Par Amor NEKHILI L'Assemblée générale des Nations unies a proclamé le 20 mars Journée internationale du bonheur dans sa résolution du 12 juillet 2012. L'Organisation reconnaît ainsi que le bonheur et le bien-être sont non seulement des aspirations universelles mais qu'ils devraient être pris en compte dans les objectifs politiques. En nommant une femme « ministre du Bonheur », les Emirats arabes unis ne font que souscrire à l'initiative onusienne. Attribué à Ouhoud Al-Roumi, ce ministère devra s'assurer que les politiques gouvernementales créent « le bien-être social et la satisfaction » des individus, aux dires du Premier ministre des Emirats arabes unis, cheikh Mohammed Ben Rached Al-Maktoum. Doit-on se réjouir de cette démarche ? Oui, si l'on en croit le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, pour qui le développement durable est inextricablement lié au bonheur et au bien-être. L'expression « bonheur et développement » a vu le jour dans les années 1970, quand le royaume du Bhoutan a introduit un nouvel indice de mesure de la prospérité nationale, centrée sur le bien-être de la population plutôt que sur la productivité économique. Le bonheur national brut (BNB) établi par le royaume du Bhoutan tente de mesurer la valeur de la richesse naturelle, humaine, sociale et culturelle d'un pays au lieu de son seul capital financier et manufacturier. Ces dernières années ont vu croître l'intérêt porté au BNB – une résolution de 2011 adoptée par l'Assemblée générale précisant que le PIB « ne reflète pas convenablement le bonheur et le bien-être de la population d'un pays ». Allant au-delà de la richesse traditionnellement mesurée à travers le produit intérieur brut (PIB), le BNB définit une statistique unique pouvant servir de cadre de référence au développement tant social qu'économique, en mesurant également le bien-être à travers la santé et des aspects éducatifs. Depuis 2010, l'IDH ajusté aux inégalités, l'Index d'inégalités de genre et l'Indice de pauvreté multidimensionnelle évaluent des aspects critiques du développement humain. Il convient de noter qu'en juillet 2011, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté, sans vote, une résolution sur le bonheur comme une approche globale du développement. Dans sa résolution, l'Assemblée invitait les Etats membres « à élaborer de nouvelles mesures qui tiennent mieux compte de l'importance de la recherche du bonheur et du bien-être afin d'orienter leurs politiques de développement ». Au Pnud, la promotion du développement humain est basée, depuis bien des années, sur l'idée que la population constitue la vraie richesse des nations. « Notre vision, souligne-t-on à l'agence onusienne chargée du développement, est celle d'un développement qui permet aux gens de vivre plus longtemps, d'être en meilleure santé, de pouvoir étudier, de bénéficier d'un niveau de vie décent et d'avoir la liberté de choisir la vie qu'ils souhaitent. Tout comme celle du Bhoutan, notre approche recherche un équilibre entre les aspects matériels et non matériels du bien-être [et] le défi majeur du XXIe siècle : parvenir à un développement humain durable. » Mais alors pourquoi les sondeurs et les chercheurs s'attachent-ils aujourd'hui plus que jamais au bonheur des peuples ? Parce que mesurer uniquement la production économique n'est pas le meilleur indicateur. Le bien-être, et le fait de croire que les choses progressent dans la bonne direction, se traduisent par des changements positifs. L'optimisme est un important indice de résilience — ou permet de savoir à quelle rapidité les populations vont rebondir après une crise ou un coup dur. Les hommes et les femmes qui sont mieux nourris, mieux éduqués, et dont le pays est bien dirigé, les hommes et les femmes qui ont davantage de possibilités d'emploi, et qui sont bien informés, ont beaucoup plus de chances d'entraîner le monde dans une direction qui sera positive pour tous. Les citoyens qui se sentent en sécurité dans la rue et sont convaincus de leurs droits légaux investiront probablement davantage dans leur propre avenir. Des pays bien dirigés, en devenant des partenaires commerciaux de confiance, peuvent connaître d'importants bénéfices économiques qui contribueront à la progression du monde entier. Cette approche sur l'économie du bonheur, qui s'est engagée depuis plus de dix ans, est révélatrice d'un monde qui évolue vers une prise en compte d'une meilleure qualité de la vie de l'homme. A.N.