C'est en Méditerranée, plus précisément en Italie, que s'est élaboré pour la première fois, il y a un quart de siècle, un grand projet d'autoroutes de la mer (ADM), destiné à soulager les axes routiers de la péninsule. Et c'est en Méditerranée que le projet est bel et bien à son apogée, suite au lancement, en 2006, par la direction générale des Transports de la Commission européenne et la direction générale EuropeAid, du projet Meda-Mos, avec un financement de 4,8 millions d'euros provenant, pour une grande partie, du Fonds Meda, puis de l'Instrument européen de voisinage et partenariat. D'ailleurs, il faut reconnaître que le commerce présente, à travers la grande bleue, un potentiel de développement des plus rapides dans le monde, parce qu'il est soutenu par la croissance économique globale de la région et le niveau élevé des prévisions de croissance du PIB pour la plupart des pays de la zone. Ajoutons qu'il tire profit de la situation centrale des flux de trafic entre l'Est et l'Ouest, le Nord et le Sud. En effet, selon le rapport de l'Office tunisien de la marine marchande et des ports, le trafic global applicable à la zone Union européenne-Méditerranée est estimé à 70 millions de tonnes pour 2004 (sur un total de 232 millions de tonnes en incluant le commerce en vrac). Le même rapport retient que les conteneurs représentent la technique la plus utilisée (71%) suivis par le RoRo (référence à une technique de manutention, consistant à charger ou à décharger les colis en les faisant rouler de la rampe portuaire vers la rampe mobile du navire), à raison de 10%. Cette technique est concentrée sur les relations Turquie/Italie, Tunisie/France et Italie et Maroc/Espagne. La demande de conteneurs a, depuis, augmenté de plus de 50% depuis 2000 et a dépassé 2 millions de Teu (unité de mesure) en 2005. Ces volumes devraient atteindre 25 millions de Teu d'ici à 2015. De ce fait, bon nombre de pays méditerranéens ont prévu d'importants développements pour leurs ports et pour les transports intermodaux, adhérant, ainsi, à un échange maritime fluide, efficace et bénéfique à tous les partenaires publics et privés. La Tunisie en est une franche illustration, en fait. C'est pour cette raison que la Commission européenne s'est positivement prononcée sur le projet tunisien, le qualifiant d'excellent, compte tenu de sa forte dimension intermodale, couvrant les différents aspects de la chaîne logistique. A cet effet, il y a lieu de noter que les parties concernées en Tunisie ont fixé des objectifs d'amélioration ayant trait à la qualité des infrastructures et des services portuaires. Comme la réduction du séjour moyen des remorques à l'import de trois à un jour fin 2009, de celui des conteneurs à l'import de neuf à six jours pour la même période et de celui des remorques et conteneurs de sept à trois jours. En plus de l'amélioration de la communication relative à la notification des retards et autres aléas. Or, il se trouve que malgré ces efforts fournis par la plupart des pays méditerranéens ayant adhéré au projet pilote des ADM, les résultats escomptés ne sont toujours pas de mise. Certains dysfonctionnements sont, donc, à dépister afin d'y remédier. L'appui technique et administratif, un enjeu capital En optant pour des liaisons économiques entre l'Union européenne et la région méditerranéenne, ou encore entre les deux rives de la Méditerranée, l'objectif était, à l'évidence, l'instauration de bases solides pour l'intégration logistique et économique de l'espace euro-méditerranéen. Puis, la création d'une aire méditerranéenne de libre-échange qui occasionnera la suppression des barrières tarifaires qui entravent le commerce entre le Sud et le Nord. Un objectif qui n'est toujours pas atteint pour des raisons diverses. En effet, dans certains pays du Sud, sur terre, ni les routes ni les voies ferrées ne sont développées, les arrière-pays sont mal desservis et les liaisons entre ces pays sont pratiquement faibles. En mer, les liaisons Nord-Sud sont peu fréquentes et les navires les empruntant font souvent le retour à vide. Sur ce, il en est des causes, des enjeux et des défis à relever. Force est de constater, de là, que la gestion portuaire en Méditerranée est caractérisée par l'hétérogénéité des situations. Cela dit, tous les ports de la rive sud sont des propriétés de l'Etat. Cela n'empêche d'affirmer que la plupart de ces pays ont entrepris des réformes visant la constitution d'un cadre favorable à l'accueil des investissements étrangers. Tel est le cas des quatre pays de la rive sud concernés par les projets pilotes, qui ont engagé des systèmes de concession privée et des programmes de décentralisation et de privatisation, dont la Tunisie et le Maroc qui ont mis en place des concessions privées et l'Algérie qui a engagé des partenariats public-privé. Toutefois, les résultats demeurent en deçà des aspirations. Il y a des défaillances à rattraper, assurément. C'est que la dynamisation du rôle des autoroutes de la mer dans le développement des liaisons économiques entre les deux rives de la Méditerranée implique d'agir sur deux grands axes, à savoir les opérations et services et l'outil administratif. De la sorte, ce serait moins l'accélération des réformes qui importe que l'engagement des administrations à soutenir jusqu'au bout ce projet pilote : les autoroutes de la mer. Car après tout, les entreprises optent moins pour la rapidité du transport que pour la régularité et la fiabilité. Notamment, une fluidité de la chaîne logistique tant convoitée mais qui se trouve souvent entravée par les procédures douanières et non douanières. D'où des temps d'immobilisation des conteneurs assez importants, surtout dans les ports du Sud. La Tunisie n'a pas manqué, quant à elle, de prendre en considération toutes ces données pour pallier certains dysfonctionnements, en optant pour des réformes allant de pair avec les besoins de ses partenaires, dont certaines sont susmentionnées. Du reste, dans le contexte méditerranéen, l'état des lieux du projet pilote des autoroutes de la mer montre qu'il est encore des défis à relever compte tenu de l'inégalité des niveaux de développement. Justement, il suffit d'y croire pour y arriver. Mais n'a-t-on pas dit un jour que celui qui veut voyager loin n'a qu'à ménager sa monture ?