Kaïs Saïed exige le départ des quatre ministres soupçonnés de conflit d'intérêts ou de corruption Les juristes sollicités par Mechichi appellent à une solution politique loin de tout recours à caractère constitutionnel Hier, le Président de la République, Kaïs Saïed, s'est exprimé le plus clairement du monde sur l'affaire de la prestation de serment des nouveaux ministres désignés par Hichem Mechichi, Chef du gouvernement, et ayant obtenu la confiance du Parlement. Le Chef de l'Etat est on ne peut plus clair et précis: «Les ministres mis en cause et dont le nombre s'élève à quatre (leurs noms ne sont toujours pas révélés) doivent partir, ce qui revient à dire que Mechichi doit les révoquer ou accepter leur démission. Au cas où le Chef du gouvernement persisterait à les maintenir dans son équipe ministérielle, c'est bien le gouvernement dans sa totalité qui doit rendre son tablier, avec à sa tête Hichem Mechichi qui sera dans l'obligation de démissionner». Les propos du Chef de l'Etat, rapportés par une source parmi les présents à la réunion tenue hier au Palais de Carthage entre le Président de la République et un groupe de députés représentant Ennahdha, Tahya Tounès, le Courant démocratique, Echaâb et le bloc de la réforme viennent mettre un terme à une attente qui n'a que trop duré. Les Tunisiens attendent depuis maintenant près de trois semaines que le Président Kaïs Saïed dise clairement comment il voit la résolution de la crise constitutionnelle dans laquelle la Tunisie est enlisée à la suite du remaniement qui a porté au gouvernement des ministres que le Chef de l'Etat refuse d'accueillir pour prêter serment, condition constitutionnelle incontournable pour la prise de leurs fonctions pour soupçons de conflit d'intérêts et aussi pour cause de corruption. Les experts constitutionnels autoproclamés en mesure de fournir la solution constitutionnelle à ce conflit opposant Kaïs Saïed et Hichem Mechichi ont beau proposer durant les deux dernières semaines leurs recettes-miracles dans le but d'infléchir la position du locataire du palais de Carthage pour qu'il accepte le remaniement, accueille les nouveaux ministres et les autorise à prêter serment comme l'exige l'article 89 de la Constitution, le Président de la République campe sur sa position initiale qu'il a exprimée haut et fort — faut-il le rappeler, avant même que Hichem Mechichi ne révèle la liste des nouveaux ministres et ne sollicite le Parlement pour qu'il leur accorde sa confiance. Hier, face aux représentants des blocs parlementaires qu'il a invités au Palais de Carthage (Qalb Tounès, le PDL et Al Karama n'ont pas été invités à la réunion), Kaïs Saïed a expliqué les bases sur lesquelles il a fondé sa position et est revenu, en plus des soupçons qui pèsent sur les ministres en question, sur le remaniement qu'il considère comme anticonstitutionnel dans la mesure où il n'a pas respecté les conditions contenues dans l'article en question qui stipule, en effet, que tout remaniement ministériel ou transformation de la structuration du gouvernement (annulation ou création de nouveaux ministères) doivent être discutés lors d'un Conseil des ministres tenu bien avant la décision d'annoncer l'identité des nouveaux ministres ou les nouveaux ministères ou ceux appelés à disparaître. Cette clause prévue dans l'article 92 de la Constitution n'a pas été respectée et Hichem Mechichi s'est trouvé dans l'obligation de tenir le Conseil des ministres en question, bien après l'annonce du remaniement quand le Président de la République lui a fait la remarque à l'occasion de la réunion du Conseil de sécurité nationale. Mechichi consulte les experts Quant à Hichem Mechichi, qui attend toujours l'avis que rendra le Tribunal administratif à propos de la demande de la consultation qu'il lui a fait parvenir, il n'est pas resté les bras croisés puisqu'il a lui aussi invité plusieurs experts pour qu'ils lui indiquent la voie à suivre face au refus de Kaïs Saïed d'avaliser le remaniement ministériel qu'il vient d'opérer et de permettre aux nouveaux ministres de prendre leurs fonctions. Et les experts sollicités par Mechichi d'insister, pratiquement à l'unisson, sur le caractère purement politique de la crise, dans le sens que pour eux, s'il y a une solution, elle ne peut être que constitutionnelle ou juridique. Ainsi, considèrent-ils, comme le souligne le professeur de droit international public Haykel Ben Mahfoudh, que «le problème est d'ordre politique dans son ensemble et requiert des solutions politiques en premier lieu». On a évoqué également, lors de cette réunion, d'autres solutions comme la médiation ou la possibilité d'arbitrage. Des solutions qui favorisent la solution politique «dans la mesure où la questions est politique et nécessite des solutions politiques».