«Transfiguration III» est une exposition regroupant les dernières œuvres de l'artiste peintre Rafik El Kamel à la galerie Le violon bleu à Sidi Bou Saïd jusqu'au 27 mars prochain. Rafik El Kamel est l'un des pionniers de la peinture abstraite en Tunisie. Né en 1944 à Tunis, il fait partie de la deuxième génération des peintres tunisiens. Il a étudié à l' ENBA de Tunis (section peinture) de 1962 à 1966, puis il a effectué des voyages d'études en 1967 à Paris, Suisse et Italie, participant à des stages et des formations à l'ENSAD de Paris en 1968 et à l'atelier J. Despierre à Paris en 1970 pour retourner définitivement à Tunis en 1971. Lors des expositions qu'il a organisées à Tunis, un nombre de ses œuvres a été acquis par l'Institut du Monde Arabe. Après avoir exposé à la galerie Le Violon en 2009 et en 2013, le voilà de retour toujours en forme, guidé par la ferveur passionnée de l'artiste, il nous transporte à travers ses œuvres à la frontière de l'abstraction. Son geste se reconnaît, son coup de pinceau et la couleur sont liés à l'émotion et à la pensée. La toile est un réceptacle de ses émotions et de ses pensées. Quant à la couleur, elle transparaît dans des mélanges provoqués par des superpositions de va-et-vient de l'outil sur la toile. Le mouvement s'opère par glissements de la même couleur par des coups de pinceaux les uns sur les autres. S'inventant à chaque fois de nouvelles architectures de l'espace. Dans son travail, rien n'est laissée au hasard, chaque touche est pensée, cadrée et réappropriée. Sa peinture demande toujours un temps de regard, d'exploration pour découvrir ce qui se donne à voir, mais aussi ce qui se cache. Son art fait parler la matière, qu'elle soit lisse, épaisse, fluide, libre ou contenue dans des formes géométriques. Il intervient sur la base d'une forme aléatoire, en s'interrogeant sur la manière dont le mou rencontre le dur, la forme fluide l'angle dur, la surface lisse la matière boursouflée. Sur les grands formats récents exposés ici, on distingue deux types de toiles. Ceux qui reposent sur des effets de masse et un jeu de couleurs réparti entre arrière-plan et avant-plan, et ceux qui explorent la ligne et la dynamique des éléments. Puisant à la fois dans l'abstraction géométrique et l'abstraction lyrique, ses peintures révèlent une certaine complexité qui ne laisse pas indifférent. Avec, parfois, seulement deux couleurs, sans aucune variation de tons, le peintre propose plusieurs points de vue de lecture de la composition, offrant ainsi au spectateur la liberté de l'interprétation de ce qu'il perçoit. Minutieusement, Rafik El Kamel construit les différentes formes colorées qui occupent l'espace de la toile laissant entrevoir la surface du fond comme des déchirures ou des plaies ouvertes. Dans son travail, il semble avant tout animé par une volonté de créer une tension, de travailler les rapports de force et d'équilibre entre les éléments de ses compositions, mais aussi de multiplier les niveaux de lecture de l'image pour créer un univers plastique riche en perceptions et en émotions.Bref, une belle exposition d'un grand artiste qu'il conviendra de découvrir sans faute !