Par Abdelhamid GMATI La Tunisie est en guerre contre le terrorisme, et ce, depuis près d'une année. Mais les Tunisiens le sont-ils tous ? Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, vient de préciser il y a deux jours : « Le peuple tunisien est, dans son immense majorité, en guerre contre cette barbarie ». Certes, les militaires, les forces de l'ordre, les gardes nationaux, les douaniers, tous sont mobilisés contre ce fléau, multipliant les traques, débusquant des cellules dormantes et des caches d'armes, procédant à des arrestations de centaines de suspects. Pour le reste, chacun vaquant à ses occupations et à ses revendications. Les trois attentats de 2015 avaient secoué, un temps, l'opinion publique, mais sans plus. Voici que l'attaque terroriste sans précédent à Ben Guerdane remet les pendules à l'heure et constitue ce que l'on a appelé un « tournant ». Un moment de vérité qui amène à se regarder droit dans les yeux et à prendre conscience de certaines réalités. Un constat : les 45 terroristes éliminés et les huit arrêtés (bilan provisoire) sont en majorité des Tunisiens. Outre ceux qui ont bénéficié de complicités et de facilités pour partir au jihad en Syrie et en Irak, il y a ceux qui sont à l'intérieur du pays. La Tunisie est exposée au danger terroriste non pas seulement à cause de la vulnérabilité des frontières, surtout celles du sud, ou parce qu'il y a un manque de moyens, mais surtout parce qu'il existe une prolifération de cellules dormantes et des pêcheurs en eau trouble et des apologistes du terrorisme. D'aucuns parlent d'une cinquième colonne. Alors qu'il y a unanimité nationale pour dénoncer cette attaque terroriste, certains ne trouvent rien de mieux que s'attaquer à l'Etat comme ce député qui a dénigré et le gouvernement et l'armée nationale. Les forces de l'ordre et les militaires s'attendaient à une action terroriste à Ben Guerdane. Ils en ont été avertis, entre autres, par les aveux d'un terroriste tunisien arrêté à la suite du bombardement américain à Sabratha. Ce jihadiste avait évoqué un plan terroriste prévoyant la prise de contrôle de Ben Guerdane, Daech attendant des renforts et comptant sur 200 combattants pour s'attaquer à la ville. Les militaires et les forces de l'ordre dans toutes leurs composantes les attendaient de pied ferme et ont répondu rapidement à l'attaque, remportant le succès que l'on sait, au prix de plusieurs martyrs. Un hommage unanime leur a été rendu ainsi qu'à la population dont plusieurs se sont mis en danger et en ont subi les dramatiques conséquences en essayant d'aider. Il s'est avéré que le signal de l'attaque a été donné à partir d'une mosquée proche de la caserne de la ville. Il semble même que les terroristes fréquentaient cette mosquée au vu et au su de tous. Et cela repose la question du rôle des mosquées dans l'endoctrinement et l'enrôlement de ces jeunes et moins jeunes tunisiens. Quand se résoudra-t-on à contrôler sérieusement ce qui se passe dans ces mosquées transformées en lieux de terrorisme ? On peut s'interroger sur le rôle des partis politiques, notamment ceux qui sont au pouvoir. N'ont-ils pas des bureaux, des cellules, des partisans dans les diverses régions et localités du pays ? N'ont-ils pas le devoir d'encadrer les jeunes et de veiller à la protection du pays ? Et les municipalités ? Ne savent-elles pas ce qui se passe chez leurs administrés ? Cette fois-ci le gouvernement a vite réagi et la coalition des partis au pouvoir s'est rapidement réunie. Mais pour quelle décision ? La coordination a appelé les partis, les organisations nationales et les citoyens d'une manière générale à organiser des marches régionales et nationales pour hisser uniquement le drapeau national. Elle a également appelé à la formation de délégations politiques et parlementaires pour visiter la ville de Ben Guerdane. Il y a là de quoi tranquilliser les Tunisiens. N'a-t-on pas pensé que ces marches et ces manifestations vont devoir être sécurisées, ce qui ajoutera à la charge des sécuritaires et dégarnira les lieux sensibles, cibles des terroristes ? On s'attendait à des décisions énergiques que commande la situation. Dans un pays en guerre, il faut un gouvernement en guerre et une économie en guerre. Et des décisions de temps de guerre amenant chacun à remplir son devoir et à se mobiliser pour défendre le pays. Cela passe entre autres par la reprise du travail à tous les niveaux, pour relancer l'économie et faire face aux besoins et aux exigences de cette situation exceptionnelle. Mais il n'est pas trop tard pour bien faire.