Par Taha BELKHODJA * Le Foprolos, cette contribution de l'employeur à la promotion du logement pour les salariés, a été institué en 1977 pour venir en aide aux travailleurs à revenu modeste; ce fonds social repose sur un principe fondamental : la solidarité entre tous les Tunisiens avec pour objectif «un foyer pour tous». Malheureusement, on constate qu'il n'y a même pas 12% des salariés qui sont éligibles aux crédits dudit fonds, pas pour insuffisance de revenu mais pour un surplus de surface à construire dépassant 50 m2, ce qui a fait au Foprolos enregistrer une réserve inexploitée consignée à la Trésorerie générale qui dépasse aujourd'hui les 800 milliards, appelée à augmenter avec le temps. En effet, il est clair que cet excédent de trésorerie est le résultat d'une mauvaise interprétation des textes de loi pour octroyer les crédits du Foprolos. Le fait qu'il n'y a plus de promoteurs immobiliers (publics et privés) qui réalisent des logements agréés sociaux, il n'y a presque plus d'utilisation de ce Fonds, ce taux (12%) est devenu presque nul. Il y a lieu d'une confusion manifeste entre les conditions d'octroi de crédit aux salariés et celles de l'octroi des avantages fiscaux accordés aux promoteurs immobiliers qui réalisent des logements individuels qui doivent répondre à la condition de surface maximale de 50 m2. Il faut faire la part des choses, messieurs les décideurs, les salariés ont un droit incontournable à ce fonds alimenté par leurs employeurs et ils doivent bénéficier de crédit selon leur revenu, rien que leur revenu, en toute légitimité. Le mécanisme du Foprolos est une aubaine pour les Tunisiens, il a permis l'accès à la propriété de centaines de milliers de nos concitoyens, il y a lieu de juste éclairer certains points et appliquer les termes de la loi. Le Décret N°77-965, du 24 novembre 1977, mentionne bien, dans son article premier, qu'il revêt deux formes de prêts accordés, en premier alinéa un premier pour financer la construction de logement, donc l'auto-construction sans aucun avantage fiscal ou limitation de surface et en second alinéa, un autre prêt pour financer l'acquisition de logement auprès d'un promoteur immobilier agréé par le ministère ayant réalisé un projet agréé social en faisant bénéficier le promoteur des avantages fiscaux. Il existe aujourd'hui une « discrimination sociale » de fait du foprolosiste, du moment qu'un salarié qui gagne 1.500 D (4,5 fois le Smig) par mois, que la loi lui permet l'obtention d'un crédit de plus de 70.000 D (le Foprolos 3) sur 25 ans, n'a pas le droit de construire un logement plus de 50 m2 ! Des dossiers se trouvent refusés et les salariés privés de ce crédit parce qu'ils ont présenté un plan approuvé de logement à construire dont la surface dépasse 50 m2, ceci n'a aucun sens puisqu'il s'agit d'une auto-construction, 1er alinéa, qui n'a rien à voir avec les promoteurs, immobiliers et la limitation de surface ! Personne n'est sans savoir que 80%, et même 85% des Tunisiens assez modestes, préfèrent l'autoconstruction, le résultat est donc prévisible, il y a un refus d'éligibilité en masse des postulants de la classe moyenne puisque personne ne construit un logement moins de 50 m2, ces pauvres salariés sont victimes d'une condition qui concerne l'avantage fiscal des promoteurs immobiliers. Par ailleurs, sachant que ces temps-ci les promoteurs ne construisent presque plus du social, ce vide a favorisé la construction informelle, environ 40.000 logements anarchiques ont été recensés en 2014, la nature a horreur du vide. Dans le cadre d'une solidarité nationale, nous pouvons élargir davantage l'assiette de cotisation aux non-salariés, soit tous les professionnels aussi doivent désormais participer à ce fonds national. Ceci étant, on pourra étendre le champ des bénéficiaires aux petits patentés à l'instar des salariés, et même les sans-revenu en créant le Foprolos 0, zéro remboursement, plus personne ne sera exclu. La loi actuelle exclut les ouvriers des exploitants agricoles privés qui ne peuvent pas bénéficier du Foprolos, il n'y a plus de place à la discrimination et l'exclusion, ceci n'a fait qu'inciter à l'exode rural. Le Foprolos doit financer les logements neufs et anciens acquis auprès des promoteurs immobiliers, mais aussi des particuliers à part l'autoconstruction de logement à condition de présenter un permis de bâtir, désormais plus personne ne pourra priver les salariés de ce droit constitutionnel. Seul le revenu du Foprolosiste est la condition d'octroi des crédits (Foprolos 1, 2 ou 3), le critère d'éligibilité commun de toutes les banques, ceci est un principe universel, il ne faut plus poser de condition insolite telle que surface maximale de 50 m2, ceci n'a aucun sens. Il se trouve aujourd'hui que l'employé est triplement pénalisé, prenons par exemple un salarié qui est payé 2,5 fois le SMIG, soit = 800 D / mois, pour l'achat, la construction ou l'extension d'un logement, en le privant de son droit au crédit Foprolos, il subit : - Une 1ère pénalité : Il ne peut obtenir que 32.000 D de crédit bancaire, alors que le Foprolos 2 (170 fois le Smig) lui attribue 55.000 D, donc il accuse un manque de 23.000 D à son schéma de financement. - Une 2ème pénalité : Il paie un taux d'intérêt de Tmm+3,5, c'est-à-dire plus de 8% variable, alors que celui du Foprolos 2 est seulement de 4% fixe, soit moins que la moitié. - Et une 3ème pénalité : Les banques accordent une durée de remboursement de 15 ans maximum, alors qu'avec un crédit du Foprolos, l'acquéreur bénéficie de 25 ans avec 3 ans de grâce. Le Foprolos n'étant pas une taxe, il s'agit d'une participation patronale pour un fonds social, le prélèvement des cotisations doit s'effectuer par le biais des caisses sociales (Cnss et Cnrps) qui bénéficient des mêmes moyens d'obligation de règlement par l'employeur, sachant que les non-salariés ne sont pas assujettis à la TFP, donc ce n'est pas possible qu'ils puissent participer au Foprolos. Tous les trimestres, les caisses sociales rembourseront intégralement le Foprolos à la Banque de l'Habitat, qui est en train de gérer avec amertume ce fonds par « correspondance » avec la Trésorerie générale. La B.H. et l'Etat tunisien ont signé, le 2 janvier 1990, une convention relative à la gestion de ce fonds; en rémunération de sa gestion, la B.H. perçoit une commission au déblocage des crédits et lors de leur recouvrement. Il se trouve aujourd'hui que les Foprolosistes se font victime de ce bicéphalisme administratif, voilà des années que des centaines d'entre eux cherchent à régulariser des échéances impayées, inopportunément la B.H. ne peut pas amnistier les intérêts de retard sans l'accord du ministère des Finances. Ça ne peut plus continuer comme ça, l'Etat n'a rien à voir là-dedans, il faut qu'il prenne congé, il s'agit de l'argent des employeurs pour venir en aide à leurs employés ! La gestion du Foprolos doit revenir en exclusivité à la B.H., ce fonds va certainement doubler ses recettes et on pourra éradiquer les logements rudimentaires. Sachant que la quasi-totalité des salariés ont des crédits logement, messieurs les syndicalistes, au lieu d'empoisonner la vie aux employeurs et menacer, au fait, les salariés quant à la stabilité de leurs emplois, occupez-vous de l'octroi des crédits du Foprolos, ceci fera certainement augmenter le pouvoir d'achat du salarié d'au moins de 10 à 15%, correspondant à la baisse des mensualités d'amortissement des crédits. L'arrêté du ministre de l'Equipement du 29 septembre 2014, limitant la surface de logement à 50 m2 maximum pour un plafond de 50.000 D, laisse la porte ouverte aux promoteurs malintentionnés pour réaliser en toute légalité des logements inférieurs à 50 m2 pour le même prix, d'un côté, d'un autre côté, il est très regrettable de priver les acquéreurs de l'avantage de se procurer une surface un peu plus grande, si le promoteur peut la réaliser au même prix des logements plus spacieux moyennant un nouveau procédé de construction à bon marché. Il ne faut jamais oublier que le logement agréé social de 50 m2 maximum est évolutif en hauteur et donc ledit logement peut devenir 100 m2 après quelques semaines. Il ne faut pas que les citoyens modestes restent à la merci des promoteurs immobiliers pour leur construire des projets agréés sociaux, comme ça se passe actuellement, et si les promoteurs ne construisent plus, les salariés vont rester dans la rue ! Ceci ne peut qu'inciter au développement de l'habitat informel qui va pousser comme des champignons, presque 40 % de ce qui se construit actuellement. Vu que nous sommes dans une économie de marché, le Foprolosiste est totalement libre de choisir le prix, le lieu, la surface et le type de logement qui lui convient de chez qui il veut, il ne doit avoir aucune obligation à part le permis de bâtir et la condition de revenu pour le remboursement du crédit. Plus personne ne doit être exclu, il faut mettre fin aux mauvaises habitudes de l'ancien régime, la 2e République doit être la République du changement, le Foprolos doit être alimenté par tous les employeurs et même les exploitants agricoles public et privé ainsi que les professionnels libéraux (médecins, architectes, ingénieurs, avocats, etc.), les artisans et petits métiers en tant qu'employeurs. Par solidarité, tout citoyen tunisien en activité doit participer à ce fonds, du président de la République au simple manœuvre ordinaire. L'administration n'a le droit, ni d'orienter ni d'imposer à quiconque un type quelconque de logement pour n'importe quelle raison, même pas pour des prix plus avantageux. Toutefois, l'administration peut mettre sur le marché des logements à prix plus abordable, mais il est évident le dernier mot n'appartient qu'à l'acquéreur Foprolosiste, selon ses moyens. Comme il faut bien financer par le Foprolos les projets immobiliers à caractère social à un taux préférentiel, conformément à l'article 7 du Décret N° 77-965 du 24 novembre 1977, le logement décent est un facteur de sécurité. Le secteur organisé de la promotion immobilière est une aubaine fiscale et sociale pour la Tunisie, il ne faut jamais oublier que « tout logement construit par un promoteur immobilier est un logement anarchique en moins », la réhabilitation urbaine coute trop cher à l'Etat. Il est clair, le problème d'actualité pour le citoyen moyen, c'est de relancer d'urgence l'octroi des crédits du Foprolos, il n'y a pas 36.000 solutions, il faut immédiatement amender l'Arrêté du ministre de l'Equipement, du 29 septembre 2014, qui limite la surface de logement social à 50 m2 « maximum »; ceci tient en un seul mot, il faut remplacer « maximum » par « minimum ». * Ingénieur expert