La double crise de Nida Tounès, principal parti de la coalition gouvernementale et du gouvernement proprement dit, ravive bien des ambitions. Plus d'un se dit que son heure est sans doute venue. Dans le naufrage ambiant, il voudrait faire montre d'une présence appuyée, voire ostentatoire Quatre ou cinq personnalités politiques, ou presque, émergent du lot. D'abord, Mohsen Marzouk. Bien qu'étant l'un des protagonistes de la crise de Nida, il se voit re-propulsé aux devants de la scène. La déconfiture subite des ténors de l'aile de Nida ayant sévi au congrès de Sousse, il y a dix jours, y est pour beaucoup. Dimanche 10 janvier, Mohsen Marzouk réunissait le ban et l'arrière-ban à Tunis, au moment même où se tenait le congrès de ses rivaux à Sousse. Un congrès commencé dans l'euphorie et le triomphalisme, avant de sombrer après coup dans les dissensions et une espèce de guerre de tous contre tous au sein du même camp. Marzouk, visiblement en minorité il y a peu, en a profité pour rebondir. Et présenter ses rivaux sous un jour sombre. Du coup, ses partisans ont accéléré le processus de démarcation nette avec Nida Tounès. Leur constitution en groupe parlementaire avec au moins vingt-deux députés aussi. Et ils s'affairent pour annoncer leur nouveau parti le 2 mars prochain, accaparant en quelque sorte le bourguibisme dont se prévalent volontiers leurs rivaux. Mohsen Marzouk redouble depuis d'initiatives sur fond de déclarations pointilleuses ou assassines. A l'en croire, sa nouvelle formation reviendra aux fondamentaux de Nida Tounès et jouera au coude à coude avec le parti Ennahdha lors des prochaines élections, notamment municipales. Ce faisant, il vise à récupérer une bonne partie des militants de base de Nida et de leurs sympathisants. Le discours tenu par Rached Ghannouchi du haut de la tribune du congrès de Nida à Sousse a estomaqué plus d'un d'entre eux. «Eh quoi, se disent-ils, l'ennemi déclaré d'hier intronisé en allié privilégié, qui plus est donneur de leçons en matière de coexistence politique, trop c'est trop !» Les attaques non déguisées des principaux ténors d'Ennahdha à l'endroit de Mohsen Marzouk et de ses alliés ajoutent de l'eau au moulin de Marzouk. Lequel constate, prend acte et enfonce le clou. En ayant bien l'intention de ratisser large. Deuxième personnalité à rebondir, Mehdi Jomâa. Disons-le clairement. Il est tout simplement aux aguets, à l'affût. Quel que soit son bilan, il se dit bien qu'il a fait mieux que Habib Essid. Et qu'il pourrait bien officier comme l'oiseau des tempêtes. Il n'est même pas exclu que Béji Caïd Essebsi le réserve pour l'ultime sauvetage du gouvernement de Nida. Voire de Nida tout court. Et en politique, ce qui est vrai n'est pas toujours évident. Et vice-versa. Dès lors, Mehdi Jomâa n'en finit pas de s'organiser, d'affûter ses couteaux et de réunir des gens autour de lui, sait-on jamais. Deux autres personnalités s'échauffent, elles aussi, à proximité des starting-blocks. L'ex-président Moncef Marzouki et Mondher Zenaïdi, ex-ministre sous Ben Ali et malheureux candidat à l'élection présidentielle de 2014. Le premier a goûté aux fastes du pouvoir et en est pour ainsi dire inconsolable. Il joue sur plusieurs registres à la fois, dont le régionalisme n'est pas exclu. Le second vise à récupérer une bonne partie de la classe moyenne, des femmes et des jeunes, largement déçus par les huit gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution de janvier 2011. Reste à savoir si l'un et l'autre disposent des moyens de leur politique. Ennahdha a fait une croix sur Moncef Marzouki. Du coup, il ne saurait sérieusement rebondir. Quant à Zenaïdi, il peut s'avérer un prétendant sérieux, à charge toutefois d'avoir de bons relais et des structures partisanes adéquates. Ce qui n'est pas aisément donné par les temps qui courent. Mohsen Marzouk revient de loin. Les autres sont des revenants, ou presque. Souhaitons tout au moins que le bal des revenants ne vire pas au bal des vampires.