Depuis la révolution, les sites archéologiques et les musées sont la proie de pillage, de vandalisme voire d'attentats terroristes. Leur protection exige un savoir-faire et un matériel de surveillance performant. L'Agence nationale de mise en valeur du patrimoine a initié tout un programme d'équipement et de formation de personnel dans les sites et musées ouverts au public. Qu'en est-il de ce programme et des nouvelles dispositions prises pour sécuriser le patrimoine historique et archéologique du pays. Ridha Kacem, directeur général de l'Agence nationale de mise en valeur du patrimoine, révèle dans cet entretien les réalisations mais aussi les lacunes. Quels sont les dispositifs de sécurité que l'agence a entrepris pour assurer la protection des sites archéologiques et des musées ? Depuis 2013, nous avons commencé le diagnostic avec le concours d'une équipe du ministère de l'Intérieur. Cette équipe a travaillé sur 6 régions : Nord-Est, Nord-Ouest, Centre- Est, Centre-Ouest, Sud-Est et Sud-Ouest. L'Anmvp a mis à la disposition de l'équipe tous les moyens financiers et logistiques. Nous avons suivi donc la logique de l'Institut national du patrimoine (INP) qui a divisé les régions par zones d'inspection. Il y a eu une première action qui a consisté à former le personnel sur place pour les initier aux premières actions de secourisme, d'initialisation à la sécurité, au gardiennage etc. Le programme élaboré par le ministère de l'intérieur comprend de nombreuses opérations, certaines sont du ressort de l'INP qui dispose des clefs des sites et musées, donc le gardiennage de jour et de nuit, les surveillants de salles de musée. Le gardiennage est à 80% entre les mains de l'INP. Est-ce que certains sites archéologiques échappent au contrôle et à la surveillance de votre département ? Les sites archéologiques en Tunisie ne sont pas tous gardés par l'INP. Ici on parle des sites et musées ouverts à la visite. Le site de Ain Tounga (Testour) échappe au contrôle parce qu'il n'est pas encore soumis aux fouilles de l'INP. Une partie de la gestion des sites et musées relève de l'INP : conservation, fouille, restauration, sauvegarde, collections, maintenance du matériel, etc. Une autre partie concerne l'Agence : la signalétique directionnelle qui mène vers les sites et les espaces d'animation, l'accueil, le parking, l'éclairage public des sites, l'installation des grands vases devant les entrées des sites, l'information, le côté commercial : les boutiques, le sanitaire, la signalétique à l'intérieur du site. L'agence dispose de l'exploitation : accueil, billetterie, surveillance et télésurveillance, les détecteurs de métaux, les portiques de sécurité et les scanners. Pour sa part, l'INP surveille la collection, le public à l'entrée des salles hors des espaces d'accueil, la signalisation et la communication. Le renforcement de la sécurité dans les sites et musées est-il aujourd'hui votre plus grande préoccupation ? Du temps où l'Agence faisait des bénéfices de l'ordre de 15 et 16 MD, elle réinvestissait une part de ses recettes dans la mise en valeur des sites et musées. En 2015, nous n'avons réalisé que 20% de recettes, nous avons alors sollicité une subvention de l'Etat qui nous a été accordée. Je rappelle que l'Agence emploie 520 employés avec une masse salariale de 8,5 MD qui a doublé depuis la révolution à cause des recrutements abusifs. Il s'agit, en fait, de régularisation de la situation des agents précaires. Malgré cela, l'Agence a pu réaliser une partie de son programme de 2015 au niveau de l'éclairage de sécurité, l'acquisition de 150 vases qui font obstacles dans l'entrée des sites installés à Carthage, El Jem, Kerkouane, Borj Kélibia, etc. Un deuxième lot concerne le musée du Kef, Sfax, Tuborbo Majus, etc. Une cinquantaine de détecteurs de métaux a été distribuée aux sites exploités par l'Agence, 14 sites majeurs ont bénéficié d'un éclairage public dont le musée du Bardo. Le contrôle par caméra hors site jusqu'à l'accueil, la mise en place des caméras de surveillance sont en cours. 26 sites sont concernés par la télésurveillance. Le plus important est l'installation de scanners et de portiques de sécurité. L'Etat a alloué un fonds de 1 MD pour l'acquisition de ce matériel. Il s'agit d'un crédit complémentaire que nous a fourni le ministère de la culture. Cela empêchera-t-il le pillage dans certains sites ? Peut-on clôturer le site de Dougga qui comprend 70 hectares, ou Oudhna qui compte 45 hectares. Sans compter les problèmes fonciers. On ne peut pas tout faire même si le ministère de l'intérieur nous le demande. Nous travaillons à fond sur le renforcement du gardiennage de nuit, la formation, qui nécessite la requalification du personnel sans oublier le rôle du ministère de l'intérieur qui a détaché un «monsieur sécurité», un cadre chargé de l'encadrement de ce personnel. Le problème de pillage existe dans les sites qui ne sont pas exploités. Juridiquement, ils sont du ressort de l'INP. Néanmoins, tous les sites disposent d'un conservateur. Mais parfois, le laxisme du personnel peut être la cause de certains vols dans des sites gardés comme «Le cas de Galimède», l'agent a quitté le lieu de travail plus tôt que prévu laissant la clé de la porte du musée sous le paillasson (une pierre). Est-ce qu'il y a un travail de coordination entre l'agence et l'INP ? Il existe une commission mixte technique entre l'agence et l'INP qui donne son avis sur les dossiers, notamment ceux engagés par l'agence, et ce, en raison de l'autorité scientifique de l'INP. Par exemple, l'agence ne peut réaliser un espace d'accueil à l'insu de l'INP. Cette commission ne carbure pas à fond mais elle travaille quand même. Pourquoi ne pas envisager une convention INP-Agence qui définit les champs d'intervention de chaque partie ? Est-ce que c'est suffisant ? Une convention existe entre le ministère du Tourisme et le ministère de la Culture, mais en réalité, ce qui manque, c'est la volonté de travailler ensemble. Entre le ministère du Tourisme et l'agence on travaille sur la mise en valeur du site de Oudhna et cela en dehors des conventions. Le site de Oudhna est un produit que le ministère du tourisme peut commercialiser au profit des touristes. L'agence ambitionne d'atteindre un label au niveau des services. Pour ce faire, nous avons créé un service de la qualité de la prestation. Par ailleurs, nous avons proposé au ministère de l'Education nationale des «classes musées» et d'ouvrir l'espace pédagogique du musée du Bardo qui n'a presque jamais fonctionné. Nous avons recommandé l'édition d'ouvrages vulgarisés sur l'histoire de la Tunisie.