L'Etat est en sureffectif avec 750 mille fonctionnaires dans la sphère publique qui représente une charge salariale de 13 milliards de dinars pour un budget de 29 milliards de dinars. Ainsi 13,8% du PIB sont engloutis par les salaires, autrement dit 70% des dépenses publiques. C'est un record ! La présidence du gouvernement a annoncé samedi dernier, à travers un communiqué, l'organisation prochaine de concours nationaux en vue de recruter 23 mille agents dans la fonction publique. C'est le conseiller auprès du chef du gouvernement chargé des affaires sociales, Saïd Blel, s'exprimant hier devant le micro de la radio économique privée Express FM, qui l'a confirmé. A ce titre, 21 mille ouvriers bénéficiaires du mécanisme 16 seront intégrés, progressivement, dans l'administration et les services de l'Etat. Pour rappel, créé en 2000, le mécanisme 16 relevant du ministère de l'Emploi, pourvoit son bénéficiaire d'un contrat de stage dans une institution de l'administration publique d'une durée de neuf mois. Objectif, adapter la formation du candidat à la demande du marché du travail. Seulement, chômage oblige, des milliers de stagiaires ont vu leurs contrats reconduits plusieurs années de suite pour bénéficier de la maigre prime mensuelle de 200 dt. La dernière mesure prise par le gouvernement vise ceux-là précisément. Le conseiller à La Kasbah, M. Blel, a également annoncé la régularisation de 9 mille ouvriers d'ici fin mars et l'intégration de 17 mille ouvriers de chantiers de manière graduelle. Des mesures qui obéissent à la stratégie nationale, concertée avec la centrale syndicale, pour la généralisation de la couverture sociale et du salaire minimum, Smig, et extraire des milliers d'ouvriers de la précarité. Concours nationaux Si le programme aboutit dans les meilleurs délais et avec succès, ce sont 23 mille demandeurs d'emploi qui seront satisfaits. Seulement, et comparativement aux 700 mille chômeurs qui attendent sur les bancs, c'est insignifiant. Cette mesure, comme beaucoup d'autres adoptées par le passé, fera quelques heureux et beaucoup de mécontents. Le pays risque de s'embraser encore une fois. Parce qu'à la base, les concours nationaux n'ont pas bonne presse en terre tunisienne. Le favoritisme et les passe-droits inavouables mettent à rude épreuve la fiabilité de ces examens lancés pourtant à l'échelle nationale et censés bénéficier de toute la caution de l'Etat. Combien de fois les ONG ont attiré l'attention des autorités sur le déroulement des épreuves nationales, qu'elles soient écrites ou orales et dans n'importe quels domaine et secteur d'activité? Les concours nationaux prévus devraient donc être inattaquables. Pour convaincre les recalés avant les autres que les admis ne devront leur réussite qu'à leur mérite et à rien d'autre, ni à un gendre haut placé ni à un cousin, autorité au syndicat. Deuxième problématique, dans quelle caisse puisera l'Etat pour payer ses nouvelles recrues? Vraisemblablement dans celle alimentée par les dettes contractées auprès des organismes internationaux pour booster l'investissement. L'Etat n'est pas employeur Dans la loi de finances au titre de l'année 2016, des recrutements sont budgétisés, répond Moez El Joudi, joint par La Presse, mais la question qui se pose, s'interroge-t-il, le budget prévu concernerait aussi les 23 mille agents ou bien il s'agit d'un recrutement de circonstance additionné en sus après les derniers soulèvements ? Nous n'avons pas la réponse à ce jour, regrette l'économiste. Selon lui, le gouvernement est en train de tourner en rond et reproduire les erreurs de 2011 par «des décisions hasardeuses qui entraînent avec elles le déficit budgétaire, l'endettement et le manque de provisions prévus pour l'investissement et le développement régional, l'Etat employeur est une vue obsolète», dénonce-t-il encore. Pour traduire tout cela dans le langage têtu des chiffres : l'Etat tunisien est en sureffectif avec 750 mille fonctionnaires dans la sphère publique qui représente une charge salariale de 13 milliards de dinars pour un budget de 29 milliards de dinars. Ainsi 13,8% du PIB sont engloutis par les salaires, autrement dit 70% des dépenses publiques. C'est un record ! Quelques solutions Parmi les 600 mille chômeurs, 250 mille sont des diplômés du supérieur qui représentent une priorité. «Mais leurs formations ne sont pas employables parce que généralistes et théoriques. Paradoxe, des secteurs affichent des besoins de recrutement et gagnent de l'argent, comme la grande distribution, le textile, les banques et les assurances qui affichent des indicateurs au vert, analyse l'économiste, l'Etat doit identifier les secteurs qui sont encore employables à travers une cartographie des métiers où le besoin de recrutement se fait urgent et agir en conséquence». C'est un complément de formation-métier relativement court de 6 à 8 mois que préconise l'économiste et qui implique dans le processus les entreprises pourvoyeuses d'emplois. Une option qui ne résorbera pas tous les demandeurs d'emploi diplômés mais contribuera à inverser légèrement la courbe du chômage, selon lui. Pour les non-diplômés, il faudra créer dans les régions des chambres de métiers dans la plomberie, la mécanique, la maçonnerie et la peinture, là des besoins se font sentir dans le marché. «Il faut orienter ces jeunes vers la formation professionnelle qualifiante et les accompagner dans des programmes d'entrepreneuriat. Chez nous le plombier reste toute sa vie plombier, parce qu'il est dépourvu de toute aptitude managériale. En Allemagne, il commence plombier, à 50 ans il est à la tête d'une grosse PME de plomberie et fait employer des milliers de personnes», regrette Moez Joudi en concluant. Des modèles qui ont fait leurs preuves depuis des décennies déjà, la leçon ne semble pas encore assimilée chez nous, de toute évidence. Recrutement dans la fonction publique : La loi sera révisée en avril prochain Le nombre de personnes recrutées dans la fonction publique parmi les bénéficiaires de l'amnistie générale et les blessés et proches des martyrs de la révolution a atteint, à la fin de l'année 2014, 8.337 agents, a fait savoir, hier, le directeur général de la fonction publique à la présidence du gouvernement, Sofiane Abdeljaoued. Lors de la réunion de la commission des martyrs et blessés de la révolution et de la mise en œuvre de l'amnistie générale et de la justice transitionnelle de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), consacrée à l'examen de l'état d'avancement du dossier de recrutement de cette catégorie, le responsable a indiqué que plus de 13.700 dossiers ont été reçus par cette commission depuis 2012. Il a affirmé que les recrutements ont été effectués conformément aux lois et dispositions en vigueur relatives au recrutement dans la fonction publique. Cette commission rattachée à la présidence du gouvernement, a-t-il ajouté, a fixé le 28 février 2016 comme date butoir de la réception des dossiers relatifs au recrutement. Evoquant les craintes exprimées par certaines parties quant à l'incapacité de cette catégorie de promouvoir la rentabilité de l'administration, Abdeljaoued a tenu à souligner qu'un tel jugement est injuste, estimant qu'il faudrait plutôt évoquer la question de la rentabilité du fonctionnaire en général, conformément à l'article 15 de la nouvelle constitution qui stipule que l'organisation et le fonctionnement de l'administration publique sont soumis aux principes d'égalité et de neutralité du service public, conformément aux règles de transparence, d'intégrité, d'efficacité et de redevabilité. Il a, d'autre part annoncé, la révision de la loi sur la fonction publique qui démarrera en avril prochain, le but ultime étant de procéder à un traitement global de la question de la rentabilité à travers la mise en place des bases juridiques nécessaires permettant à l'administration tunisienne d'obliger les fonctionnaires de rendre compte.