C'est le plus beau présent que peut faire une grand-mère à sa petite-fille : un livre. Mais un livre qui offre à la femme que deviendra un jour cette enfant les modèles les plus prestigieux, les exemples les plus grandioses, les images les plus belles de ces femmes qui ont façonné le pays où elle vit. «La liberté en héritage», ouvrage paru aux Editions Jacques Marie Laffont, sous la plume de Najet Fakhfakh, a cette ambition. Yasmine est enfant de la révolution : née le 14 janvier, elle a ouvert les yeux dans une Tunisie vibrante d'espoirs, d'attentes, de foi et de rêves. Elle a poussé ses premiers cris dans les échos d'un maelström de «dégages», de chansons, de slogans, d'appels à tout et à n'importe quoi. Elle s'est imprégnée d'un souffle de créativité vigoureuse, de chaos créatif, de liberté débridée. Pour elle, pour cette enfant née au tournant de l'Histoire, Najet Fakhfakh a composé le plus beau des présents, celui d'une femme à toutes les femmes, celles qui ont fait leur la phrase de Tostoï qu'elle place en exergue de son livre : «Femmes, c'est vous qui tenez en vos mains le salut du monde». Najet Fakhfakh est professeur de français, spécialiste de théâtre, passionnée d'histoire, et a longtemps été en charge du service culturel de la municipalité de Tunis. Au lendemain de la révolution, elle a entrepris de tenir un journal des événements, journal personnel étroitement entremêlé des histoires de ces femmes qui ont fait son pays, et qu'elle destine à Yasmine, sa petite-fille pour que la mémoire demeure. Pour cette enfant, elle raconte les marches de liberté, les sit-in, les accrochages, mais aussi, au fil des événements et au rythme des lieux, Elyssa, Sophonisbe, la Kahena, Fatma el Fehriya. Entre deux batailles pour la Constitution, et les péripéties de l'Isie, elle raconte Arwa la kairouanaise qui imposa à son époux ce fameux «contrat de Kairouan» qui révolutionna la jurisprudence en donnant la prééminence aux femmes. Au moment de la victoire de la troïka, Najet Fakhfakh avoue à sa petite-fille : «Ce qui me détend dans ce contexte compliqué, je l'avoue, c'est d'avoir décidé de suivre pour toi le cours de la vie de ces femmes en même temps que l'histoire de notre pays». L'Histoire est impatiente, et il y a tant de femmes à raconter à la petite Yasmine. Alors, en même temps que les grèves, et un quotidien de plus en plus difficile, l'auteur évoque les pionnières : Bechira ben Mrad, Zoubeida Amira, Tawhida ben Cheikh, la première femme médecin, Habiba Menchari, la femme à qui Bourguiba a ôté son voile, Radhia Haddad, Wassila Bourguiba.... Mais les autres, les contemporaines aussi ont tant à dire. Il faut leur faire place dans la mémoire à venir de la petite Yasmine. En Tunisie, les choses s'emballent. Un nouveau parti vient de naître, Nida Tounès, qui réalisera «un miracle politique», les drames s'enchaînent qui abattront de valeureux militants. Des femmes, des passionarias sont sous les feux de l'actualité : Besma Belaïd, Radhia Nasraoui, Amel Grami et tant d'autres encore. Plus que tout autre, ce siècle sera celui des femmes. Petite Yasmine ne l'oubliera jamais.