La pièce théâtrale Arrabouz de la Compagnie marocaine Vie-Ages a été présentée mardi dernier à El Teatro de Tunis, point de départ d'une tournée organisée par le Théâtre National Mohamed-V en collaboration avec le ministère chargé des marocains résidents à l'étranger et des affaires de la migration. Arrabouz est une comédie marocaine hilarante qui a transporté «La Halqa» d'antan au cœur de la scène d'aujourd'hui. Mardi dernier, on a pu apprécier cet art de la rue pratiqué jadis à Marrakech par les Hleyqia ou les conteurs ambulants qui gagnaient leur vie en racontant les vannes et les histoires drôles sur les lieux publics, grâce aux jeunes comédiens marocains qui n'ont pas hésité à donner un avant-goût du spectacle en présentant une sympathique démonstration dans le hall d'El Teatro, suscitant l'interaction des spectateurs juste avant leur entrée en salle. Aussitôt installés, les spectateurs ont pu apprécier la mise en scène d'un spectacle foisonnant, populaire et drôle avec lequel l'auteur et metteur en scène Amine Ghouada affiche ses talents de conteur, à travers un style, un ton et une écriture singuliers et captivants. Un voyage théâtral malin, euphorisant, d'une fluidité exceptionnelle, faisant la part belle aux acteurs, citons : Mohammed Bouddane, Said Harrassi, Aissam Eddine Mouhrim, Bouchaib Semmak et Said Bekkar aussi heureux et amusés que le public à l'issue de la représentation. L'action de Arrabouz se déroule à Marrakech, à la place Jemaâ El Fna. Lors de leurs performances, les conteurs (Hleyqiya) sont interrompus par un étranger qui s'est immiscé dans leurs jeux. D'abord ils se mettent en colère puis ils compatissent avec lui dès qu'ils découvrent qu'il est amnésique. Ils décident alors de stimuler sa mémoire en lui faisant revivre les moments marquants de son passé. L'inconnu prend part à leurs improvisations et commence à se rappeler des derniers événements qu'il a vécus avant son arrivée à Marrakech. Des flashbacks s'enchaînent, exposant progressivement le secret qu'il essayait de dissimuler. Le but derrière ce travail, d'après le metteur en scène, est de préserver «la halqa, qui fait partie du patrimoine culturel immatériel, nécessitant une sauvegarde urgente parce que sa viabilité est en péril. Les acteurs de cet art de narration ancestral vivent dans des conditions pénibles et délaissent la halqa pour d'autres métiers afin de subvenir aux besoins de leurs familles», explique-t-il. «Notre projet théâtral Arrabouz vient combiner les efforts de sauvegarde de ce patrimoine immatériel de l'Humanité. Cette action vise l'immortalisation de la halqa, à jamais, dans une pièce théâtrale unique et originale». S'appuyant sur un solide travail de recherches, la partition est instructive, mais surtout enlevée, amusante, touchante. Les personnages en costumes traditionnels d'époque sont parfaitement composés. Lors des improvisations, les comédiens multiplient les rôles. Et dans cet exercice, tous se révèlent brillantissimes, passant avec justesse d'un caractère à un autre, parfois en un dixième de seconde. Personnalités singulières, attachantes, dotées d'une véritable force d'interprétation. Elles nous ont tout simplement conquis. Narrant et chantant les tribulations des habitants de l'époque, tout en multipliant les vannes et les situations comiques, le spectacle s'est avéré un bon divertissement, bien monté, drôle, improbable et culotté. Bref, un travail efficace pour donner un nouveau souffle à un art en péril, mieux encore, le placer au-devant de la scène !