Bab Souika lève son bouclier, proteste, conteste et poursuit en justice celui qui a osé toucher à son patrimoine, un passage voûté dit «sabat», trônant depuis l'empire ottoman à la rue Hammam-Remimi. Toutes les parties prenantes dans ce dossier brûlant ont le feu aux trousses et cherchent à remettre le monument en place. La partie est-elle déjà perdue après la perte et la disparition de toutes les composantes de l'édifice ? Y a-t-il anguille sous roche ? C'est ce que prétend la société civile, écœurée par ce qui s'est passé. Nos braves pairs du quartier populaire de Bab Souika ne sont pas mis hors de leurs gonds suite à un coup de sifflet arbitral décisif, injuste et frustrant contre leurs purs... sang et or, mais conséquemment à un acte anarchique frustrant ! Un beau matin, l'un des leurs, domicilié rue Hammam-Remimi, piqué par la maudite mouche d'après la révolution, saute du lit, fait une toilette de chat, récite la Fatiha et hop ! il fait déployer une armada de pioches et de massu pour détruire quoi ? Le passage voûté (dit sabat), enjambant sa demeure ! Un monument historique, témoin de la civilisation ottomane, l'un des remparts trônant depuis la fin du XVIIIe siècle dans notre Médina et long d'une dizaine de mètres. Outre l'indignation populaire de moult Tunisois, l'initiative a tôt fait de mettre le feu aux trousses des parties administratives concernées. Délégation de Bab Souika, arrondissement communal de céans, Association de sauvegarde de la Médina, etc. Tout ce beau monde administratif réagit aussitôt contre cet «affront» et cet acte de lèse-majesté. L'on s'active alors à qui mieux-mieux et chaque partie prenante cherche à couvrir ses arrières et à s'éviter le risque d'avoir des ennuis avec les grosses têtes de la hiérarchie. Le permis de pure forme C'est après l'obtention d'un permis de bâtir en bonne et due forme que le protagoniste entame ses étranges travaux. Ceux-ci s'étant vite avérés, par la suite, tout à fait non conformes ce qui, théoriquement, est prévu. C'est-à-dire de simples travaux de restauration de sa maison, enjambant le fameux «sabat», qui, en un laps de temps, s'est trouvé réduit en décombres et monticules de débris, vite levés, moyennant finances, par les services communaux... L'intéressé a eu bien sûr, au préalable, à démolir l'appartement prolongeant sa demeure mitoyenne, reposant sur ledit passage voûté et doté d'une grande fenêtre artistique d'encorbellement, en saillie (communément appelée «gannarias»). Les dispositions réglementaires ont été aussitôt prises contre l'intéressé sommé de faire reconstruire le «sabat» avec toutes ses caractéristiques initiales (bien sûr à ses frais), sous le contrôle et avec l'assistance technique des ingénieurs architectes de l'Association de sauvegarde de la Médina. Mais cela pose problème : comment récupérer les pierres, les divers matériaux et composantes disparus du monument. Là, on n'est pas sûr de retrouver leurs traces, jetés dans la nature pêle-mêle et enfouis sous un amoncellement de couvertures... «Il y a anguille sous roche... L'un des riverains, chef de file des nombreux protestataires de Bab Souika, ne nous cache pas sa déception et sa colère contre «cet acte irresponsable touchant à notre identité et à notre belle histoire. C'est comme si on nous avait arraché un grand arbre de notre jardin particulier ou une partie de nous-mêmes et de nos entrailles», enchaîne notre interlocuteur, M. Lotfi. «Et puis, se demande-t-il, comment se fait-il que la commune a accepté si facilement de jeter dans la nature de si précieuses pierres? C'est, ma foi, du n'import quoi ! Il y a vraiment anguille sous roche !». La société civile veille au grain Cela dit, tout porte à croire, selon les témoignages de certains riverains, que le destructeur du «sabat», propriétaire de la terrasse de celui-ci, aurait envisagé l'élévation de plus d'un niveau sur ladite surface. Sachant qu'il n'aurait pu édifier les étages projetés, en les faisant supporter par les murs du sabat, éventuellement estimés pas assez solides, en tant qu'éléments de soutien. C'est pour cela, suppose-t-on, que l'intéressé aurait pensé dresser et aligner des piliers à la place du «sabat» démolie. Tout ceci... dans le noir, qui a vite éclaté au grand jour ! L'on apprend, en outre, que les représentants de la société civile ont déjà engagé les procédures de poursuite du fautif par voie de droit. Une pétition a été déjà déposée sur le bureau du procureur de la République près le Tribunal de première instance de Tunis. Voilà donc un bel exemple de civisme et de civilité donné par une société civile de plus en plus énergique face aux regrettables dérapages et revers d'une révolution, et la recherche de sa vraie destination...