Dr Sahbi BEN NABLIA Le gouvernement a donné le feu vert pour l'interdiction des sacs en plastique. Fini les sacs qui s'accrochent aux arbres tout le long des autoroutes, qui échouent sur nos plages ou qui nous heurtent en plein visage en automne dès qu'il commence à venter. Ça y est! Nous sommes les amis de la nature! Une nouvelle ère commence. La terre jubile, la Tunisie est verte au vrai sens du mot! Plus besoin d'aller à la campagne pour se reposer, la ville sera verte. On commencera la collecte et le tri sélectif des matières résiduelles. Des bacs serviront à recycler le papier, les cartons, les métaux et les contenants en vitre et en plastique. Des camions spécialisés collecteront les ordures triés. Pour les déchets ménagers, on commencera à produire du compost. Nous limitions les pesticides et nous consommerons les produits biologiques du terroir. Nous achèterons des vélos, nous réduirons l'émission de gaz à effet de serre. Nous encouragerons le covoiturage et développerons notre transport public. Nous revenons à la terre, nous favoriserons la production artisanale, celle des couffins en natte de jonc, des klims et des contenants en argile. Les artisans ont de beaux jours devant eux. A combien on estime les emplois verts directs et indirects qui seront créés? Ça tombe bien avec le lancement de la plateforme des emplois verts à Bizerte. Voilà une décision gouvernementale verte qui stimule le marché,qui est resté «vert de rage» pendant longtemps! Attendez! Je rêve en couleur «verte», je suis, aussi, vert de rage! «Voir des vertes et des pas mûres» Interdire les sacs en plastique sans nous communiquer les nouvelles politiques environnementales du gouvernement ni nous présenter un plan d'action pour stimuler le marché de l'emploi avec une empreinte écologique. Il s'agit d'un autre échec de la communication gouvernementale. Et les bouteilles en plastique, nous en faisons quoi? Acheter une bouteille d'eau est une action très coûteuse pour la terre tunisienne. Il faut prendre en considération le transport, l'embouteillage, le tri, le ramassage, la collecte et le recyclage. Avant de ramasser les bouteilles vides, repensons à la qualité de l'eau potable offerte aux Tunisiens. Pouvons-nous interpeller la Sonede pour en savoir plus sur la qualité de nos eaux? A 650 millimes le kilo, le plastique ramassé,plusieurs chômeurs et personnes nécessiteuses ont choisi le ramassage des déchets recyclables et sillonnent la ville pour assurer leur vie. Dans la logique du recyclage, ils se sont recyclés. C'est ça un gouvernement vert? La question du tri sélectif et la collecte des déchets recyclables présentent à elle seule une ouverture sur un marché de l'emploi, qui peine à se relever. Et nous ne pouvons pas manquer l'occasion de parler des pneus usagés. Combien de projets ont-ils échoué faute d'engagement des pouvoirs publics et de lourdeurs administratives. Une autre fois, le recyclage se fait à la tunisienne, durant les manifestations. Nous fermons les rues et nous brûlons les pneus pour les recycler!!! Au diable le gaz à effet de serre émis dans l'air. Le chantier du transport public à lui seul peut régler une grande partie du problème de l'environnement et des emplois verts. Faciliter le transport des Tunisiens et des Tunisiennes en ville et dans les régions est une politique verte. Au-delà du taux d'absentéisme élevé et du retard causés par le transport public archaïque, le renouvellement des véhicules et des autobus énergivores transforme de fond en comble,le secteur des transports, qui produit actuellement à lui seul près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre en Tunisie. «Etre vert de rage» Limiter l'usage du papier, préserver les arbres et garder une Tunisie verte est une valeur sociale. Nous lisons plusieurs signatures de messages dans nos e-mails qui nous incitent à penser avant d'imprimer! C'est beau de rêver en «vert». Avec l'espoir «vert» nous continuons de vivre «vert». Nous nous sommes réveillés un jour sur la décision de l'imprimerie officielle du Journal officiel de la République tunisienne d'annuler la consultation des publications en ligne et la reprise de l'impression papier. Au diable, les TIC et les arbres tunisiens. Quelqu'un quelque part dans l'édifice situé à Radès, pas loin de la forêt, a jugé qu'il n'est pas nécessaire d'adopter cette culture «verte». Il a annulé la consultation en ligne des publications et a obligé l'adoption du format papier. L'argument avancé, c'est le manque de ressources financières de l'institution. On vous le concède ! Le pays est en crise. Augmenter le prix de la copie en format papier dans votre abonnement en ligne, ajoutez deux dinars, et laissez-nous consulter à tout moment et de n'importe quel endroit nos publications et sans être obligé d'archiver des papiers qui prennent de la place, produit de la poussière et qui vont nécessiter un ramassage, du tri et de recyclage. Recyclons autre chose! Les mentalités peut-être. Faire circuler l'information et la partager «vert» est une culture. Consulter les publications du Jort en ligne, ça crée une nouvelle économie, l'économie numérique, une expression si chère à notre ministre des TIC. Ah, «brabi» monsieur le ministre : est-ce possible de numériser le processus de renouvellement du registre de commerce avec la carte intelligente de la Poste tunisienne qui n'a pas été présente au dernier salon auquel vous avez participé. J'ai entendu que vous étiez vert de rage. Les dix dinars que nous devons payer au guichet du bureau de poste, serait-il possible de les payer avec votre nouvelle carte à partir de nos bureaux? Les extraits de naissance accessibles en ligne est une belle initiative. La culture ne suit pas encore. Nous y travaillons. Mais, les publications du Jort, le registre de commerce, avec sa mise à jour après six mois, vont générer beaucoup plus des revenus et diminuer l'émission de gaz à effet de serre dégagé durant nos déplacements à la course en voiture pour récupérer ce fameux registre. Pour finir avec les verts, nous demandons l'élimination d'un seul métier vert pour en créer des milliers, un métier millénaire : un vieux métier au son vert toujours valorisé en Tunisie, le «qafef», «le porteur du couffin», qui court derrière toi : responsable, patron ou ministre pour prendre ton couffin ou celui de tes proches. Non, attendez! La Tunisie était toujours verte, c'est son image de marque dans les pays arabes. Le recyclage est une culture de par chez nous,depuis des millénaires : le klim, les couffins en natte, nos pneus brûlés dans les rues et nos plats cuisinés recyclés. Qui n'a pas mangé un plat de sauce aux petits pois (jilbanna) recyclé en tajine?