Récit du vécu d'un usager de drogue : de la tentation à l'issue. «Il» préfère faire part de son vécu d'usager de drogue tout en gardant l'anonymat. Cet homme, âgé de 33 ans, est spécialisé dans la mécanique navale. Il provient d'un quartier populaire où l'accès aux drogues est aussi facile que l'accès aux cigarettes. Son premier recours aux drogues remonte à 19 ans. A l'âge de 14 ans, il avait eu l'idée de dérober les antidépresseurs de sa maman. Une habitude qu'il a sitôt délaissée. Mais il n'a pas tardé à récidiver, sous l'effet d'un terrible choc émotionnel : le décès de sa mère. Pour surmonter la séparation et faire le deuil de sa mère, il a opté pour le cannabis. Depuis, cette drogue est devenue, à la fois, son meilleur compagnon et son pire ennemi. «N'importe qui peut succomber, du jour au lendemain, aux drogues. Sur un coup de tête, suite à un choc émotionnel ou tout simplement sous l'influence malsaine des amis, les jeunes risquent de se trouver, nez à nez, à un joint qui les tente », avoue-t-il. Le piège de la toxicomanie se referme sur l'usager de drogue après un an de consommation. Chaque jour, l'usager de drogue assouvit son désir de relaxation et d'oubli. Chaque jour, son besoin prend de l'ampleur. Chaque jour, sa dépendance se confirme davantage pour devenir optimale au bout d'un an. «Et plus nous devenons dépendants, plus nous avons besoins d'une dose plus consistante. Jusqu'au jour où le manque devient tel que nous nous trouvons contraints de recourir à plus d'une drogue, sans pour autant atteindre l'effet requis», renchérit-il. «Il» a décidé d'en finir avec cette dépendance qui a chamboulé sa vie dans le sens négatif, qui l'a empêché d'être actif et de poursuivre son travail qui lui tient, pourtant, à cœur. «Je n'arrive plus à profiter de mon gagne-pain. Tout ce que je gagne dans la journée, je l'utilise pour acheter du cannabis. Ma famille n'en peut plus avec mes sautes d'humeurs excessifs, mon agressivité gratuite et cette demande insistante et perpétuelle d'argent», ajoute-t-il. Après 19 ans de dépendance à la drogue, «Il» a compris que le cannabis est devenu inhérent à son corps, à son esprit, à sa vie. Et c'est à ce moment-là qu'il a décidé de tout arrêter et de recourir au Centre d'aide, d'écoute et de prise en charge des usagers de drogues à Thyna. Et comme tout patient, «Il» a dû résister à l'étape du sevrage. «J'ai passé les trois premiers jours à dormir, inconscient de tout se qui se passait autour de moi. Puis, le combat pur et dur avec les effets du cannabis et toutes les toxines qui enveniment mon corps a été lancé : irritabilité, manque d'appétit, insomnie, cauchemars, sueurs, douleurs atroces. Les quinze premiers jours étaient placés sous le signe d'une bataille déclarée et menée contre mon ennemi. Une bataille, souligne-t-il, qui reprend par moments, même après la période du sevrage». «Il» sait parfaitement que dans le centre, il bénéficie de l'aide et de l'accompagnement qui l'empêchent de revenir sur ses pas. D'ailleurs, il ne manque pas d'attirer l'attention sur l'impératif, pour les parties concernées, de soutenir le Centre et permettre ainsi la pérennité d'une mission vitale pour bon nombre de Tunisiens. Mais ce qu'il craint le plus, c'est le jour où il sera dehors et qu'il renouera avec un environnement où le cannabis est monnaie courante. «Là, ce sera vraiment mon plus grand défi», indique-t-il, en faisant la moue...