La situation dans l'ensemble des entreprises publiques de transport est qualifiée de désastreuse. Elaboré avec la Banque mondiale, le Livre blanc propose dix actions pour sortir le secteur du marasme Le ministère du Transport a dévoilé hier, au cours d'une conférence, le «Livre blanc» du secteur du transport élaboré sous la houlette d'Andrew Losos, chef du projet, dépêché par la Banque mondiale. Un diagnostic sans concession de la situation du secteur dans sa composante privée et publique, suivi par la proposition d'un plan d'action résumé en 10 points, qui, selon le ministre Anis Ghedira, sera intégré au plan quinquennal 2016-2020. Retards cumulés Dans son allocution d'ouverture, le ministre du Transport a notamment mis l'accent sur l'importance d'un secteur qui pourrait constituer une locomotive de la croissance dont la Tunisie a besoin. Avec une contribution de 7% au PIB et 14 mille travailleurs au total, le secteur du transport n'est pourtant pas au bout de son potentiel, bien au contraire. En effet, Anis Ghedira, qui vient tout juste de récupérer le portefeuille ministériel, s'est montré franc en estimant que le secteur souffrait d'énormes difficultés. Il met en cause notamment des retards cumulés dans la mise en place de grands projets d'infrastructure, des réformes structurelles et du renouvellement des équipements de transport. Il présente notamment des constats effrayants dans l'ensemble du secteur à l'instar de la détérioration du transport ferroviaire, l'absence d'un port moderne et un retard dans l'aménagement d'un port en eaux profondes prévu à Enfidha, sans compter la détérioration des conditions de transport à Tunisair. D'ailleurs, la situation dans l'ensemble des entreprises publiques a été qualifiée de «désastreuse» lors du séminaire. Dans l'ensemble des classements mondiaux liés au transport, la Tunisie a dégringolé tandis que le Maroc, cité comme exemple à maintes reprises, ne cesse de se développer dans ce secteur. «Nous devons récupérer les retards en accélérant de la mise en place par exemple du RFR et du métro de Sfax, du port en eaux profondes et en améliorant les conditions du port de Radès à travers la limitation du délai des navires en rade, et il faudra impérativement renouveler les équipements de transport», a expliqué le ministre du Transport tout en estimant que l'adoption de la loi sur le partenariat public-privé (PPP) pourrait accélérer la cadence des réformes adéquates. Le livre blanc que les représentants de la Banque mondiale et du ministère tiennent à présenter comme le fruit d'un travail effectué principalement par des experts tunisiens fait un diagnostic, qui se veut exhaustif, de la situation du secteur des transports. La Tunisie perd 50 places en termes d'efficacité logistique Du côté du transport de marchandises, le Livre blanc en vient à la conclusion que celui-ci s'effectue principalement par voie terrestre à travers le camionnage, et ce, au détriment du transport ferroviaire dont la part ne cesse de se rétrécir. A titre d'exemple, 86% des échanges de marchandises s'effectue par mode routier contre 14% seulement pour les chemins de fer. En outre, le rapport juge «médiocre» la performance de la Tunisie dans le domaine des infrastructures de transport et de logistique. Entre 2011 et 2014, la Tunisie a perdu 50 places dans le classement mondial sur l'efficacité logistique. L'activité portuaire a, elle aussi, accusé un net recul au cours de la première année suivant le 14 janvier 2011. Son volume passe, en effet, de 30 millions de tonnes par an en 2010 à 25 millions de tonnes en 2011. Si l'activité a repris depuis, plusieurs difficultés restent encore à surmonter. Déjà, avant la révolution, le port de Radès avait du mal à faire face, «dans les conditions d'exploitation requises», au flux de marchandises. Mais depuis la révolution, celui-ci souffre de difficultés de «gouvernance et de gestion des ressources humaines... Alors même que le trafic a baissé». Autre chantier des transports, celui du transport public de personnes composé par la Transtu, la Sntri et la Sncft, trois compagnies dont la situation financière est délicate, notamment en raison du gel des tarifs et de l'augmentation des coûts d'exploitation. Remontant à près de 30 ans, le rapport note que « le plan de circulation de Tunis est devenu complètement obsolète». Ce que propose le Livre blanc Passée la phase de diagnostic, la Banque mondiale et ses partenaires du ministère proposent concrètement 10 actions disposées dans un rétro planning. En effet, le livre blanc propose : L'accélération de la mise en œuvre de la stratégie de développement de la logistique pour stabiliser le système logistique en Tunisie, dans le but de créer de la richesse et de l'emploi. L'identification et le développement des plateformes d'échange entre divers modes de transport sur l'ensemble du territoire dans le cadre du PPP. L'intensification du plan d'urgence initié en 2014 pour améliorer la performance opérationnelle de la Stam au port de Radès et développer la logistique en Tunisie. La finalisation des plans de développement du port de Radès et sa réalisation par le biais de partenariat public-privé ou en association avec la Stam. La refonte du mode de fonctionnement des entreprises publiques placées sous la tutelle du ministère du Transport en passant d'un mode de contrôle a priori à un mode de contrôle a posteriori. La publication des décrets d'application de la loi 2004 sur l'organisation des transports publics qui permet notamment aux opérateurs du secteur de bénéficier de compensation du manque à gagner induit par «la gratuité ou certaines réductions». La mise en place d'un plan d'action pour l'amélioration de la gestion de la sécurité routière. La promotion du rôle de la Sncft dans le transport du fret et des personnes en provenance ou à destination des zones défavorisées : l'objectif étant de désenclaver les régions intérieures. La prise de mesures spécifiques pour faciliter le transport public des personnes à destination ou en provenance des zones défavorisées : le livre blanc suggère en effet au gouvernement d'envisager un régime de subvention en direction des zones défavorisées. La définition et la mise en œuvre d'un plan de désenclavement de régions défavorisées comportant un programme national de développement de pistes rurales. Dans son intervention, Eileen Murry, la représentante résidente de la Banque mondiale en Tunisie, a assuré que son institution financière ainsi que l'ensemble des institutions financières internationales allaient contribuer de manière active à la réalisation de ces objectifs.