L'avenir‑— le leur‑— se prépare et se modèle sans eux. Il n'y a guère que dans les terribles statistiques sur la délinquance qu'ils sont présents. Réserve de main-d'œuvre exploitée, pactole électoral ou gâteau de consommateurs utilisés par leurs aînés, plus habiles à s'en servir qu'intéressés à leur participation. Victimes de la crise et d'une absence de communication qui les marginalisent insidieusement, ils sont pourtant plus préoccupés d'intégration que de changement social, cultivant volontiers les valeurs universelles de dialogue, de tolérance, de solidarité, mais également les valeurs démocratiques et de la participation agissante pour le bien-être de tous. Ils savent aussi se mobiliser — hors circuit‑— contre l'extrémisme, le racisme, l'élitisme, pour la solidarité avec les plus démunis. Aussi est-il aisé de mesurer l'enthousiasme des jeunes du monde au moment où solennellement et à l'unanimité des membres des Nations unies, l'année 2010 a été proclamée à l'initiative du Président Zine El Abidine Ben Ali, Année internationale de la jeunesse. C'est cet espace ouvert et organisé d'écoute de leurs voix, de leurs préoccupations, de leurs aspirations que les jeunes du monde attendaient sans doute depuis longtemps. Voilà que c'est fait, la voie est désormais ouverte aux énergies créatrices de la jeunesse au service d'un monde plus juste, d'une prospérité partagée et d'une mondialisation à visage humain. Dépositaire et voie de l'avenir par essence, elle se devait, en effet, d'être non seulement activement impliquée dans les choix qui engagent l'avenir — son propre avenir — mais aussi d'être plus que familiarisée, en prise directe avec les mécanismes et les rouages institutionnels et de la décision politique. La responsabilisation des jeunes et leur constante sensibilisation aux enjeux de l'avenir vont de fait de pair avec le développement auprès d'eux et chez eux d'une pédagogie des institutions et de la chose publique. C'est seulement de la sorte que l'on est en mesure et en droit d'attendre que la jeunesse soit une véritable force d'impulsion et de construction d'un monde meilleur. C'est seulement de la sorte, c'est-à-dire en développant cette pédagogie, cette écoute attentive et cette culture du partage que l'on peut espérer canaliser la force de frappe d'une jeunesse avertie et responsable, engagée et imbue des plus hautes et nobles valeurs. C'est seulement ainsi, c'est-à-dire en préparant l'avenir aux jeunes et les jeunes à l'avenir, que l'on peut positivement rendre agissante et constructive la formidable capacité de mobilisation organisée de la jeunesse. Dynamique par essence, la jeunesse du monde ne peut aujourd'hui que porter haut sa voix et défendre les couleurs d'un monde où ce qui se mondialise le plus ce sont les nobles valeurs d'ouverture, de dialogue, de tolérance, de solidarité et d'initiative positives. Le 12 août 2010 restera très longtemps gravé dans la mémoire de la jeunesse du monde. A partir de cette date, qui signe le démarrage officiel, à l'échelle planétaire, de l'Année internationale de la jeunesse, le temps du flottement dans les buts, de l'oisiveté dans les actes et d'un certain défaitisme fataliste serait révolu…